Cassandra Cicéron ~Palefrenière Elfique

Je suis la troisième génération des Cisséron. J’ai connu mon grand-père, l’un des premiers Elfes. C’est étrange de se dire cela lorsque l’on vit dans une communauté humaine. Et pourtant, voilà mon terrible secret. Nous vivions dans un clan, au sein de la forêt qui bordait Reversa. Je dis bien bordait, puisqu’elle a été détruite en 2010 lors du Grand Incendie. L’évènement qui a détruit la vie de plus d’une personne et surtout celle des Elfes comme moi. J’ai tout perdu ce jour-là : ma maison, ma famille, certains de mes amis et aussi ma dignité. Depuis ce jour la peur s’est insinuée dans ma vie tel un serpent qui évalue la taille de sa proie avant de la manger entièrement et de la digérer pendant des heures. Je ne sais pas si je ferai un jour surface et si ma vie changera à nouveau mais il est certain que cette date restera à jamais ancrée dans mes veines, quoi qu’il advienne désormais.

Mon père m’a forcé à fuir ce jour-là mais il n’a pas pu s’en sortir. Il partait rechercher ma mère quand les flammes l’ont happé dans un immense brouillard orangé. Les larmes ont coulées, pendant longtemps. Je n’avais que 22 ans à l’époque… J’ai erré sur la route pendant toute une nuit quand un homme, un très bel homme m’a offert de l’aide. Un repas, une douche, une discussion intéressante et de belles paroles. Un lit également. J’ignorais juste que tout cela n’était pas gratuit, j’étais seule, orpheline, désorientée et il en a profité pour abuser de moi. C’est ainsi que j’ai perdu ma virginité. Dans un bain de sang et dans la honte.

Je me suis enfuie, j’ai couru, pendant longtemps, dans une seule direction, sans savoir où j’allais et jusqu’à m’écrouler de fatigue. Je me suis réfugiée dans un coin de la forêt qui bordait la route sans savoir quoi faire ou aller. Je ne sais même pas combien de temps je suis restée cachée là. Tout ce dont je me souviens c’est qu’en ouvrant les yeux, la lumière du soleil m’a littéralement voilé la vue jusqu’à ce qu’une ombre m’aide à y voir plus clair. Cette ombre appartenait à un autre homme un homme d’origine indienne. J’ai eu peur d’abord. Je ne voulais pas qu’il me touche. Mais cela faisait des jours que je n’avais ni bu ni mangé et j’étais couverte d’égratignures et de sang, stigmates de ma résistance alors qu’un homme prenait possession de mon corps contre ma volonté. Alors je me suis évanouie et il a fait de moi ce qu’il a voulu. Heureusement, il m’a soigné et m’a requinquée. Il vivait dans une ferme non loin de Bristol. Il m’a alors prise sous son aile et a contacté un homme pour me procurer de faux papiers.

Je suis une humaine. Personne ne sait pour mon don. On me croit juste douée avec les animaux, comme si ma sociabilité s’était transposée des humains aux animaux, la motivation étant mon passé torturé. C’est étrange de devoir tout cacher désormais, mais j’ai trouvé un équilibre avec l’homme qui est désormais mon mentor et mon professeur. Il m’a appris le métier de palefrenier et je lui en serai toujours reconnaissante. Il a gagné ma confiance, m’a fait renouer avec la nature et m’a permis de développer mon don dans le plus grand secret qui soit. Et surtout, il me donne l’amour d’un père sans le remplacer.

J’essaye alors de trouver un équilibre entre celle que je suis et celle que j’aimerais être, observant les effets de la Révélation sur les habitants de la ville. Après tout, ils se confient bien plus qu’on ne pourrait l’imaginer quand ils viennent en consultation. Pour ma part je prends garde à ne révéler rien de moi. Rester en retrait pour sauver ma peau. Finalement, rien a changé à mes yeux. Petite, je me cachais avec mes parents dans la forêt et maintenant je me cache mais aux yeux du monde en vivant parmi les humains. J'ai peur, oui, peur que l'on découvre ce que je suis et de finir on ne sait où pour être étudiée ou autre. Car je n'ai absolument pas confiance en ce gouvernement.