Oh My My || ft Connor

Mes talons qui claquent à travers l'interminable corridor blanc et paradoxalement si terne. Clac, clac, clac que battent l'infernale cadence qui annonce l'avènement de mon indécence. Écho sec et tranchant qui résonne en l'édifice bien trop calme tels des coups de fouet venus labourer ton dos de misérable supplicié. Toi, insignifiant petit cafard qui a osé me convoquer. Tu ne sais pas encore le calvaire bureaucratique que je m'apprête à te faire vivre si par malheur tu continues à t'obstiner. Je hais toutes ces cérémonies. Je hais le fait de devoir accourir dès que vous, pitoyables petits gratte-papiers décidez d'un jour me siffler. Et par-dessus tout, je hais le simple fait de vous être si lamentablement enchaînée. Aucune échappatoire, aucun horizon d'espoir. Juste vos règles indigestes avec lesquelles allègrement je me torche lorsque vient la tombée du soir. Je ne suis pas de ceux que l'on contrôle, éternelle entropie venue chanter pour les siècles et les siècles son chant d'avanie, je suis votre somptueuse anomalie, celle qui se gausse en les bras de l'anarchie tandis qu'en vos bronches s'évapore le primordial souffle de vie. Alors évoquez-moi, tel le mauvais génie des contes d'autrefois, je ne vous offrirais pas plus que ce que vous attendez-moi. Parfait petit soldat, je prends à la lettre les ordres que je reçois tout en dévastant les mots de votre implacable loi, devenant alors le maux de vos effrois. Vous savez que ce rendez-vous est vain, mais il vous faut un exemple à fusiller lorsque rougira à douze heure l'aveuglant disque d'airain. Le visage vissé face à la porte d'entrée, mes wayfarer que je daigne à peine glisser sur le bout de mon nez, je tonne à la secrétaire aussi fade que votre prison pour cols blancs par les billets de la reine engraissés :

- Éris Livingstone. 14h30 pour Burton.

Un check approximatif tout alarmé plus tard, voilà que je franchissais un nouveau point de sécurité avec deux gorilles pour jusqu'à toi m'escorter. Levant les yeux aux ciel et en soupirant une fois arrivée devant ta porte je lance pleine d'ironie:

- Sésame, ouvre-toi!

Aussitôt dit, aussitôt fait, la main faisant le double de la mienne de l'un des agents vint ouvrir la porte de ton antre aux multiples méfaits. Je me retourne alors :

- Allez, jour de gratitude, je vais enfin faire ce que personne jusqu'ici n'a daigné faire pour toi et t'offrir une mission à la hauteur de tes talents.

Exaspérée mais un sourire hypocrite aux lèvres, je me défais de mes lunettes que je coince dans la poche externe du costume situé au niveau du buste que je tapote.

- Voilà et surtout, veille bien sur eux. Maintenant inspire, expire ça va bien se passer promis.

Sans plus de cérémonie je m'engouffre alors à pas de louve en ton ignoble tanière. Coup d'œil aussi incisif qu'éclair sur l'amas de dossier qui, je le sais, au fond de toi, tu rêves de foutre en l'air, j'hausse un sourcil tandis que mes lèvres esquisse le plus mesquin des sourires :

- Merci seigneur pour cette vision que tu m'offres en ce jour, car voici juché sur l'autel de mes pêchés mon adorable gueule d'amour. Alors, comment on se sent ce matin? Pas trop éreinté d'avoir signé toute cette merveilleuse pile de dossier? Tu veux un break pour te remonter ou tu préfères risquer la tendinite en passant immédiatement à mon insignifiant petit dossier?

Raillarde, moi et mon pantalon de cuir noir prenons place sur la chaise qui te fait face, croisant alors les jambes tout en dégageant mon blazer bleu nuit afin d'ajuster mon haut gris perle. Prenant une grande bouffée d'air, je soupire légèrement, car tu le sais aussi bien que moi, cette après-midi risque d'être très longue.

Gueule d'amour était resté gueule d'amour, à savoir un beau visage servit sur un caractère de merde. Le voir aussi noyé derrière cet amas de paperasse indigeste me satisfaisait au plus au point, me réconfortant à l'idée que je n'étais pas la seule à être obligée de jouer aux dociles petits larbins. Seulement, je devais aussi reconnaître que nos coups de poings me manquaient. Étrange quand on se remémore notre première rencontre. Je soupire un nouveau, façon : ah c'était mieux avant, puis fini par reporter mes iris de jade sur mon interlocuteur; arquant un sourcil, pivotant légèrement la tête sur ma gauche en une moue mi-exaspérée mi-dubitative :

- Eh bien quoi Gardner? Tout a été noté dans mon rapport. Quelqu'un d'autre que toi lis ces fameux rapport ou vous vous en servez juste de dessous de tasse à café ?

Je désignais alors la sienne de mes deux index joins que je vins par la suite reposer sur mon genoux gauche qui surplombait toujours ma jambe droite :

- Très mignon d'ailleurs, ça colle parfaitement au personnage. Peut-être qu'un soir un se croisera à une séance si jamais t'arrive à sortir de ces quatre murs aussi intimiste que le permet ces minces cloisons de verre.

Je lorgne du côté du store il y a peu baissé, il n'y avait vraiment rien ici qui t'autorisait le moindre petit écart. Analysant alors le reste de la pièce, notant minutieusement l'emplacement de chaque objet, leur disposition et les contraintes que ce confinement t'imposait, je compris rapidement que, tout ce qui nous entourait n'était qu'un leurre, une illusion à l'image de ton don vouée à maintenir sous contrôle ce que la réalité ne peut et ne pourra jamais dompter. Plus réceptive et surtout loin d'être dupe face à cet entretien qui pourrait tout deux nous faire chuter, je croise mes jambes en sens inverse et, mes sentinelles d'émeraude s'ancrant droit en tes deux puits de ténèbres, je te réponds alors bien plus professionnelle :

- Mais puisqu'il semblerait qu'une poignée de personne ici ne peuvent se contenter de quelques lignes couchées sur papier, je vais, une fois encore tout récapituler. 27 novembre 2017, Harbourside quarter, à 00h51 la cible, Terry Gardner, aberration de 38 ans, quitte accompagné de deux autres suspects l'usine Banger Inc à bord d'une mazda 6 noire, matricule LA53 DXZ en direction d'Avon River par la 51. Itinéraire non planifié selon notre source auprès de Gardner, j'ai donc tout de suite pensée à une éviction clandestine suite à la fusion avec le groupe ATOM afin d'échapper au pouvoir de la Couronne et, ainsi, à nos lois. La première fuite est donc selon moi financière et la seconde personnelle vu que Gardner à toujours réussi à se soustraire aux convocations de la CAA afin de camoufler sa véritable nature lycanthrope.

Je marque une brève pause avant de reprendre :

- En effet, Gardner s'est toujours réfugié derrière son statut d'entrepreneur et son implication au sein de la ville de Bristol et ses politiques afin de passer au travers des mailles du filet. La mission consistait à ramener l'aberration vivante en nos locaux. Lors de la filature, l'agent Jefferson a décidé de briser notre couverture lorsque la cible à volontairement passé de force, toujours à bord de son véhicule, un point de contrôle situé au croisement de Victoria Street et St Thomas, mettant ainsi la vie de civil en péril. Une course poursuite s'est donc enclenchée et s'est terminée sur ma B3129 non loin du Clifton Observatory. Avec Jefferson nous avons dû nous séparer afin de couvrir plus de terrain lorsque les suspects ont abandonné le véhicule afin de prendre la fuite à pied. J'ai donc pris en chasse l'aberration pendant que mon coéquipier, lui, s'occupait de ses acolytes.

Nouvelle pause et léger soupire :

- Gardner a pénétré armé en les locaux d'une usine désaffectée, une balle m'a entaillé le bras gauche lors d'un échange de coup de feu. J'ai réussi à freiner le lycan à l'aide d'une balle situé au niveau de la scapulaire gauche afin de réfréner ses mouvements, pensant ainsi pouvoir facilité son arrestation et le ramener sans encombre. Seulement, un lycan demeurant une bête incontrôlable, celui-ci ne vit pas les choses du même œil et laissa exploser sa rage. S'ensuivit un combat pour notre survie respective et là, j'ai dû me débrouiller avec les moyens du bords pour m'en sortir. J'ai donc frappé Gardner au niveau de la tempe avec une chaine dont le crochet servait à suspendre les plaquettes de marchandise dans le but de l'étourdir, celui-ci persistant dans sa frénésie m'a alors projeté sur plusieurs mètres. Atterrissant vers une autre passerelle, je me rendis compte que je n'avais plus mon arme de service, celui-ci s'apprêtant à s'en servir, j'ai alors utilisé la première chose qui me tombait sous la main, un pistolet à clou pour immobiliser la cible…  On s'est encore cogné dessus, j'ai eu deux côtes fêlées, l'arcade sourcilière éclatée et le reste de mes bobos et des siens sont mentionnés dans le rapport avec certificats médicales à l'appui.

Je te sonde alors après un moment de silence :

- J'ai accomplie la mission comme demandé. Le CAA voulait l'aberration vivante, chose faite puisqu'il respire encore et qu'il n'est pas mort.

Tu sais que je n'avais pas le choix, tu sais que dans cet entrepôt, c'était lui ou moi, tout comme tu sais que je serais allée jusqu'au bout si je n'avais pas portée ce foutu badge du CAA.

Je promets, je promets, d'être une meilleure fille à l'avenir pour ne plus aux yeux de l'éternel te faire de nouveau mentir. Je promets, je promets, de faire de mon âme le lit de tes larmes que la vie se veut incapable de tarir. Je promets, je promets, d'être quelqu'un de bien et de ne plus jamais te laisser face à ce vide qui ne rime à rien. Mais sur mon épaule gauche se dresse le démon qui me ramène à cet autre qui depuis toujours dans l'ombre m'aliène. Et ses yeux sont un miroir, parfaite réflexion d'une âme qui ne cesse de corrompre comme elle sait si bien me décevoir. Seule je demeure alors en la triste ornière de notre parloir devenue mon sinistre mouroir. Je fais tout ce que je ne devrais et tais tout ce que j'aimerais. Paradoxe de mes à tout jamais, je suis celle qui meurt et l'instant d'après des cendres maudits renaît.

- J'aurais dû l'écorcher vif pour toutes les saloperies qu'il a fait. Est-ce que j'ai pris plaisir en me défendant à lui rendre la monnaie de sa pièce? En toute honnêteté, oui. Est-ce que je n'ai pas pu me contenir et que j'ai volontairement mis le sujet dans un état critique? Non.

Je serais meilleure, meilleure que le sel de mes pleurs et l'âpre de nos malheurs. Et au nom de toutes nos indénombrables erreurs, je me ferais alors visage de terreur. Mais le sang sur mes mains m'effraye lorsque l'aube brusquement m'éclair au petit matin. Alors dis-moi, viendras-tu allumer la lumière et laisser reposer mon esprit en un ailleurs plus serein? Car je ne le dis pas mais au fond de moi, j'ai peur de demain. Alors je promets, oui je promets d'être l'ange et non plus la haïssable catin qui te brise en ses innommables larcins. Mes sentinelles pers plongeant au plus profond de tes iris mordorés, je t'avoue alors en la plus troublante des sincérités :

- Je ne te donnerais rien puisque peu importe ce que je pourrais dire, faire, ou même penser, mon sort a déjà été décidé bien avant que je ne vienne te rencontrer.

Je décroise les jambes, inspire profondément comme à la recherche de cet éclat de vérité qui rend le sage aussi puissant que dément :

- Et il en va de même de ton côté. Nous ne sommes que des pions bons à être renversés dès qu'un peu trop usés.

Et je promets, je promets, de n'être plus que celle qui sur les augustes fils tire et sournoisement d'un souffle défait ce que la vie par excès de zèle a à la nuit tombée contrefait. Je promets, je promets d'être l'une des rares à ne jamais te mentir si c'est pour mieux un jour les trahir. Car je vois en tes yeux devenu mon insondable gouffre ténébreux qu'au fond, ils ont peur de nos funestes vœux où s'emmure le tombeau de nos adieux. C'est alors qu'en un battement de cœur le monde devenu silencieux se relève de sa bien trop longue torpeur et que nous nous apercevons à quel point tout ce que nous sommes n'est peut-être rien d'autre qu'une regrettable erreur ?

- Réfléchis à tout ça et si un jour tu retrouves l'autorisation de penser, tu sauras en temps et lieu où me trouver.

Je me détaches alors de toi et de tes prunelles embrasées comme si à la lueur de mes insanités l'éclat du jour venait d'enfin véritablement éclater, me mettant alors à fixer le ciel extérieur blanc et opaque comme un déluge figé qui se refuse à encore éclater, car vois-tu, il est encore trop tôt pour nous y noyer.

J'hausse simplement les épaules à ta brimade, déçu tu continueras à l'être si tu crois pouvoir obtenir de moi ce que tu attends ou même espère au fond de toi.

- Alors la prochaine fois, c'est simple, fais comme-moi, et n'attends rien de personne.

Je te toise mon petit ténébreux à la toison d'ébène, ce que tu pouvais être susceptible seigneur, quelle genre de femme avais-tu rencontré dans ta vie pour en devenir aussi paranoïaque et soupe au lait? Mais j'aime jouer avec toi, ça il est certain que je ne le renierais pas. Tu es mon sujet d'étude, mon potentiel de catastrophe à haute magnitude, mon tube de nitroglycérine que je rêve de voir un jour se briser pour le voir tout sur son passage balayer au travers d'une onde de choc à en ravager à la fois le ciel et cette terre condamnée. Nous partageons la même colère, je le sais, je le sens. Je l'ai lu en ton cœur lorsque tu m'as laissé m'en approcher et tel Icare attiré par le soleil, je ne peux résister à cette irrépressible envie de te découvrir afin d'encore et toujours mieux te décortiquer. Un jour peut-être comprendras-tu que je ne suis plus la cible que tu dois viser, mais la balle que tu dois tirer si tu ose véritablement en l'obscure et son envers nous contempler. Je comprends très clairement tes lourdes insinuations derrière tes "Vrai?". Pour la première, j'acquiesce d'un simple mouvement de tête et pour la seconde, mes sentinelles de jade rivées droit en tes indolentes ténébreuses, les mains alors croisées sur mon genoux je te réponds tranquillement un simple :

- Oui.

Réveille-toi, réveille-moi et laisse la fièvre consumer ce qu'il nous reste d'inhumanité car tu sais que l'inverse marquerait la fin de notre inglorieuse fête. Tu cherches les raisons de ce qui en ce monde se veut exquis poison là où tu devrais t'endormir au rythme d'un cœur qui bat pour toi au fil de nos mornes saisons. Seulement comme moi tu es seul et personne ne te regarde comme je le fais en cet instant, car je sais, oui je sais la vérité qui te ronge et l'humanité en laquelle, étoile solitaire en un ciel balafré par le tonnerre, en silence tu plonges. Mais à tes yeux je ne suis qu'un songe revers d'illusion et bouche du mensonge. Je n'insiste donc pas et te laisse faire ta propre opinion sur moi car, lorsque à bout de souffle en le noir perdu tu te retourneras, tu me verras alors tel que je te vois : parfait et éblouissant au travers de ces terres dénuées de tout éclat. Je m'empare de ton stylo, signe ton bout de papier que ma griffe vient sèchement défigurer avant de m'emparer d'une carte que j'extirpe de la poche intérieur de mon blazer que j'accroche à la pince de son capuchon. Si tu la retournes, tu y verras l'arcane que son envers dissimule, soit la douzième du tarot, celle du pendu, elle sera ton passe droit pour venir un jour jusqu'à moi, me levant alors je te souffle tranquillement :

- Au cas ou un jour, tu te souviendrais de tout ce que j'ai bien pu te dire.

Sourire taquin aux lèvres, je te tourne définitivement le dos et ouvrant les bras face à moi, laisse la porte se faire rabattre par l'un des deux gorilles de tout à l'heure, récupère mes lunette déposée dans la poche du même bon vieux larbin puis lui tapotant le torse je lui siffle avant de les fixer sur le bout de mon nez et de définitivement m'en aller :

- Bon garçon va.