Lie Lie Land | Kyle & Baxter | south district

Lie Lie Land

Kyle & Baxter

Les derniers temps n’ont pas été faciles pour moi. Je mentirais si je vous disais que l’incendie qui a ravagé l’immeuble où j’habitais depuis des années m’a laissé indifférent. Et le pire, ce n’est même pas le fait que j’ai perdu la plupart de mes affaires, de mes souvenirs, de mes trucs insignifiants, mais auxquels je tenais quand même; non, le pire, c’est d’avoir vécu à nouveau le traumatisme du Grand Incendie, d’avoir rouvert une blessure déjà mal guérie. Putain de vie de merde, sérieux. Bref. Désormais, je vis chez Thea, temporairement… ou peut-être pas. En réalité, je ne sais pas. Si d’un côté j’aime mon indépendance et le fait d’être totalement libre dans mes activités ou dans mes horaires, j’aime aussi la présence de ma sœur, le fait qu’elle s’inquiète pour moi et qu’elle soit là. Je me sens moins seul, et ça, ça m’aide à ne pas dérailler, en quelque sorte. Donc voilà, on verra bien. Pour le moment, j’habite avec elle et la cohabitation se passe plutôt bien, et c’est ça le plus important.

Ce soir, je suis encore une fois dehors, parcourant les rues à la recherche de murs dénudés sur lesquels graffer. C’est une façon de m’exprimer, de libérer ma colère, mais aussi de dénoncer le système, les injustices. Ça me fait du bien et ça ne fait pas de mal aux autres – hormis ceux que je dénonce, évidemment. Mais quoi, un jour ou l’autre les gens finiront bien par ouvrir les yeux, non ? Il faut donc que l’on continue à répandre la vérité en ville, et dans le monde. Car si on se tait, on est foutus, aussi simple que ça. On nous traitera comme du bétail tout en affirmant que ça nous plaît, car personne n’aura osé crier haut et fort que non, ce n’est pas le cas. Alors merde, faut qu’on s’exprime, sans aucune peur ou hésitation. Et maintenant que le Conseil du Renouveau a pris les rênes à Bristol et que la démocratie est apparemment de retour, il n’y a plus aucune excuse pour que je me retienne.

Ainsi, je me lance enfin, laissant ma créativité prendre le dessus. Les idées prennent forme, les bombes de peinture colorent les figures, ces murs ne sont plus de simples murs, mais bien des messagers, silencieux et pourtant fort visibles. Une main tient une couronne, tandis que l’autre est teintée de sang. Et, sous cette image symbolique, le message est acerbe et direct, comme d’hab’ : « ce n’est pas fini ». Car ouais, il ne faut pas croire qu’on va nous laisser tranquilles éternellement, sous la gestion d’un gouvernement composé d’elfes qui a pris le pouvoir grâce à un coup d’état, renversant celui qui avait été approuvé par la Reine et ses alliés… Mais on peut aussi voir cette image sous une autre perspective, celle où les Bristoliens qui subissent depuis des années décident de souligner qu’ils ne baisseront pas les bras et que la lutte se poursuivra. C’est le côté fun de l’art, on peut voir les choses de différentes manières, en tirer plusieurs leçons. Alors que je fais quelques retouches afin de colorer un peu plus la grande couronne dorée et accentuer la couleur carmin du sang sur l’autre main représentée, je m’aperçois que quelqu’un m’observe depuis un moment. Parfois, quand cela arrive, mon premier instinct est de prendre mes affaires et de dégager en vitesse, mais aujourd’hui... eh bien, ce n’est pas le cas. J’enlève le bandana qui me servait de masque improvisée, je pose les bombes de peinture à mes pieds et m’adresse au type.

« Alors, t’en dis quoi ? C'est pas tout à fait fini, mais voilà. »

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