Baxter E. Sherwood ~ F*ck them all

Toute histoire a un début et une fin. La fin de celle-ci, on ne la connaît pas encore, mais si vous lui posiez la question, Baxter vous dirait que ce ne serait probablement pas une fin très joyeuse. Dans le fond, même s’il essaye de ne pas trop penser au passé ni même au présent tumultueux et guère rassurant dans la ville de Bristol, l’elfe sait qu’il n’est pas heureux. Non, son cœur est brisé, meurtri, son âme est en miettes. Il rigole beaucoup, mais son sourire est superficiel et son rire, forcé. Il fait comme si de rien n’était, se comporte comme souvent un ado insouciant, mais son insouciance est partie en fumée depuis longtemps. Littéralement. Cette nuit fatidique l’a marqué à vie. Le 10 février 2010. Cela lui fait bizarre parfois de se dire que ça fera bientôt neuf ans. Neuf ans que ses parents ne sont plus là, tout comme ses meilleurs amis, tout comme la petite amie qu’il avait à l’époque. La douleur est encore tellement intense, tellement récente... Comme si cet incendie n’avait eu lieu qu’il y a neuf jours seulement. Sauf que non, presque neuf années se sont écoulées depuis, et beaucoup de choses ont changé dans sa vie. Il a beaucoup souffert, beaucoup perdu, et il a fait des choses dont il n’est pas fier. Mais si le jeune artiste est un homme brisé et triste derrière son sourire moqueur aujourd’hui, ça n’a pas toujours été le cas, non. Parce que le début de son histoire, c’était plutôt sympa.

Il était né dans la forêt près de la petite ville de Réversa, le 20 septembre 1991, au sein d’une couple elfique qui tentait depuis des années d’avoir des enfants. C’était un enfant désiré et cela se voyait. Enfant unique, il était chouchouté et avait droit à toute l’attention possible et imaginaire. Néanmoins, ses parents firent en sorte qu’il ne devienne pas un enfant pourri gâté et il fut élevé avec des règles plutôt strictes. Et ce n’était pas plus mal, franchement, parce qu’il avait bien besoin qu’on lui pose des limites. Baxter avait un fort caractère et une grande tendance à faire ce que bon lui semblait. Pire encore, il était du genre à entraîner d’autres gamins du village dans ses petites aventures. Bref, vous l’aurez compris, c’était un petit rebelle difficile à dompter et qui causait souvent de sacrés maux de crâne à Charlotte et Ethan, ses parents, et même à d’autres parents dans le petit village elfique. Et ça dura pendant de longues années, l’apogée ayant lieu pendant son adolescence, évidemment... Quand on pensait que ça ne pourrait pas empirer ! Défis absurdes, jeux dangereux, escapades nocturnes en ville... Le garçon n’était pas évident à gérer, et encore moins à contrôler. Et que dire de ses réactions lorsque ses parents tentaient de sévir ? Si quand il était petit ils s’en sortaient plus ou moins bien, pendant son adolescence... ce fut bien plus compliqué. Au point qu’il en vienne aux mains avec son père après une dispute assez violente. L’elfe rebelle finit bien amoché, ce qui choqua un peu la communauté, étant donné le caractère normalement conciliant de son paternel, connu pour sa patience à toute épreuve. Ce jour-là, Baxter apprit la leçon et reconnut qu’il en faisait baver un peu trop à ses parents et que leur patience n’avait pas de limites finalement. Comme quoi, il y avait encore de l’espoir pour lui. Gagnant en maturité, Baxter resta lui-même, un enfant terrible dans l’âme, mais dans un certain respect des règles. Enfin... la plupart du temps. Parce qu’avoir une petite amie dans cette communauté et se sentir observé, ce n’était pas cool du tout. Les escapades, nocturnes et diurnes, n’étaient pas rares, mais plus jamais il ne manqua de respect à ses parents. Il ne voulait surtout pas que leurs familles respectives les séparent, Laurel était trop importante à ses yeux.

Malheureusement, sa petite vie plus ou moins turbulente fut brisée quelques mois à peine plus tard, à cause du Grand Incendie. Il y perdit ses parents, ses amis... Laurel. Si la peine est encore très présente au fond de lui, ses souvenirs sont, quant à eux, beaucoup plus flous aujourd’hui. Une façon que son cerveau a trouvée de le protéger, de lui permettre d’aller de l’avant. Cependant, quelques bribes restent là, intactes dans son esprit, lui permettant de se rappeler. Il s’était réveillé pendant la nuit, en entendant des gens crier dehors. Une intense odeur de fumée se répandait partout, y compris à l’intérieur de leur maison, dévorée par les flammes omniprésentes. Il eut à peine le temps de sortir de la maison, déboussolé, le souffle court et les yeux larmoyants à cause de la fumée ; la maison s’écroula en partie, empêchant ses parents de s’échapper. La dernière chose dont il se souvient, c’est de hurler, de hurler leurs noms jusqu’à en perdre la voix. Tout le reste, c’est flou. Quelqu’un a dû l’éloigner de là, le secourir, l’emmener en ville. Les jours suivants furent un supplice. Entre la peine profonde que la mort de ses parents lui provoquait et l’espoir de retrouver Laurel vivante... Un espoir qui ne dura pas très longtemps, d’ailleurs. La forêt était en cendres, et son cœur aussi. Mais de ces cendres naîtrait par la suite, tel le Phénix, une haine profonde vis-à-vis de ceux qui étaient derrière cet incendie : les Anges. Il leur ferait payer pour ce qu’ils avaient fait, coûte que coûte.

Ayant perdu la plupart de ses proches, morts ou disparus, Baxter s’installa à Réversa, accueilli par un vieux couple d’elfes citadins qui le prirent sous leur aile dans un premier temps, avant de se trouver un petit studio. Peu habitué à la vie urbaine, le Anglais était bien décidé à rester en ville et à rejoindre la Résistance. Il était jeune, oui, mais il était déterminé et il voulait venger ses parents, Laurel et tous les Elfes touchés par le Grand Incendie. Cette détermination fut certainement ce qui lui permit de rejoindre le groupe et de combattre la tyrannie imposée par le gouvernement angélique. Il participait à des petites missions, rien de bien important, mais il faisait de son mieux, attirant de nouveau membres dans le groupe rebelle, aidant à augmenter leurs rangs. Le combat dura pendant de longs mois, jusqu’à ce qu’ils ne fassent exploser la mairie lors du Nouvel An 2012 et que la population ne renverse le régime angélique. Mais cette satisfaction intense ne fut que de courte durée, malheureusement. L’Assemblée n’était clairement pas assez sévère envers les Anges et cela ne faisait que le révolter davantage, lui qui rêvait de voir ces monstres sans cœur brûler dans un bûcher, hurler comme tant d’Elfes avaient hurlé cette nuit-là. Ainsi, il finit par rejoindre Léviathan, le groupe extrémiste qui voulait leur faire payer de la façon qu’ils méritaient. Menant un intense combat encore une fois, dans une société divisée entre la peur que cela n’empire encore plus les choses et l’envie que justice soit faite, Baxter s’impliqua à fond, vivant pour cette mission. Pas le temps pour profiter de la vie, pour sortir, pour aimer. Juste pour se battre. Il était tellement jeune, à peine 20 ou 21 ans, et pourtant, il était tellement rempli de haine et de colère... Il était un véritable baril de poudre qui allait inévitablement exploser à un moment donné. Il suffirait d’une simple étincelle.

Ou de quelques verres de trop, pour être plus précis. On était alors vers octobre 2012, quelques semaines après la libération des Anges qui avaient été emprisonnés à la suite d’un référendum – un référendum truqué par les membres de Léviathan et donc, considéré illégal et annulé. C’en était trop pour lui. Il ne pouvait pas accepter une telle situation. Il fallait qu’ils payent. Il le fallait. Un soir, suivant un ange quelconque, sans s’intéresser le moins du monde à son identité, l’elfe éméché et encapuchonné prit toute sa haine et sa rage en mains, sortit un couteau et l’égorgea froidement, le tuant juste devant chez lui. Ce à quoi il ne s’attendait pas, c’était à ce que l’ange en question ait une fille et que la petite ait assisté à la scène. La panique l’envahit, une alarme retentit dans sa tête, non seulement parce qu’il risquait de se faire arrêter, mais aussi parce qu’il venait probablement de briser la vie d’une enfant. Sans hésiter. Y prenant plaisir, même. Tremblant, pleurant compulsivement, torturé par les remords et par le regard terrorisé de cette gamine de 8 ans qui les observait par la fenêtre, Baxter partit en courant, rentrant au plus vite chez lui. Le lendemain, il avait déjà quitté Réversa, pour ne plus jamais revenir. Il ne pouvait pas rester. Il ne pouvait pas devenir un monstre à son tour. Il ne pouvait pas. Il fallait qu’il arrête, qu’il trouve un moyen de tourner la page, de changer radicalement de chemin. S’installer à Bristol, loin des Anges et du Surnaturel était le premier pas.

Les premiers temps à Bristol furent très compliqués. Oublier le regard de cette petite fille était tout bonnement impossible. L'horreur, le choc, la peur, le désespoir que ses prunelles avaient reflétés en le voyant tuer cet homme... Certes, c'était un ange et il ne devait donc pas être innocent, mais le fait de se répéter cela plusieurs fois ne suffisait pas du tout à soulager sa conscience. Il se sentait sale, indigne, monstrueux. Ce qu'elle avait vu en lui ce soir-là, c'était ce qu'il voyait désormais à chaque fois qu'il se regardait dans la glace. Il ne dormait plus, il ne mangeait plus. Il restait cloîtré chez lui dans son appartement miteux, recroquevillé sur son lit, tremblant, revivant tout le temps cette scène indélébile. Jusqu'à ce qu'il ne décide de réagir, de faire quelque chose. Sortir, rester dehors, sillonner les rues de Bristol à la recherche de quelque chose, n'importe quoi, qui puisse lui changer les idées. Ce fut ainsi qu'il finit par découvrir certains coin malfamés de la cité et par rencontrer des gens dont il n'aurait jamais dû croiser le chemin. A l'alcool qu'il buvait déjà en de trop grandes quantités depuis qu'il avait perdu les siens dans le Grand Incendie, s'ajoutèrent cette fois-ci les drogues, d'abord plutôt légères, puis plus fortes. Cela marchait, cela l'aidait à oublier, ne serait-ce que temporairement, la peine qui le consumait tous les jours un peu plus, implacable. Grâce à des contacts dans le milieu, Baxter parvint à trouver des petits boulots en tant que barman et même en tant que dealer. Il ferait n'importe quoi pour avoir de quoi payer sa came et, si possible, son loyer aussi. En réalité, il n'y avait que la drogue qui le soulageait tant bien que mal. Dans ses rares moments de lucidité, le jeune homme ne s'en sentait que plus minable. Heureusement que ses parents étaient morts, comme ça ils n'avaient pas à assister à son déclin. Il serait sans doute la honte de la famille. Dans le fond, ça avait toujours été le cas, quand il y pensait.

Les semaines, les mois, les années s'écoulèrent. La vie continuait, malgré tous ses déboires. Le Britannique alternait les hauts et les bas, les moments de lucidité et les bad trips, les petits jobs honnêtes et ceux plus discutables. Loin de Réversa, refusant tout contact avec la ville souillée par le Surnaturel et surtout par les Anges, le jeune Sherwood menait sa petite vie de son côté sans gros espoirs ni ambitions. Ses relations étaient tout aussi éphémères que ses moments joyeux, il ne se laissait jamais réellement aimer, même si dans le fond il le voulait. Néanmoins, sa petite amie de l'époque lui sauva littéralement la vie. On était alors en août 2014. Le cœur de l'elfe avait lâché, la faute à une overdose qui aurait sans doute été fatale si elle n'avait pas été là. Mais elle était là ce soir-là et il avait donc droit à une deuxième chance qu'il ne pouvait pas se permettre de gaspiller. Oh, d'un côté il voulait juste poursuivre sur cette voie malsaine, se détruire petit à petit, se punir encore et encore pour ce qu'il avait fait, mais d'un autre, il savait tout de même que ce n'était pas ce que ses parents et Laurel auraient voulu pour lui, ni ce que lui-même, le vrai Baxter enfoui sous toutes ces couches de peine et de désespoir, voulait réellement. Alors il était temps qu'il reprenne enfin sa putain de vie en mains et qu'il arrête ses conneries.

Mais que ce fut dur. Enfermé dans un centre de désintox pendant trois mois, l'elfe en a bavé. Clairement, ce ne fut pas une partie de plaisir, entre sa souffrance physique due au manque et celle psychologique, due à tout le reste. Il était brisé, détruit. Mais ce qu'on lui fit comprendre, ce qu'on l'obligea à se mettre dans le crâne, c'est qu'il pouvait se reconstruire, recoller les morceaux. Ou du moins, essayer. Il se devait cela à lui-même, à la mémoire des siens. Il fallait qu'il fasse un effort, un effort presque surnaturel, mais qu'il le fasse. Qu'il s'accroche. Qu'il se découvre une force insoupçonnée au fond de lui. Qu'il se découvre un objectif, un but, une passion. Quelque chose à quoi il puisse s'accrocher. Et surtout, couper avec le passé, celui qui l'avait mené tout droit au précipice. Si d'autres avaient réussi, pourquoi pas lui ? Une fois dehors, l'Anglais devait repartir à zéro, et c'était particulièrement effrayant. Aller de l'avant, faire des plans pour l'avenir, ce n'était pas évident pour quelqu'un qui était resté bloqué dans le passé. Mais il pouvait être très déterminé et persistant quand il s'y mettait, alors hors de question de retomber dans ses travers. Restant proche d'Alistair, l'un de ses compagnons au centre de désintox, Baxter eut l'occasion de découvrir le Graffiti pour de vrai et d'en tomber complètement amoureux. Oh, il en avait déjà entendu parler, il en avait déjà vu pas mal en ville, mais jamais il ne s'était attardé dessus, jamais cela ne l'avait intéressé plus que ça. Mais bon, est-ce réellement étonnant ? Tout ce qu'il voulait, c'était planer sous l'effet de la drogue et oublier qui il était, ce qu'on lui avait fait et ce que lui-même avait fait.

Désormais, en revanche, tout était différent. Il se sentait différent, il regardait les choses différemment. Même si sa petite amie et lui avaient rompu suite à son overdose, il lui serait éternellement reconnaissant pour ce qu'elle avait fait pour lui. Grâce à elle, il était toujours en vie et il voulait le rester. Il voulait profiter de sa longue vie elfique, découvrir ce qu'il y avait de bon en lui. Plutôt que d'accepter de la drogue quand on lui en avait proposée deux ans auparavant, il aurait dû refuser. Parce que ce n'était pas la bonne offre, celle dont il avait besoin pour trouver sa voie. La proposition d'Alistair, par contre, était celle qu'il méritait, celle qu'il aurait dû avoir en arrivant en ville : venir avec lui, le voir graffer, essayer à son tour. Dès sa première tentative, sans aucune consigne de la part du Bristolien, Baxter avait graffé sur un mur un petit chef d’œuvre qui avait laissé bouche bée son ami. Sérieux, c'est bien la première fois que tu graffes ?, lui avait-il demandé, incrédule, devant le regard à la fois amusé et humble du Réversien, qui hochait la tête. Le début d'une belle amitié et d'une énorme passion pour le Graffiti du côté de Bax'. Cette adrénaline lui faisait un bien fou, cette sensation d'interdit qui restait tout de même justifié, productif, le faisait se sentir vivant, plus vivant que jamais. La thérapie parfaite pour son cœur brisé. Malheureusement, les démons du passé finirent par revenir le hanter, sans qu'il n'y ait été pour rien cette fois. Volontairement à l'abri de possibles nouvelles venant de Réversa, Baxter n'était pas du tout au courant de la situation en ville, ne s'attendant donc pas à la Révélation et encore moins à ce que les Anges s'allient au gouvernement et à la Couronne pour s'installer à Bristol. A peine s'il pouvait y croire. C'était... un cauchemar, pas possible autrement. Après tout ce que ces pourritures avaient fait, comment pouvaient-ils leur faire confiance, les considérer comme des alliés de la ville ?! Le graffeur n'en revenait pas, tout simplement. L'envie de s'autodétruire refit surface, l'appel de la drogue aussi. Son équilibre fragile n'avait pas duré bien longtemps finalement. Mais il ne voulait pas craquer. Il ne voulait pas retomber dans la drogue, délaisser sa nouvelle passion, ses nouveaux amis, défaire tout ce qu'il avait réussi à construire depuis son passage en désintox.

Ainsi, Baxter s'accrocha. Balançant entre la peur et l'espoir, la haine et l'envie, voire besoin de rédemption, l'elfe fit profil bas, tout en continuant à graffer à chaque fois qu'il pouvait, illuminé par les lumières nocturnes. En graffant, il pouvait s'exprimer lui et ses peurs, il pouvait dénoncer les Anges et les politiques corrompus, il pouvait appeler à l'union, à l'espoir, à la tolérance ou bien à la résistance... Il pouvait respirer, en somme. C'était sa bouée de sauvetage dans une ville qui implosait doucement mais sûrement en découvrant que le Surnaturel était bien réel et en accueillant les désormais dénommées Aberrations et Altérations. Résistant un jour, résistant pour toujours : Baxter compte bien continuer à combattre le système corrompu, à combattre les Anges et leurs supercheries. La grosse différence, c'est que son arme a changé. Plus question de tuer qui que ce soit, cela ne ferait que le rendre comme eux, alors qu'il ne l'est pas. Il a commis des erreurs, oui, mais il n'est pas un meurtrier. Il est un Résistant. Et c'est avec le Graff' qu'il se battra. Contre les Anges, contre le système, et contre ses propres démons.