FamilyTree Ft. Edana

Ta chute était brutale. Tes rêves, brisés, tes ambitions, détruites. Tu aurais dû rester enfermée, ce soir là, et ne surtout pas jouer de vanité. Mais ça a été plus fort que toi, il a fallu que tu te prennes pour un super héros qui s’apprêtait à arrêter le grand méchant… ce qui ne fut évidemment pas le cas. Ô maintenant que tu es enfermée, tu les entends murmurer leurs plus grandes aspirations depuis que le Ribcage a sensiblement été vidé de ses habitants. Même si les arrestations furent nombreuses le jour de ta disgrâce cela n’a pas suffi à combler les fuites de cette prison d’enfer.

Ils t’ont emmenée dans une chambre qui te paraît déjà comme une cellule, apporté quelques vêtements, et ont scellé la porte. Tu t’es à nouveau retrouvée seule avec tes démons, tes pensées sombres. Tu sais ce qui t’attend ici et cela ne t’enchante guère. Même si tu es seule, tu peux sentir l’angoisse dans la pièce, suinter sur les murs et les pores de ta peau. Tu sais qu’ici, tu n’es pas plus haute qu’un autre et que la seule aide que tu pourras obtenir, c’est la tienne. Tu n’es qu’un numéro au milieu d’autres numéros et tu n’as pas que des amis dans cet endroit. Bien loin de là.

Au final, tu ne sais même pas combien de temps tu es restée ici. Pas de téléphone, pas de montre, pas d’horloge. Juste les lumières de l’extérieur. Tu as arrêté de compter au bout du cinquième parce que tu ne voulais pas t’imposer davantage de douleur. Peut-être aussi est-ce dû à ce moment où deux agents sont rentrés pour ta première sortie, t’emmener dans cette salle de torture où ils t’ont pucée comme un animal et t’ont injecté leur fameux sérum. Et depuis, tu sens ce vide au fond de toi. Parce que pour la première fois de ta vie, tu as ce que tu voulais avant de rencontrer ton opposé, avant d’arriver à Bristol, avant de comprendre combien ton don te rendait précieuse et spéciale. Tu es maintenant une humaine lambda, sans aucune particularité aucune sinon d’être née le cul dans le beurre. Et bon sang, Dieu seul sait combien ça peut te déranger. Tu te sens désoeuvrée maintenant que tu es comme tous les autres.

A nouveau, ta porte s’ouvre et tu lèves un regard défiant sur tes geôliers. Ta lèvre est encore douloureuse du coup qui t’a été asséné lors de ta capture, mais cela n’empêche pas tes yeux de jeter des éclairs. Tu as beau te sentir plus bas que terre, tu es toujours Edana May, aristocrate jusqu’au bout des ongles. Même à terre, tu parviendras toujours à mordre. C’est peut-être ce qui te rend si dangereuse à leurs yeux. Parce que tu le vois, qu’ils ne sont pas tant à l’aise d’être face à toi, même sans pouvoirs. Et encore, ils n’ont aucune idée de ce dont tu es capable, rien que par volonté de sortir d’ici. Mais pour le moment, tu vas faire profil bas et atténuer leur méfiance. Tu les suis sans dire un mot et tu te retrouves dans une salle que tu n’as même jamais vue. Ta mise à l’isolement semble terminée mais curieusement, tu es loin d’en être ravie.

Tu observes les alentours avec méfiance et reste à distance de tous, par précaution. Tu es en milieu hostile et tu le sens sans avoir besoin d’aucun pouvoir. Pourtant tes yeux glacés se lèvent soudain sur le visage de celui qui t’interpelle et tu ne peux empêcher ton corps de se figer. Bien entendu, la probabilité que vous vous croisiez ici n’était certainement pas mince mais tu n’imaginais pas que tout irait si vite. Tu n’étais tout simplement pas prête. Tu le laisses parler, sans en placer une. A vrai dire, tu ne sais comment réagir. Vos interactions n’ont jamais été aussi proches et tu aurais bien voulu que les choses restent telles qu’elles étaient. Mais il est ta seule famille ici, le seul lien avec un monde détruit, et peut-être que les choses pourraient être différentes. Seulement, tu gardes tout de même dans un coin de ton esprit, bien ancré, que ce fils de p… a essayé plus d’une fois de te tuer. Et quelque chose te souffle dans le creux de l’oreille qu’il ne serait pas contre réessayer.

“ On dirait bien ”

Tu te contentes de lui souffler ces mots et de le détailler. D’aussi près, tu peux sentir l’aura du prédateur qu’il ne tente même pas d’étouffer. Vous êtes faits du même sang, comment aurait-il pu en être autrement. Et la seule pensée qui te traverse, c’est combien vous auriez pu être puissants ensemble. Jude, Jude lui est bien trop tendre, trop naïf pour comprendre que le monde ne peut que se bâtir dans le sang et la douleur. Que le chaos n’est qu’un moyen pour parvenir aux plus hautes sphères. Ton frère lui, est plutôt un communiste quand on y regarde. Toi, tu sais qu’il faudra toujours un soupçon de tyrannie pour que tout entre dans les rangs. Tu n’auras jamais peur de faire ce qu’il faut, dans n’importe quelle situation. Et tu pourrais même prendre goût à la violence et au sang. Tu le sais, parce que ce fut déjà le cas, quelques années plus tôt.

Tes yeux affrontent ceux de ton cousin, tandis que tes lèvres esquissent une réponse à son sourire, et la réalité te frappe de plein fouet. Si Jude et toi avaient des ressemblances, Loann et toi pourriez être frères et soeurs tellement vos physiques respectifs sont proches. Il te dépasse de deux bonnes têtes - mais qui ne le fait pas? - mais pour autant, vos traits, yeux, couleurs de cheveux sont si proches, que mis à trois dans une pièce, n’importe qui pourrait se tromper sur vos réels liens familiaux. Et en cet instant, tu ne peux t’empêcher de te demander à quoi ressemblait ta tante.

“ Je serais bien tentée de dire… surpriiiise. Mais je pense que toi comme moi savions que ce moment était inévitable, pas vrai? ”

Tu te redresses légèrement et dissimule ton sourire derrière un visage plus fermé. Tu ne t’es pas encore vraiment regardée mais tu ne dois pas être à ton avantage, rouée de coups. Oh, dans le fond de tes tripes, tu attends le moment où tu leur feras payer l’affront qu’ils t’ont fait. Ce moment où ils ramperont à tes pieds pour implorer ton pardon. Parce que tu espères sincèrement que ce ne soit qu’une passade.

“ Alors, je t’ai manqué? ”

Tu ne sais pas si c’est de la provocation ou si tu es sincère dans ta question. Tu n’as jamais voulu cette… tension qui vous lie. Pourtant, tu ne peux empêcher de poser ces mots avec un certain sarcasme, sans aucun doute pour masquer le fait que cela te blesse dans le fond. Après tout, la meilleure défense consiste en l’attaque, non?

Tu vois bien que les badineries ne sont pas tellement son truc, alors qu’il esquive la moitié de la conversation qu’il a initiée. Bien. Avec un peu de chance tu t’en sortiras avec quelques phrases échangées et tu pourras repartir dans ton coin, loin de lui. Parce que tu ne te sens vraiment pas bien dans cet endroit bien trop exigu. Tes yeux roulent alors dans leurs orbites, tandis qu’il te répond. À quoi d’autre pourrais-tu bien t’attendre? Rien… Parce que si tu en es venu à la conclusion qu’ensemble vous seriez un duo puissant… c’est bien parce que tu t’es aperçue que ton cousin était un véritable psychopathe… sociopathe? Peut-être bien les deux dans le fond, tellement tout en lui semble dérangé et effrayant. Lorsqu’il s’approche de toi, tu ne peux empêcher un imperceptible mouvement de recul, la lueur de tes yeux se teintant d’une inquiétude certaine. Sa main se pose avec une douceur surprenante sur ta joue et tu laisses ta nuque suivre les mouvements qu’il t’impose sans te plaindre et sans résistance aucune. Pour être honnête, tu n’es pas certaine que si tu lui appliquais une quelconque opposition, tu ne te retrouverais pas collée au mur, ses mains autour de ta gorge, suffocante.

Pourtant à ses mots, tout ton être se révolte et tu t’arraches de sa poigne avec un regard furieux. Si tu t’estimes perdue, Loann lui te semble complètement perdu dans les abîmes de son âme. Ta main frappe la sienne avec hargne tandis que tu le vois s’éloigner de toi, et c’est comme si l’air arrive enfin à pénétrer tes poumons. Tu te sens en danger ici, et tu sais parfaitement que tu as raison. C’est avec une violence inouïe que tu t’empêches de lui répondre, car tu sais qu’il n’attend que ça. Te voir faiblir, te voir plier. Tu lui feras comprendre, à lui aussi, que personne ne parviendra jamais à te briser au point de te mettre à genoux. Et que le jour où ça arrivera, tu t’arrangeras pour que l’autre n’en ressorte pas dans un meilleur état que toi.

Mais peut-être est-ce votre destinée de causer la perte de l’autre, après tout.

Tu l’observes tourner en rond tel un lion en cage, empoigner sa tête et se débattre avec lui-même. Comme si son contrôle s’amenuisait petit à petit et qu’il ne pouvait plus se faire face. Tes poings se serrent à ses mots et ton visage se ferme davantage. Il ne te faut point de miroir pour savoir que toute ta colère doit se refléter sur ton visage. Tu es sure qu’il ment, au vu de ce que ton frère t’avait raconté, mais l’évocation du cadavre de ton géniteur n’est pas pour remuer le meilleur de ton être. Ta mâchoire se contracte durement et tu peux presque sentir l’ensemble de tes dents tant celles-ci sont serrées les unes contre les autres. Tes poings se referment et c’est avec une virulence qui t’accables que tu te retiens de le lui balancer au visage.

Non, la fifille à papa n’a pas encore résolu ses problèmes, manifestement.

“ Ferme la. Juste… Ferme la.”

Ta voix se fait basse, froide et féroce tandis que tes yeux le fixent sans ciller un instant. Bon sang, que tu regrettes ne pas pouvoir t’appuyer sur ton don pour lui faire payer les affronts qu’il a déjà réussi à te faire jusque maintenant. Un pas en avant. Un deuxième. Tu ne les comptes plus mais tu te retrouves devant ton cousin, droite et fière. Ils t’ont peut-être abîmée mais jamais personne ne te fera flancher. Tu l’as pensé auparavant mais il est temps à présenter de le lui prouver. Ta bouche s’ouvre, et un sourire impertinent se place sur cette dernière.

“ Tu penses vraiment que ça… ça va marcher? Me penses-tu… stupide? Me penses-tu ignarde?”

Tu te colles presque à lui, et si l’on ne savait pas votre passif, cela aurait pû passer totalement inapproprié. Tes lèvres se collent à son oreille, tandis que ton murmure, dénué de toute expression, s’infiltre comme une brise avant la tempête.

“Tu sembles penser que je suis une brebis égarée dans un troupeau de mouton. Tu te prends pour le loup… Mais cousin… Nous sommes du même sang, de la même lignée immonde. Et la seule louve ici… C’est moi.”

Tu marques une pause, déposant une main faussement compatissante dans son dos. Si tu voulais arranger les choses entre vous, cela te sembles désormais totalement impossible.

“Ne me menace plus jamais. Ne parle plus jamais de mon père. Moi, je n’épargnerai pas ton visage.”

Tu l’étreins alors, passant une main autour de sa nuque, glissant l’autre autour de sa taille, comme si la réunion de famille se passait divinement bien.

“Garde en tête que tu n’es pas le seul tueur de cette famille. Tu ne veux pas provoquer ma colère… Télépathie ou pas, je peux te réduire en cendre en un claquement de doigts.”