The heart of an angel | Cassandra & Joshua

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The heart of an angel

Cassandra & Joshua

Un mois s'est déjà écoulé depuis qu'on lui a tiré dessus dans ce parc de la ville. Malgré une vilaine blessure à l'épaule et pas mal de sang perdu, l'important c'est que le Réversien s'en est finalement sorti. Ceci dit, cet incident a pas mal secoué l'ange. Il aurait pu mourir ce jour-là, si Joren ne lui était pas venu en aide ou si l'ambulance n'était pas arrivée à temps, et il le sait pertinemment. La mort l'avait caressé du bout des doigts, il avait senti son souffle glacial, et franchement... cela n'avait pas été agréable. Néanmoins, d'un autre côté, cela lui a fait regarder la vie d'une façon légèrement différente. Désormais, il tente d'accorder plus d'importance aux petites choses, profiter de la vie et notamment de son fils. Son fils... Ce fardeau qu'il n'avait jamais demandé, ce cadeau empoisonné que son ex a laissé sur le pas de sa porte il y a quelques mois. Josh ne voulait pas le garder, mais en même temps, le test ADN a été assez clair : il est son père. Et puis, Karen reste introuvable. Il aurait préféré la retrouver rapidement et lui refiler son gosse, dont elle lui avait caché l'existence même pendant deux ans sans que cela ne semble la déranger, mais la vérité est qu'il n'a pas la moindre idée d'où elle pourrait être. Il l'a cherchée partout, à Bristol, au Pays de Galles ou encore à Londres... Mais rien. Pas la moindre piste. Soit elle est partie sans laisser de traces... soit elle est morte. En réalité, sa mort ne lui ferait pas grand-chose à son coeur angélique. Mais Kenneth... Kenneth a besoin de sa mère. Parce que le trentenaire, lui, eh bah... Il n'est pas vraiment le père de l'année, et il ne le sera jamais.

Autant dire que l'aide supplémentaire d'une nounou lui est absolument essentielle. Il ne s'y connaît pas en bébés, et même si son fils n'est plus un petit bébé, du haut de ses deux ans, cela reste un enfant trop petit pour que le journaliste sache réellement s'en occuper comme il faut. D'abord, Joshua avait pu compter sur Linda, une immigrante colombienne que Kenneth semblait adorer, et réciproquement d'ailleurs. Elle était gentille, douce, responsable et ponctuelle ; quelqu'un de fiable, en somme. Le problème, c'est que la jeune femme voulait rentrer au pays, et il a donc dû trouver une remplaçante digne de s'occuper de son enfant. Un gros casse-tête... ou du moins, c'est ce qu'il croyait au départ. Sauf que non. Contre toute attente, la remplaçante il l'a trouvée il ne sait plus où, dans la rue, il y a quelques semaines, un peu avant qu'il ne se fasse tirer dessus par ce lycan enragé. Il était pressé ce jour-là, il avait une réunion très importante au Conseil de Bristol... Et voyant que son gosse et cette jeune femme avaient sympathisé, il a décidé de lui demander si elle pouvait le garder pendant quelques heures, en échange de quelques dizaines de livres. La réponse a été positive, et voilà, tout s'est bien passé, sans que Kenneth ne se mette en train de pleurer l'absence de Linda comme c'était le cas depuis un moment. Alors l'Anglais a fini par proposer à Cassandra de revenir garder son fils si cela l'intéressait et lui plaisait. Décidément, le petit l'aimait bien, alors bon...

Cependant, il y avait juste un point à mettre au clair : lui était un ange, tandis que la jeune femme était une elfe. Il reconnaissait parfaitement ce charisme si particulier, il en avait croisé des dizaines, voire centaines, à Réversa pendant des années. Une cohabitation loin d'être pacifique entre les deux parties, notamment à cause du Grand Incendie orchestré par ses congénères du gouvernement. Il fallait donc qu'il sache si cela lui posait problème de bosser pour un ange et la prévenir qu'il n'hésiterait pas à riposter si elle avait la mauvaise idée de s'en prendre à lui ou à son fils. Une fois ce point mis au clair, le problème était résolu. Et la voilà chez lui aujourd'hui, en train de s'occuper de Kenneth. Debout, Joshua les observe, sans rien dire. Son fils a pas mal grandi. C'est fou comme en l'espace de quelques mois ces bestioles peuvent changer... Mais une chose ne change pas : ces grands yeux bleus, ces bouclettes blondes, ce sourire espiègle. C'en est presque effrayant parfois, la façon dont il se revoit en lui. Pas besoin d'un quelconque test pour voir que c'est bel et bien son fils. Un fils qu'il ne sait probablement pas aimer à sa juste valeur. Parce qu'il est un ange, parce qu'il ne ressent pas les choses de la même façon. Parce qu'il n'a jamais voulu avoir d'enfant, et que ce gosse a débarqué dans sa vie sans prévenir. Mais, quelque part, Joshua commence à s'attacher au petit. Il reste plutôt froid, mais l'enfant vient toujours vers lui, quémandant son attention. Comme s'il le connaissait depuis toujours. Ou comme si Linda, ou Cassandra, ou bien les deux l'une après l'autre, faisaient en sorte que Kenneth le voie comme son père ? Allez savoir.

« Il est joyeux aujourd'hui. Quand il est de mauvaise humeur, Kenneth peut être encore plus pénible que moi. »

Dit-il avec un sourire en coin, les mains dans poches. Il s'ennuie. Cette vilaine blessure par balle l'a obligé à être en congé maladie pendant des semaines, et du coup, Josh travaille surtout à la maison, restant en contact avec le Conseil, étudiant tout de même quelques projets, et suivant évidemment les news, en bon journaliste qu'il est. Le Britannique a vraiment hâte de pouvoir à nouveau écrire des articles sans avoir l'impression de subir une terrible séance de torture... Parce que parfois, il s'ennuie à en crever, comme maintenant. Mais quoi, il ne va quand même pas perdre son temps à jouer avec un gosse de deux ans, si ? Faut pas pousser, non ? Son regard croisant celui de Cassandra, l'ange croit déceler une certaine tristesse, pas vraiment habituelle chez elle. Il espère que ce n'est pas une dépression post-réouverture du Ribcage. Car apparemment, il y a pas mal de monde, beaucoup trop, qui semble s'en plaindre depuis quelques jours.

« Ça va ? Vous avez besoin de quelque chose ? »

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En quelques semaines, ma vie a considérablement changé, je ne peux pas le nier. Mais avec la réouverture du Ribcage, je suis inquiète, plus que jamais, pour Blérim. Mes sentiments pour lui se sont révélés d’eux même sans que je m’y attende, mais ils sont réels et profonds. C’est surement la raison pour laquelle, d’ailleurs, il est toujours au centre de mes pensées alors même que je travaille bec et ongles pour retrouver ma liberté à tous les niveaux. D’ailleurs, Poppy est très fier de moi, il n’a de cesse de me répéter que je suis sa fierté et qu’il est convaincu que je pourrai bientôt vivre comme tout le monde, sans être effrayée de mon ombre. J’en suis également convaincue car je fais de plus en plus d’efforts.

Le parc où je me suis rendue avec Zach qui a marqué un premier pas est désormais mon défi quotidien et je mets un point d’honneur à le relever. Je vais également faire des courses en dehors des heures de pointes et j’ai été capable d’aller chez le coiffeur… Autant de petites victoires que j’affiche sur mon tableau tous les jours. Mais la plus grosse de toute a surement été d’accepter de devenir la nounou d’un enfant de deux ans en plein milieu de parc. J’ai laissé un homme m’approché après avoir joué avec son petit garçon qui était venu vers moi spontanément. J’ai toujours adoré les enfants, plus jeune je faisais même du baby-sitting. Mais si je m’étais attendue à cette rencontre ! D’ailleurs, sur le coup, je me rappelle encore avoir trouvé Joshua très peu paternel avec son enfant qu’il m’a confié sans même me connaître ou poser tout un tas de questions. Comme si son fils était un fardeau qu’il devait caser quelque part au plus vite. Mais heureusement, il est tombé sur moi, une Elfe douce, altruiste et aimante et j’ai adoré garder Kenneth.

Avec le temps, je suis devenue nounou à presque plein temps. Ce qui me permet de gagner un peu plus d’argent pour Poppy qui a pu ralentir de son côté ses activités. Ce dont je suis très contente d’ailleurs.

Malgré tout, il y a eu un moment où j’ai douté. Sans le savoir, Joshua m’a confirmé que les anges étaient bien derrière le grand Incendie qui m’a privé de ma famille et de la plupart de mes amis. Je n’ai rien dit sur le coup, je n’ai pas fait apparaître sur mon visage tout le ressentiment que je pouvais avoir.
Néanmoins, j’ai réussi à relativiser. Je lui ai alors fait comprendre clairement que je ne souhaite qu’une chose : laisser le passé derrière moi et avancer et que de toute manière tout le monde a le droit à une seconde chance. D’autant plus que l’histoire n’est pas entre un Ange et une Elfe blessée et meurtrie, mais entre l’enfant d’un Ange et une Elfe… un enfant qui n’a rien demandé à personne et qui est absolument innocent. Cet enfant a le droit d’avoir une vie équilibrée et de grandir comme tous les enfants de son âge. Et, bien que cette discussion fût intense, notre contrat s’est scellé le même jour.

Je suis donc là, aujourd’hui, chez Monsieur Joshua Perterson qui est en convalescence. Kenneth m’a sauté dans les bras lorsque je suis arrivée et j’ai tout de suite compris que son père n’était pas réellement présent même si son corps hantait la maison. J’ai souris à l’enfant et que je suis allée dire poliment bonjour à son père avant de préparer une activité calme pour lui dans l’espoir de discuter un peu avec Joshua, voire de l’aider. Ce n’est pas la première fois que je le vois tourner en rond.

« Il sera toujours moins grincheux que vous à mes yeux » je rétorque taquine et souriante. Je me dirige dans la cuisine et sers des verres d’eau que je dépose sur la table. J’en donne un à Kenneth qu’il prend et sirote d’une traite. « Dis donc ton père t’assoiffe ? » je questionne étonnée avant de l’installer devant la pâte à modeler pour qu’il malaxe pétrisse et s’en donne à cœur joie. Puis je prends l’autre verre et le temps à Joshua. Je tente de rester joyeuse même si au fond de mon esprit trotte toujours mon inquiétude pour mon ami.

« Non je n’ai besoin de rien merci, mais vous par contre vous avez besoin de vous hydrater ! Vous avez la peau toute sèche ! » j’ajoute en montrant son visage. Poppy m’a appris pas mal de choses en matière de médecine douce et j’aimerais être utile à mon employeur. Car c’est exactement ce qu’est Joshua pour moi-même si son vouvoiement me met carrément mal à l’aise.

« Est-ce que votre bras va mieux ? je demande alors intéressée par son état de santé. « Non Kenneth pas à la bouche bonhomme, ça ne se mange pas » j’interviens alors que le petit tente d’enfourner une grosse boule de pâte à modeler rouge dans la bouche. Il la repose finalement et me permet alors de retourner mon attention sur son père.

« Si vous le souhaitez, j’ai appris à faire des onguents qui apaisent la douleur. » je lui propose alors en m’asseyant à côté de son petit garçon pour le surveiller en même temps, également distraite par mes pensées.

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Amusé par sa répartie, l’ange hausse un sourcil quand Cassandra lui répond que Kenneth sera toujours moins grincheux que lui à ses yeux. Il veut bien la croire, surtout que son fils est si petit, si innocent. Tellement que cela le gêne parfois. Kenneth est son fils, il lui ressemble énormément, mais... en même temps ils sont si différents l’un de l’autre, et probablement ce sera toujours le cas. Parce qu’il est un ange. Devenir père, ça n’avait jamais été dans ses plans, c’était une perte de temps, une vulnérabilité dont il se serait bien passé. Ange, journaliste et membre du Conseil de Bristol, Josh sait pertinemment qu’il ne manque pas d’ennemis, que beaucoup veulent le voir mort ou en prison. Bien entendu, il ne compte pas se laisser faire, mais... Avoir cet enfant est une responsabilité, un poids qu’il ne peut s’empêcher de ressentir parfois. Au début, l’Anglais refusait de s’attacher, ou même de trop s’intéresser au gamin, mais ça, c’était parce qu’il était persuadé qu’il retrouverait la mère du petit assez rapidement. Hélas, Karen reste introuvable et Kenny, lui, il est toujours là, avec lui. Et... il se pourrait qu’il reste pour de bon. Une perspective plus effrayante qu’il ne l’aurait jamais imaginée.

Pensif, le journaliste observe l’elfe, qui tend un verre d’eau à son fils, avant de l’installer devant la pâte à modeler. Oui, bonne idée, autant le garder occupé, qu’il laisse les adultes respirer en paix. Puis le trentenaire relève les yeux vers Cassandra lorsqu’elle vient lui en tendre un aussi. Aussitôt, son instinct angélique refait surface et lui crie qu’il devrait refuser, qu’elle pourrait être en train d’essayer de l’empoisonner pour pouvoir ensuite s’enfuir avec son enfant. Mais... Kenneth vient de boire son verre d’eau et il semble aller parfaitement bien... A-t-il vraiment des raisons d’être si parano vis-à-vis de la jeune femme ? Elle est là depuis un moment et pourtant, il est toujours en vie, non ? Elle l’a même aidé à se soigner, lui qui s’est fait tirer dessus il y a quelques semaines par un lycan enragé... Alors qu’elle aurait tout à fait pu s’en prendre à lui quand il était en position de faiblesse. Méfiants, les yeux azurés du jeune père croisent alors ceux de la brune. Puis enfin, au bout de quelques secondes, le Britannique étire un léger sourire, saisit le verre tendu et le porte à ses lèvres pour en boire quelques gorgées.

« Oui, ça va mieux. Un petit peu, en tout cas. Même si ça me fait encore un mal de chien quand j’essaie de bouger normalement. »

Il lui faudra sans doute quelques semaines de plus pour être totalement rétabli et prêt à rédiger des articles acerbes contre les Aberrations. A moins qu’il ne suive le conseil de Joren et qu’il ne décide de voir les choses sous un autre angle. Mais franchement... Pas sûr que le Peterson en soit capable. Ça fait trop longtemps qu’il déteste les Nocturnes, qu’il dénonce leurs crimes. Mais enfin, puisque la plupart des Vampires et Lycans ont été enfermés au Ribcage à nouveau, peut-être qu’il peut se concentrer sur d’autres sujets plus joyeux à l’avenir, allez savoir. Devenir celui qui apporte l’espoir, plutôt que la peur et la méfiance. Un symbole de tolérance, d’espoir, un brin utopique comme l’était ce jeune homme qui l’a sauvé. Le Conseil n’était pas content qu’il attise la peur et qu’il renforce la tension ambiante, alors qui sait... Ceci dit, il faudra déjà qu’il arrive à bouger son bras normalement, et visiblement il n’y est pas encore prêt. Pendant ce temps-là, Kenneth décide de faire ces conneries typiques des gosses de son âge, comme mettre à la bouche tout et n’importe quoi, en l’occurrence, de la pâte à modeler. Le journaliste laisse Cassandra s’en occuper, tout en s’asseyant dans le canapé, grimaçant légèrement. La proposition de la nounou lui arrache alors un sourire.

« Des onguents ? Et ça marche vraiment, ce genre de trucs ? »

Des trucs d’elfe, de la médecine alternative... Des petits secrets qu’avaient les Clans, avant que le Grand Incendie ne ravage la forêt. Même s’ils ont parlé de ce qui s’est passé et du fait que ça puisse ou non poser problème à Cassandra, Joshua sait que ça reste un sujet sensible qu’il ne vaut mieux pas aborder. Cependant, l’ange n’a rien contre les Elfes. Si tout le monde était aussi dangereux qu’eux, Réversa ne serait jamais devenue cette bombe incontrôlable qui a fini par exploser. Quelque part, le journaliste a une certaine curiosité vis-à-vis de la culture elfique, si différente de celle citadine. Mais pas évident d’en parler avec des Elfes quand on est un ange comme ceux qui ont mis le feu à la forêt et tué quelques-uns des leurs, hein. Néanmoins, puisque la brunette refuse de lui parler de ce qui la tracasse – parce que oui, il a remarqué qu’elle a esquivé sa question comme une grande – il faudra trouver un autre sujet. Quoique... Sa curiosité n’a toujours pas été assouvie et il pourrait bien lui poser d’autres questions afin de trouver des réponses. Il n’aime pas trop l’idée de mal connaître quelqu’un qui passe assez de temps chez lui, avec son fils et avec lui.

« Est-ce que... vous avez de la famille en ville ? Enfin, des Elfes comme vous ? De ma part, vous n'avez rien à craindre, je n'ai rien contre les Elfes. Pour moi, ils peuvent continuer à se faire passer pour des humains à Bristol. Ce ne sont pas eux qui me dérangent. »

Non, c'est les Aberrations sa véritable cible, et il suffit de lire ses articles pour le comprendre. A moins qu'il ne change de stratégie, qui sait...

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J’ai toujours voulu avoir des enfants. D’aussi loin que je me souvienne j’ai toujours eu cet instinct protecteur et ma carrière de nounou l’atteste. J’ai souvent été amenée à garder des enfants et il n’y a pas un instant où je n’ai pas apprécié cette compagnie et ces responsabilités. Finalement, c’est comme si j’étais faite pour ça ! Sauf qu’actuellement, c’est mal partie. Envisager la maternité n’est pas l’une de mes priorités étant donné ma capacité à fuir l’amour et me mettre ans une bulle, même si, je me suis confiée à Blérim et que je lui ai avoué vouloir le conserver près de moi. Bref, tout ça pour dire que mes faits et gestes avec Kenneth sont toujours fluides et bienveillants. Je fais en sorte que le gamin s’amuse et s’occupe tantôt en ma compagnie, tantôt tout seul pour l’habituer à développer son imagination par ses propres moyens et me laisser également le temps de faire quelques tâches de ménage.

C’est ainsi, qu’à peine arrivée je mets le petit devant une activité histoire de parler un peu avec son père. Je suis contente de voir Kenneth à l’aise avec la pâte à modeler et les accessoires qui vont avec. Après quelques phrases polies échangées avec Joshua, je sers un verre d’eau au petit et j’en tends également un à son père. Je m’amuse de le voir méfiant. « Oui j’ai mis du cyanure dedans… » et je rigole doucement. « Franchement, j’ai la tête d’une meurtrière ! Vous ne croyez pas que vous pouvez cesser de vous méfier de moi. Bizarrement, en plus, je vous rappelle que vous m’avez confié votre fils en plein milieu d’un parc sans me connaître…. » j’ajoute en secouant la tête. Quel paradoxe celui-là ! A l’époque il m’a fait une confiance aveugle et voilà qu’il me craint pour un verre d’eau… Je ne sais vraiment pas comment le prendre. En revanche de nature optimiste et altruiste je suis contente de l’entendre me dire qu’il se porte mieux même si la douleur est toujours bien présente.

Naturellement, une nouvelle fois, je lui propose des onguents. Après tout, mes parents m’ont enseigné cette discipline alors autant m’en servir. J’en ai plusieurs fois utilisé sur les animaux et les elfes et j’ai souvent été bluffée par l’efficacité de ces mixtures pas toujours appétissantes. Mes réflexions sont perturbées et mon attention détournée par le petit qui s’amuse à essayer de mettre la pâte à modeler dans la bouche. Comme tous les enfants de son âge d’ailleurs. Heureusement, j’ai toujours un œil qui traîne dans sa direction. Je lui explique alors doucement comment faire et rejoint son père désormais assit sur le canapé.

« Oui, dans la plupart des cas cela fonctionne. Au pire des cas, ça ne fonctionne pas ça vous coûte rien. En plus c’est de la médecine naturelle, si cela peut vous éviter de vous droguer chimiquement ça pourrait être intéressant non ? »

Je propose, il dispose. En plus j’agrémente le tout de l’un de ces doux sourires dont je suis la spécialiste. Sourire qui va vite s’affaisser alors que l’Ange se met à évoquer un sujet qui m’est douloureux, ma famille. Celle que j’ai vu brûler vif dans les flammes qui ont ravagé notre forêt. Mon regard s’assombrit et se fige sur le visage angélique de l’homme. Ma voix plus grave est cassée par l’émotion. « Non pas de famille je l’ai vue brûler vif devant mes yeux pendant le Grand Incendie déclencher par les vôtres. Je vous ai dit que je laissais le bénéfice du doute à tout le monde sans doute parce que je suis trop gentille au fond mais il ne faut pas pousser le bouchon trop loin, je vous préviens. Le racisme m’insupporte. Et même si vous n’avez rien contre moi spécifiquement, les Anges ont massacré des centaines des miens et vous y avez surement coopérer alors pourquoi lancer ce genre de discussion ? De plus, j’imagine que vous évoquez ce qu’on appelle les Aberrations, que ce sont eux qui vous « gênent » mais pourquoi ? Ils n’ont pas demandé à être ce qu’ils sont. Et si on apprenait à les connaître et à vivre avec eux on se rendrait compte qu’ils ne sont pas spécialement plus néfastes qu’un homme normal. N’y a-t-il pas de simples hommes qui sont es meurtriers, des pédophiles, des nécrophiles, des kidnappeurs, des psychopathes et j’en passe ? Alors pourquoi se focaliser sur une différence juste parce que nous n’en connaissons pas les tenants et les aboutissements ? C’est lâche. Excusez-moi pour ma sincérité mais malheureusement vous vous êtes engagé sur une pente sinueuse»

Je lui tourne finalement le dos et me dirige vers Kenneth, histoire de calmer ma respiration en m’occupant du petit. « Tu veux goûter mon ange ? » je lui demande avec une voix douce mais tremblante. Et comme il acquiesce j’ôte la pâte à modeler et lui donne une feuille et es feutres (moins dangereux en cas de surveillance diminuée) et je me dirige vers la cuisine pour préparer un plateau, sans un regard pour Joshua.

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« Oui j’ai mis du cyanure dedans… »

Méfiant, lui ? Oui. Et pas qu’un peu. Mais à la place de l’ange, ne le seriez-vous pas ? Ange, journaliste, fouineur et abruti fini quand il s’y mettait aussi. Tous les ingrédients nécessaires pour se faire plein d’ennemis, non ? Enfin, le simple fait d’être un ange aurait suffi, à vrai dire... Le gouvernement angélique avait réussi à marquer les esprits, mais cela avait un prix. Les gens avaient la rancune tenace... mais qu’ils étaient stupides. Ils n’étaient même pas foutus de voir que ce que les Anges avaient tenté de faire, c’était de rétablir un peu d’ordre dans une ville qui avait été complètement engloutie dans le chaos pendant des décennies. Protéger les humains. Et oui, ce faisant ils assouvissaient aussi un profond désir de contrôle, de pouvoir, de grandeur. Mais en quoi cela les rendait si différents des autres politiciens ? Au moins eux, ils avaient les compétences requises pour relancer Réversa. Sauf qu’évidemment, les gens ne retenaient que le négatif. Comme si les Anges étaient un fléau envoyé par Satan en personne pour torturer les pauvres Lycans et Vampires...

Mais enfin, cela faisait des années que Joshua n’essayait même plus de s’expliquer, de se justifier. Depuis la chute des Anges et la création des groupuscules extrémistes, l’Anglais avait préféré se faire discret, se mettre à l’écart. Sans pour autant jamais oublier sa mission : utiliser son métier pour dénoncer les méfaits des monstres. Pas que, mais surtout pour cela. Coûte que coûte. Alors cette méfiance, il l’avait gardée, nourrie, chérie, développée. Cela faisait partie de lui désormais. Après... Il ne croyait pas vraiment que Cassandra puisse réellement tenter de le tuer. Elle semblait tenir à Kenneth, et malgré le fait que ce soit une elfe et que le gouvernement angélique ait peut-être nuit aux siens, elle ne semblait pas particulièrement virulente vis-à-vis de lui. Ils avaient parlé, ils avaient mis les points sur les i, alors voilà. Mais bon, cela ne voulait pas dire qu’il ne garderait pas les yeux grands ouverts, hein. Réflexe naturel, voyez-vous. La brune ricana, avant de le confronter par rapport à sa méfiance, avant de lui rappeler qu’il lui avait confié son fils sans y penser à deux fois, alors qu’ils venaient tout juste de se rencontrer.

« ... Mais c’était une urgence ! »

Bah quoi, c’était le cas ! Cette réunion au Conseil de Bristol était indispensable, Linda n’était plus disponible et lui, eh bah, il venait de remarquer que la jeune femme et son enfant avaient sympathisé naturellement. C’était l’option la plus rapide, naturelle et apparemment fiable. Après, avec le recul il pouvait aisément voir que les choses auraient pu se passer autrement, sauf que non. Son instinct ne l’avait pas trompé. Sans parler davantage, le journaliste porta le verre à ses lèvres pour en boire quelques gorgées. Toujours en vie pour le moment. Et la conversation se poursuivit, alors qu’ils parlaient désormais de sa blessure et des douleurs que celle-ci entraîne encore. La nounou lui proposa alors des onguents, des trucs d’elfe auxquels le Britannique n’y croyait pas réellement. Cassandra lui présenta ses arguments, plutôt convaincants effectivement. Au pire, cela ne lui coûtait rien, ouais. Et au mieux, cela pourrait marcher, va savoir.

« Ouais... Bah, pourquoi pas. »

Curieux, réfléchissant aux connaissances de la jeune femme dans ce domaine, le trentenaire finit par évoquer sa famille, lui demander si elle avait encore quelqu’un en ville. En fin de comptes, il n’en savait presque rien sur elle, sur sa vie, sur ses origines. Elle travaillait ici, chez lui, prenait soin de son fils... Et c’était une elfe. Dans le fond, sa méfiance lui hurlait toujours qu’elle pourrait un jour décider de se venger. Que derrière cet air doux se cachait peut-être un autre visage, plus sombre. Et étant donné le regard qu’elle lui lança, il était possible que ce soit bien le cas. Le jeune père ne bougea pas d’un cil, tandis que Cassandra se lança dans un discours amer, acerbe, teinté de colère et de rancune. Et de douleur surtout. Et elle ne manqua pas de souligner que le racisme l’insupportait, que son attitude vis-à-vis des Aberrations la dérangeait. Le Peterson ne dit rien, se contentant de serrer la mâchoire, encaissant sans riposter. Visiblement, il s’était engagé sur une pente sinueuse, en effet. Finalement, la jeune femme lui tourna le dos et se dirigea vers Kenneth, pour lui proposer à goûter. Joshua poussa un soupir las, leur laissant quelques minutes de répit, puis il se leva, tout en grimaçant. Puis il se dirigea à son tour vers la cuisine, lentement. Doucement, le Réversien reprit la parole.

« J’suis désolé. Je n’aurais pas dû en parler. »

C’était aussi simple que ça. Clairement, il devait y avoir des moyens plus intelligents d’en apprendre plus sur elle, sans pour autant enfoncer davantage le couteau dans la plage. Autant dire qu’il n’était pas vraiment fier de lui, pour le coup.

« Vous savez pourquoi j’ai du mal avec les Aberrations ? Ce n’est pas parce que je suis un ange et qu’on m’a lavé le cerveau. Ou parce que je suis juste un type hargneux, plein de haine et qui a besoin de se défouler sur quelqu’un. Ils me dérangent, parce que j’ai vu à plusieurs reprises de quoi ils étaient capables. Des meurtriers, des personnes cruelles... Avant-même d’être devenu un ange, je l’ai vu, je l’ai senti sur ma peau. Un groupe de trois ou quatre qui me frappaient de toutes les forces. Coups de poing, coups de pied... Du sang partout. Ils m’ont juste... laissé pour mort. Parce que j’étais un journaliste et qu’à leur avis, j’avais fouiné trop loin. »

Il étira un sourire narquois. Les souvenirs n’étaient pas agréables, loin de là.

« Je ne dis pas qu’ils sont tous pareils. Comme pour les humains. Il y a des monstres parmi eux, vous l’avez dit vous-même. Et ils doivent être punis pour leurs crimes. Tout comme les créatures qui ont font couler le sang aussi. En quoi ça me rend si monstrueux d’être de cet avis ? »

Josh s’avança de quelques pas, s’arrêtant devant la jeune femme.

« J’aurais pu faire davantage pour aider les Elfes. Certainement, oui. Mais je n’ai pas aidé le gouvernement à faire quoi que ce soit contre eux, en ce qui concerne cet incendie. Et je suis désolé qu’il ait eu lieu, d’accord ? Je ne suis peut-être pas parfait... Mais je n’étais pas l’un d’entre eux. J’étais juste un journaliste. Et mes articles ne plaisaient pas à tout le monde. Mais je ne faisais pas partie de ce gouvernement. Je ne les ai pas tués... Je ne les ai pas tués. »

Dit-il, le regard perdu dans le vague. Comme si en plus de la convaincre elle, il tentait de s’en convaincre lui-même, chassant les doutes qui vaguaient dans son esprit. Les doutes étaient une perte de temps, une faiblesse inutile. Il fallait qu’il se reprenne. Oui, il avait été du côté des Anges, de leur projet, de leur vision anti-Nocturnes. Oui, il avait tout le temps pointé du doigt ces derniers dans ses articles, mais sans jamais inventer de faux crimes avec des fausses preuves. Oui, il avait évité de parler des exactions des Anges, mais jamais il ne s’était sali les mains, lui. Oui, il avait aidé à brûler les preuves contre les Anges rassemblées par le clan elfique à Réversa peu avant la Révélation, mais c’était parce qu’il savait que Bristol avait besoin des Anges. Il y avait encore une chance pour eux de bien faire. Sauver la ville voisine, aider à la protéger de la menace nocturne.

Ou bien, c’était juste parce qu’il était égoïste, avide de pouvoir et frustré par ses échecs répétés.

Dans le fond, il était tout ça. Le bien et le mal. Les mauvaises intentions, et les bonnes. La lumière et les ténèbres. Et qu’en lui, la bataille entre les deux côtés n’était jamais finie pour de bon.

« Est-ce qu’on peut enterrer la hache de guerre ? Je n’en parlerai plus. Parfois il vaut mieux laisser le passé là où il est, tout simplement. »

Faire semblant que rien ne s’était jamais passé. Faire semblant de croire qu’il valait mieux qu’il ne le valait réellement et se dire qu’il n’avait rien à se reprocher.

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C’est amusant de voir un Ange avoir peur d’une Elfe alors que techniquement je suis bien plus sans défense que lui. Surtout lorsque l’on connaît mon caractère et mes peurs diverses et variées. Car même si la situation est en train d’évoluer petit à petit il n’en reste pas moins que je suis une Elfe brisée par la vie et complètement désertée par toute envie de revanche. Après je lui concède, ça il n’a aucun moyen de le savoir. Tout comme il n’avait pas moyen d’être certain que je serais convenable pour garder son fils… Le paradoxe des hommes et de toutes créatures. Donner sa confiance et la reprendre aussi facilement dès qu’un doute s’insinue. Bref, tout ça pour dire que je m’en amuse quelque part, parce que de mon côté je sais que c’est mal placé.

Il doit également en être conscient au fond de lui, même s’il ne le reconnaît pas car on ne confie pas son enfant à n’importe quel inconnu, il faut qu’un certain instinct de conservation soit apaisé. Ce qui devait être son cas même s’il se cache derrière le fait que j’avais sympathisé avec son fils et surtout que c’était un cas d’urgence. Alors, à nouveau je rigole.

En revanche j’ai bien remarqué que l’Ange a toujours mal à son bras. La blessure devait vraiment être mal placée. Je lui propose des onguents, sans grande conviction car j’imagine tout de suite ses doutes concernant la médecine douce des Elfes. Malgré tout, j’essaye de lui faire entendre raison et contre toute attente il accepte. J’irai donc chercher ce qu’il faut plus tard et lors de la garde du lendemain je ferai le nécessaire pour sa douleur. Après tout j’aime bien rendre service lorsque je le peux et puis il m’a fourni un travail d’appoint qui me permet de mettre pas mal d’argent de côté alors je peux bien faire ça pour lui.

Mais c’est cet instant précis qu’il choisit de faire une erreur en évoquant ma famille. Le sujet le plus douloureux qui soit à mes yeux tout simplement car j’ai vu mes parents, mon père surtout, brûler vif sous mes yeux, me suppliant de courir loin, de sauver ma vie. Cette image, elle sera gravée à jamais dans mon esprit et qu’on décide de me la rappeler ne me fait pas sourire, loin de là. Joshua y est peut-être pour rien dans l’Incendie de la forêt de Reversa, même si j’ai du mal à y croire, mais il sait ce qu’il s’est passé, il aurait dû avoir plus de tact, surtout devant mon silence. Mais peut-être est-ce là la raison de sa curiosité ? Le fait que je ne parle quasiment pas de moi, de ma vie privée et encore moins de mon passé. Finalement, je suis pire qu’une inconnue et il me confie son fils aveuglément. Encore l’un de ses paradoxes.

Cette curiosité est mal placée et je le lui fais comprendre avec une réplique sanglante et marquée par une tristesse à laquelle je n’ai jamais laissé libre court. Suite à ça, je tourne simplement le dos et je m’occupe de Kenneth avant de me diriger vers la cuisine pour respirer et reprendre mon souffle en remettant mes idées en place. Je note l’attitude adéquate que tient Joshua. Il me laisse de l’espace et ne dit plus rien. A-t-il compris qu’il n’a pas pris le bon chemin ? Surement, puisqu’il vient s’excuser.

« Effectivement. » je réponds sèchement, encore un peu amer.

Et voilà qu’il me raconte un morceau de son passé. Je ne m’y attendais pas, je dois bien l’avouer. Et je comprends tout à fait son point de vue, mais…

« Votre comportement est normal, mais cibler une catégorie de personne attire la haine sur toute la population qui leur ressemble. C’est ce qui me déplait. Il ne devrait y avoir qu’une seule police pour les humains et les « aberrations ». Rien que ce terme me hérisse le poil. En quoi parce que nous sommes différents nous devrions être désignés par un terme si péjoratif ? Pourquoi tant de haine envers des êtres juste différents… Vous-même vous n’êtes pas un humain lambda. Et on ne vous déteste pas parce que le gouvernement fait en sorte que ce soit le cas. Vous voyez ce n’est pas vous que je vise mais le système qui démonise une catégorie de personnes qui n’ont rien demandé. Pourquoi tous les lycans sont-ils traités de la même manière alors que seuls certains commettent de crimes ? Si l’on compare avec les humains, le Ribcage est aux Aberrations ce que les camps de concentrations étaient aux Juifs sous Hitler… Je vous laisse assembler le reste du puzzle de ma réflexion et vous comprendrez pourquoi, Joshua, je déteste ce racisme que le gouvernement cautionne et développe au sein de la population… »

J’essaye de conserver un ton neutre mais ce n’est pas facile alors que je repense sans cesse à Blérim qui peut disparaître du jour au lendemain, renvoyer dans cet antre de l’enfer. On ne peut pas me demander d’être calme avec cette épée de Damoclès sur nos têtes et surtout sur celle de celui dont je suis profondément amoureuse.

« Essayez de vous convaincre que vous n’y êtes pour rien n’aidera en rien la situation Joshua. Que vous soyez coupable ou non, cela ne fera pas revenir tous les Elfes tués injustement et par pure peur. Je suis tout à fait capable de laisser le bénéfice du doute et de juger une personne à ses actions présentes et non à son passé. »

Voilà une façon de lui dire qu’il n’a pas à craindre de représailles de ma part mais que s’il veut conserver la Cassandra douce et gentille, il vaut mieux éviter de parler du passer et essayer de savoir ce qu’il représente à mes yeux.

« Comme vous l’entendez. Ce n’est pas moi qui ait lancé le sujet, mais sachez que si vous voulez en savoir plus sur moi, il suffit de poser des questions simples qui ne font pas appel à un passé que vous connaissez parfaitement. D’accord ? Parce que je conçois parfaitement que vous souhaitiez en savoir davantage sur la nounou de votre fils mais votre approche était plus que maladroite …. »

Sur ce je souris et je lui tends une tasse de tisane qui est censée apaiser la douleur puisque j’en ai trouvé dans ses placards. Je suis sûre qu’il ne connaît même pas les effets des plantes qu’il possède chez lui !

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Cassandra & Joshua

Clairement, il ne s’y était pas bien pris. Porté par sa curiosité, par son envie d’en savoir un peu plus sur la jeune femme, Joshua n’avait pas vraiment mesuré le poids de ses mots et avait réveillé chez elle un dragon appelé douleur. Et il faut dire que ce dernier ne manquait pas de feu. Ainsi, le trentenaire finit par s’excuser, parce qu’en fin de comptes, c’était vraiment la seule chose à faire. Le mal était fait, le couteau avait été remué dans la plaie, et Cassandra était hostile vis-à-vis de lui désormais, ce qui était tout l’inverse de ce qu’il voulait, d’ailleurs. Le jeune papa décida alors de lui raconter une petite partie de son passé, celle où il s’était fait agresser par un groupe de Lycans. Leurs avis différaient, mais puisqu’elle lui avait donné son point de vue, autant qu’il fasse de même. S’il n’aimait pas les Aberrations, s’il s’en méfiait, s’il prévenait les gens qu’elles étaient dangereuses... c’était pour une raison.

Cassandra reprit la parole pour exposer son point de vue. L’ange resta de marbre, sans piper mot, les bras croisés. C’était la rengaine habituelle, typique des défenseurs des Aberrations. Un léger sourire en coin prit place sur la bouche de Joshua lorsqu’elle évoqua le fait qu’il n’était pas un humain lambda et que le gouvernement ne faisait rien contre lui et ses semblables. Bah, évidemment que non, hein. Ils avaient pris les devants et prévenu la Couronne de ce qui se passait à Réversa et s’étaient proposés pour les aider. Précipiter la Révélation et la chute de Réversa avait été un sacrifice nécessaire, qu’il ne regrettait pas. Chose qu’il n’avouerait jamais à voix haute, rassurez-vous. Pendant qu’il y pensait, l’humaine poursuivait sur sa lancée, comparant même le Ribcage aux camps de concentration et les Aberrations aux Juifs enfermés là-bas. Le journaliste arqua un sourcil, se retenant pour ne pas éclater de rire. Elle n’était pas sérieuse quand même ? Gardant un air naturel, Joshua finit par pousser un léger soupir. Lui dire qu’elle exagérait revenait à lui demander une baffe... alors il préférait garder sa réelle opinion pour lui. Et puis, il s’était promis qu’il changerait de discours. Il gagnerait plus à jouer les pacifistes qu’à prévenir les gens du danger que ces créatures représentaient.

Son silence dura encore quelques minutes, alors que la jeune femme lui balançait encore quelques vérités au visage, tout en lui assurant quand même qu’elle était capable de lui laisser le bénéfice du doute et de ne le juger que selon ses actions actuelles et non pas celles du passé. Passé qu’il n’aurait pas dû aborder de la sorte et qu’il préférait laisser tranquille, histoire de ne pas s’attirer ses foudres. Oui, il avait été maladroit cette fois-ci, et il n’en était pas fier, cela ne ressemblait pas à un putain d’ange. Heureusement, Cassandra semblait être prête à passer à... la tisane de la paix, qu’elle lui tendit avec un sourire bien plus conforme à son caractère.

« Merci. »

Répondit-il, tout en étirant à son tour un maigre sourire. Son épaule lui faisait mal et son dérapage l’avait mis de mauvaise humeur aussi. Et puis... Il voulait quand même dire quelque chose. Autant il avait appris à se taire et à tourner les situations à son avantage, en bon ange qu’il était, autant il avait toujours été quelqu’un de franc.

« Je comprends votre point de vue. Peut-être que le Ribcage n’est pas la meilleure solution, qu’il y a des innocents parmi ceux qui sont réellement coupables et dangereux pour la société... Peut-être même certains que vous connaissez. Mais je pense que, dans le fond, les intentions de la Couronne ne sont pas mauvaises. Le but n’est pas d’exterminer les créatures, mais bien de protéger les humains qui n’ont aucun moyen de se défendre face aux prédateurs. »

Le Britannique but une gorgée de sa tisane, avant de continuer.

« Est-ce que la cohabitation entre les races est possible ? Difficile sans doute, mais possible peut-être. Mais toutes les Ab... Toutes les créatures ne sont pas aptes à vivre parmi les humains. Alors, ce passage au Ribcage pourrait permettre à certaines d’entre elles d’être réintégrées dans la société par la suite. En étudiant leurs cas, on pourra séparer ceux qui sont dangereux de ceux qui ne le sont pas. Après, le Conseil de Bristol n’a pas vraiment le choix, on doit obéir au gouvernement central, suivre leurs ordres. Le temps où les autorités locales avaient le pouvoir de gérer le Surnaturel comme bon leur semblait dans ces parages est révolu. On n’est plus à Réversa maintenant. En revanche, en tant que journaliste, je réfléchis à l’idée de visiter le Ribcage, voir quelles sont les conditions là-bas, en parler dans un article. Comme je suis un membre du Conseil, je pense que j’ai des chances, ils ne me verront pas comme un ennemi. Quoique... J’suis pas sûr. »

Alors qu’il buvait une nouvelle gorgée, un bruit venant du salon attira son attention. Kenneth ? Bon sang, on ne pouvait vraiment pas laisser les gosses tous seuls, hein.

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Il est des souvenirs auxquels il est compliqué de faire appel tant la douleur qu’ils animent est éprouvante. Tel est le cas concernant la famille. Je suis incapable de parler de ma famille sans les voir brûler vif dans les flammes qui ont détruites Reversa quelques années plus tôt. C’est pourquoi ma réaction est réellement sans appel et que si l’on souhaite garder un semblant de cordialité dans la conversation, il faut éviter d’aborder ce sujet. Erreur commise par l’Ange. Et je réagis d’autant plus mal parce qu’il est un Ange. Un instant, j’ai eu envie de l’égorger vif alors que je suis loin d’être violente. Mais il paraît que nous avons tous en nous une part sombre qui n’attend que de sortir ses griffes pour mettre l’emprise sur notre côté angélique. D’ailleurs, il est assez paradoxal de donner le nom d’Ange à des bourreaux …Je secoue finalement la tête comme pour chasser la fumée noire qui s’est emparée de mes pensées et je reviens à la réalité, servant la décoction censée aider Joshua à avoir moins mal à sa blessure.

Je m’en sers également une tasse histoire d’avoir quelque chose dans les mais pendant que la discussion prend un autre tournant. Le Ribcage. Autre sujet sensible. Mes pensées se tournent automatiquement vers Blérim. Il n’a rien fait mais il va être obligé d’y retourner un jour ou l’autre car à cause de cette fichue puce, ils finiront par le retrouver. Une larme née au coin de mon œil alors que Joshua parle des bonnes intentions de la couronne.

« Oui c’est ça elles sont merveilleuses leurs intentions ! » je rétorque avec amertume. « Ils n’ont même pas le droit à un procès et on les oblige à passer le Rituel pour retrouver un semblant de vie. Sauf que vous avez pensé une seule seconde aux effets du rituel sur eux. Est-ce que vous vous êtes demandé une seule fois si le fait de retirer une partie de son âme à quelqu’un ne peut pas en faire un tueur en série car il sera psychologiquement brisé. Je connais des gens qui sont passés par en Ribcage et qui vont y retourner et leur récit n’a rien de positif. C’est pire qu’un simple centre de détention… Et sous prétexte que l’on né Lycan nous devrions être enfermés ? Parce que nous ne sommes pas comme les autres… C’est du spécisme. De toute façon l’homme est spéciste et se croit supérieur, pourquoi suis-je étonnée au fond ? Vous voyez Joshua, je suis végétalienne pour lutter contre le massacre inutile des animaux par l’homme et bien je trouverai bien un moyen pour lutter contre l’enfermement abusif des êtres sous prétexte qu’ils sont différents. Et je suis sûre que je trouverai un moyen légal pour ça ! »

Il ne s’en rend peut être pas compte mais Joshua vient de réveiller la militante en moi et de me donner un objectif clair. Les larmes sont toujours au bord de mes yeux car malgré les mots, malgré la rage qui commence à percer ans ma voix, je ne parviens pas à imaginer Blérim retourner dans cet enfer. Je ne le veux pas. Tout mon être cri pour le garder tout proche, à portée de main. Or, au plus profond de moi je sais qu’il m’échappe chaque jour un peu plus.

J’allais reprendre la parole mais Joshua tourna la tête. En rythme, je fis de même. Kenneth commençait à farfouiller dans ses jouets. Je me dirige alors vers lui et le prend dans mes bras. Je vais chercher mon sac et en sort un DVD. « Dis bonhomme tu veux regarder ce que je t’ai ramener là ? » Et le petit tape dans ses mains tout excité. Je l’installe alors dans son petit fauteuil à une distance raisonnable de la télévision et je lance le dessin animé. Le monde de Nemo. Tous les gosses aiment ce personnage. Je lui donne à nouveau de l’eau avant de retourner vers Joshua

« Voilà, on peut continuer de discuter. Et comme j’allais vous le demander, vous croyez qu’être journaliste membre du Conseil vous donnera tous les accès ? Et si vous découvrez que le Ribcage n’est pas vraiment ce qu’on pense où que des pratiques non autorisées s’y déroulent chaque jour ? Qu’allez-vous faire ? »

Personnellement, je n’ai plus confiance en personne si ce n’est mes proches, ma famille de cœur, mes amis. Et c’est déjà pas mal !

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Cassandra & Joshua

Il ne savait pas exactement pourquoi, mais Joshua savait que la réouverture du Ribcage touchait fortement Cassandra, il pouvait le voir à travers son regard larmoyant et ses réactions. Souligner les bonnes intentions de la Couronne était donc inutile, ne faisant que raviver la colère et la tristesse que la brune pouvait avoir à l’égard des autorités. La preuve, la jeune femme ne manqua pas de rappeler que les Aberrations n’avaient pas le droit à un procès, qu’on les obligeait à passer le Rituel pour qu’ils puissent retrouver la liberté. Franchement, cela ne choquait pas l’ange, mais il se retint de le dire à voix haute. D’ailleurs, il ne pipa mot, restant silencieux alors que la nounou continuait sur sa lancée, évoquant les conséquences du Rituel, des cas qu’elle connaissait de personnes à qui le Rituel n’avait pas vraiment fait de bien, et qualifiant ce point de vue de spécisme. Décidément, la Britannique ne manquait pas d’arguments et son discours était fervent et déterminé. Cela lui rappellerait presque l’ancienne cheffe de la Résistance à l’époque du gouvernement angélique... Mais il espérait sincèrement pour Cassandra qu’elle serait plus sage et qu’elle ne fasse pas de vagues. Pour son bien.

Alors que l’ange s’apprêtait à lui répondre, voilà qu’un bruit attira son attention. Kenneth venait probablement de l’empêcher de montrer encore une fois qu’il n’approuvait pas le point de vue de la jeune femme. Ce speech digne d’une activiste était presque inquiétant. Sa nounou n’allait quand même pas se mettre à militer contre la maltraitance des Aberrations, si ? Par pitié. Regardant Kenneth, qui allait parfaitement bien, Joshua s’adossa à un mur, silencieux, pensif. Il savait que la situation n’était pas idéale, qu’il y aurait toujours des mécontents... Dans le fond, il fallait que le processus de réhumanisation aille plus vite. Que ce soit plus efficace aussi. Cela avait commencé à Réversa, alors pourquoi cela prenait autant de temps ici ? Le jeune père soupira, tandis que Cassandra s’occupait du petit. Elle était douée, naturelle... Et son fils l’aimait bien, aucun doute là-dessus. Lui-même l’aimait bien, à vrai dire, même si elle était une elfe. Alors ouais, ce serait dommage qu’elle décide de commencer à lutter contre le régime, contre la CAA. Ce serait un combat qu’elle ne gagnerait jamais, et en plus, il perdrait une nounou très fiable encore une fois. La jeune femme le rejoignit à nouveau, une fois le dessin animé lancé. Par contre, cette étincelle dangereuse continuait de briller dans ses yeux. Et pire encore, elle n’avait pas oublié ce qu’il avait dit à propos de son éventuel reportage.

« Euh... Je crains que non. Déjà, il faudra que la majorité du Conseil donne son feu vert. Ensuite, j’imagine que je n’aurai accès qu’à une partie du Ribcage, pendant un temps limité également. »

Joshua se gratta le menton, pensif.

« Mais ce serait mieux que rien, je pense. Le secret autour du Ribcage et de ce qui s’y passe ne fait que réveiller la paranoïa des gens. »

Adossé à un mur, l’ange posa son regard clair sur l’elfe.

« Après, qu’est-ce que je ferais ? J’en sais rien. C’est trop tôt pour en parler, je crois. »

En réalité, le fait d’évoquer la possibilité de les dénoncer relevait déjà de la folie. Il n’était même pas contre le Ribcage, après tout ! Mais bon... Même si ça allait à l’encontre de ses convictions plus profondes, si un jour il voulait qu’on le voie vraiment comme un ange tolérant et humain comme cela avait pu être le cas avec le résistant Frederik Queysen, il allait falloir qu’il y ait de quoi. Il allait falloir qu’il le prouve. Mais putain, c’était plus facile à dire qu’à faire, vraiment.

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Je me rends compte que j’y vais un peu fort avec Joshua qui doit d’ailleurs être plutôt surpris de ma véhémence face à ce sujet. Il faudrait d’ailleurs que je me calme si je ne veux pas me griller. Surtout pour Blérim. Car lui n’a rien demandé et je dois également conserver ma couverture pour tout ce qui a trait aux Aberrations et Altérations. Mais je prends leur cas tellement à cœur qu’il m’est très compliqué de jouer les impassibles ou de faire comme si tout allait pour le mieux dans le meilleur du monde. Surtout pas quand le gouvernement s’amuse à créé la panique et à démoniser des personnes innocentes qui n’ont rien demandé à personne. Il en fut, autrefois, de même pour nous, les Elfes. On nous a carrément fait brûlés vifs. Je suis sûre que tout ce qui les retient de ne pas faire la même chose présentement, c’est qu’on ne peut pas brûler une grande ville comme Bristol. Reversa n’était qu’un dommage collatéral, on pouvait faire migrer la plupart des gens et il n’y avait rien de vraiment important là-bas.

Enfin tout ça pour dire que oui j’y vais fort avec l’Ange mais tout en lui me rappelle ce pourquoi je souhaite me battre. Pour la liberté. Car il ne faut pas se voiler la face, même moi je suis hors la loi. Aux yeux de tous je suis humaine c’est pour cela que l’on m’a approuvée … cependant, ces faux papiers me retirent une partie de moi-même. Ils font oublier mes origines, celles pour lesquelles je dois me battre. La liberté est si fragile alors si un groupe de personne tyranniques s’engage à vous l’ôter tout simplement car vous n’êtes pas comme eux, vous devez vous battre pour récupérer ce qui vous revient de droit. C’est ainsi que nous devrions fonctionner, tous. Marcher pour la liberté. Celle de vivre, de s’exprimer, de marcher dans la rue sans avoir à regarder sans cesse sur son épaule, celle de respirer le même air que les autres personnes qu’elles soient elfes, anges, lycans, vampires et j’en passe… Et même si le combat est long, il vaut la peine d’être mené pour nos enfants, pour les générations futures.

L’Ange devrait comprendre cela lui qui a un enfant si petit. Quel monde construit-il pour lui ? Comment va-t-il l’élever ? Doit-il lui apprendre à se méfier de tout le monde ? Autant de questions que j’ai envie de lui poser mais que je retiens en moi pour ne pas animer un peu plus un débat qui au final n’en est pas un car je vois bien que mon patron retient ses mots. Il est évident qu’il ne me suit pas dans mon discours et d’un côté vu sa place, je ne peux pas lui en vouloir. L’endoctrinement doit être coriace et pour lui faire voir les choses autrement, à mon avis il faudra lui mettre les preuves sous le nez. Des preuves indéniables.

Pour le moment, je n’ai rien de tout ça et je dois m’occuper de Kenneth qui s’impatiente devant son activité qui ne l’intéresse plus. Et oui ! Les enfants ne s’occupent guère plus de dix quinze minutes avec la même activité avant de se lasser. Par contre les enfants, de nos jours, ont une incroyable capacité de concentration lorsqu’il s’agit de dessins animés. J’ai pu le constater plusieurs fois. Je mets donc Le Monde de Nemo à Kenneth avant de repartir dans la cuisine, le regard plein de cette étincelle qui me donne des ailes. Je crois que Joshua ne sait pas ce qu’il vient de réveiller en moi passant ainsi de la femme apeurée et douce à la femme militante et déterminée, pleine de fougue et d’ambitions. Parfois j’ai d’ailleurs l’impression d’être un peu schizophrène. Mais je suis juste cassée par le passé et pleine de projets pour l’avenir.

« Ca m’aurait étonné. Et surtout, je ne pense pas que le gouvernement ouvre ses portes si facilement aux journalistes fouineurs. »

Soyons honnêtes avec nous-même. Je ne connais pas franchement les talents de journaliste de Joshua, mais s’il vient enquêter, il est clair qu’il lui sera difficile d’obtenir les autorisations.

« Si vous voulez mon avis, si vous souhaitez réellement savoir ce qu’il s’y passe, passez plutôt par la porte de derrière. Je veux dire par là que pour obtenir vos autorisations, dites que vous souhaitez faire un reportage sur les gens emprisonnés là-bas. Que vous souhaitez montrer au monde entier le type de personne qui se trouve au Ribcage. Faites des autoportraits. Et une fois que vous serez dedans, vous pourrez mener votre enquête auprès des détenus, des gardiens ou même observer par vous-même ce qu’il s’y passe. »

Je me fais peur soudain. D’où me viennent toutes ces idées bon sang ? A croire que je muris des plans depuis des lustres. En réalité il s’agit juste de mon cerveau qui a décidé de tourner à pleine puissance depuis que l’on sait que les puces ont été réactivées pour renvoyer les Aberrations au Ribcage.

« Vous savez, j’ai tout autant que vous envie de savoir ce qu’il se passe derrière ces murs. Quelque part je vous envie votre métier car aussi dangereux soit il il peut servir des causes bien plus grandes et importantes qu’un seul homme. » j’ajoute avec un grand sourire et en sirotant une gorgée de ma tisane.

Je finis par m’assoir sur le plan de travail et fixer Joshua du regard.

« Vous savez pourquoi tout cela me tient à cœur au fond ? Uniquement parce que l’histoire se répète… On a opprimé les Indiens, puis les noirs et les juifs. On a chassé les sorcières et condamné bon nombre d’innocents. Et ce tout au long de notre histoire… Au fond, vous ne croyez pas que l’homme lui-même peut évoluer ? Avec tout ce qu’il se passe, avec la modification de notre environnement, l’avancée technologique qui nous dépasse… Au fond pourquoi un humain lambda hier ne pourrait pas développer un don pour s’adapter à ce nouvel environnement ? Alors faut-il le condamné pour une évolution qu’il n’a pas demandé et dont il n’est probablement pas conscient avec qu’elle ne se manifeste ? A mes yeux, il en est de même pour une Aberrations qui n’a rien demandé à personne… Tout comme à l’époque les noirs ne demandaient pas à naître noirs… » je soupire finalement et je regarde Kenneth de loin « Enfin tout ça pour en venir au fait que ça me tient à cœur car je compte bien fonder une famille mais je ne veux pas avoir à le faire dans un climat de peur et d’incompréhensions, dans un monde où on oppresse la différence alors que c’est la différence même qui nous singularise les uns des autres et donne toute la beauté des rencontres. »

En espérant que mes propos le feront réfléchir un minimum. Maintenant, au moins, il me connait un peu plus, ça c’est certain !

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Cassandra & Joshua

Bien sûr que le gouvernement ne tenait pas à ouvrir les portes du Ribcage aux journalistes. Alors que, justement, la presse britannique mais aussi internationale s’étaient affolées avec la Révélation pendant de longs mois, il pouvait parfaitement comprendre que la Couronne préfère attendre que les choses se calment enfin. Mais, d’un autre côté, les gens se posaient des questions à propos du Ribcage, de son fonctionnement. Et les tarés pro-Aberrations criaient à tout va que c’était un véritable camp de concentration, semant en ville la haine vis-à-vis du Conseil et du gouvernement, mais aussi la peur. Jusqu’à il y a quelques semaines, cela n’embêtait pas Joshua outre mesure, mais les longs speechs de Joren, le type qui l’avait sauvé lorsqu’il s’était fait tirer dessus, avaient fini par le convaincre des avantages d’une chose : s’il arrêtait de s’attaquer ouvertement aux Aberrations et qu’il commençait à prôner la paix et l’harmonie, un peu comme le faisait Queysen, il aurait tout à gagner. La sympathie des gens, la popularité, le respect. Dans le fond, c’était ce qu’il voulait, en plus du pouvoir. Mais ce pouvoir n’était-il pas limité, au sein du Conseil ? Le vrai pouvoir, c’était l’influence qu’il pourrait avoir au sein de la ville, auprès des habitants, et non pas seulement à l’intérieur des murs qui abritaient le City Council.

En tout cas, Cassandra avait plein d’idées pour son futur reportage, l’encourageant même à passer par la « porte de derrière ». Le jeune père haussa légèrement un sourcil, presque surpris de la voir aussi déterminée. Elle était décidément bien lancée en mode activiste, et quelque part cela ne le rassurait pas, même si c’était tout de même amusant de découvrir ce côté qu’il ne lui connaissait pas. Cela dit, elle n’avait pas tort. S’il voulait obtenir les autorisations qu’il lui faudrait, il ne pourrait dévoiler complètement ses plans. Par contre, des autoportraits... Dubitatif, Joshua croisa les bras, réfléchissant. Son côté angélique n’aimait pas du tout l’idée qu’il devienne un défenseur des Aberrations, même si dans le fond cette initiative ne soit pas tout à fait anodine. La nounou reprit alors la parole, lui avouant qu’elle avait tout autant que lui envie de savoir ce qui se passait au Ribcage – à vrai dire, lui il s’en foutait... mais autant ne rien dire, hein – et qu’elle enviait son métier, car il pouvait, malgré le fait qu’il puisse être dangereux parfois, aider des causes bien plus grandes et importantes qu’un seul homme. Sans parler du reste, les comparaisons avec les Nazis et tout le reste.... Bon Dieu, c’est vraiment l’une de ces discours typiques des grands révolutionnaires... Sérieux, il fallait que l’elfe se calme, sinon il pouvait réellement craindre le pire. Joshua prit une gorgée de sa tisane à son tour, avant de reprendre finalement la parole pour parler de son métier.

« Vous avez bien raison. C’est un métier dangereux, difficile et pas assez souvent reconnu à sa juste valeur. Ma mère haïssait l’idée que je puisse devenir journaliste. Probablement ce n’était pas assez bien à son goût. »

Attention mon petit, tu viens de mentionner quelqu’un qui, à tes yeux, est mort depuis longtemps. On s’arrête là.

« Mais je me suis battu. J’ai fait mes études à Londres, puis je suis revenu à Réversa. Beaucoup de monde n’a pas compris mon choix de quitter Londres pour rentrer chez moi, dans cette fichue ville... Mais vous savez, où il y a du chaos, il y aussi des journalistes... Et là-bas, on ne manquait jamais d’articles ! »

Dit-il avec un sourire en coin, le regard tout de même perdu dans le vague.

« Mais à force de parler surtout des crimes qui terrorisaient Réversa et ensuite Bristol... Je sais pas. J’ai créé mon propre style, ma... zone de confort, en quelque sorte. Et puis, l’autre jour, quelqu’un m’a rappelé que c’était important d’essayer autre chose de temps en temps. Alors bon, comme le Conseil n’aimait pas trop mes articles en ce moment, je vais essayer de leur faire plaisir, au moins pour une fois. Prôner l’espoir et la tolérance... Qui a dit qu’un ange ne pouvait pas le faire, après tout ? »

Mouais... Et qui a dit qu’un ange pouvait le faire sans avoir forcément d’autres plans et ambitions secrets cachés derrière cela, qui l’a dit ? Pas le narrateur, là... Mais passons. Le trentenaire eut un sourire en coin, avant de se tourner vers Cassandra.

« Ecoutez... A partir du moment où une bande de scientifiques a décidé de faire des expériences au XIXème siècle et de créer des Vampires et des Lycans, entre autres, qui sont vite devenus incontrôlables et ont envahi Réversa, il ne faut pas s’étonner que la situation soit encore aujourd’hui compliquée, très compliquée. Mais il ne faut pas oublier non plus que Bristol n’a rien demandé à personne. C’était une ville normale, composée d’humains qui ont vu leurs vies basculer à cause du Surnaturel de Réversa. Des monstres incontrôlables qui ont soudain débarqué en ville, provoquant une quarantaine, un isolement du monde qui ne bénéficie personne. C’est pour ça que la Couronne sévit comme ça. Mais c’est évident que le Ribcage ne peut être une solution définitive... Réhumaniser les mordus ? Je trouve que ça reste la meilleure option, avec un suivi adéquat comme cela était déjà le cas à Réversa, des psys, des aides financières.... Le seul problème sans solution, ce sont les Lycans nés. Parce que, eux, on ne peut pas les réhumaniser. Pour le moment, en tout cas. »

Joshua poussa un long soupir.

« Former une famille dans le contexte actuel... Ça relève de la folie. Et pourtant... On fait de notre mieux, pas vrai ? »

L’ange regarda son fils. La petite créature blonde qu’il voyait au départ comme un fardeau était désormais de plus en plus précieux à ses yeux. Qui l’aurait cru, hein ?

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Je devrais probablement faire attention à la ferveur de mes propos face à un Ange mais je ne peux m’empêcher de relever son discours péjoratif alors qu’il dit vouloir amener du positif ainsi que son comportement complètement en inadéquation avec ses paroles. Et pourtant, Joshua a de l’or entre les mains. Etre journaliste possède son lot de dangers mais c’est aussi un moyen excellent de changer l’opinion du public. Dans le monde actuel, les médias ont le pouvoir et en tant que tel ce sont eux les influenceurs du monde, eux plus que les politiques. Malheureusement, ils n’influencent pas le public de la bonne manière dans le cas présent. Ils font passer les pro-Aberrations pour des sauvages, les Nocturnes également et les autorités seraient dépassés par la hargne et la rage de ces Aberrations qui n’ont pas demandé à naître. Bizarrement, j’ai pourtant l’impression que la plupart des criminels enfermés sont des humains. Mais ça, personne ne le communique…

Je soupire. Parfois j’aimerais avoir ce don. Celui d’écrire je veux dire. Et être courageuse par la même occasion, assez pour faire des enquêtes et oser risquer ma vie au profit de la vérité. Mais pour le moment je suis encore trop renfermée. Dison que je suis sur le pas de la porte il faut encore que je franchisse le seuil. Enfin, être journaliste n’est pas pour moi, j’en suis bien consciente. Ce que les propos de josh me confirment évidemment. En revanche ils sont bien plus « profonds » que je n’aurais pu l’imaginer venant de lui. Le voir évoquer un moment de son passé n’était pas franchement dans mes attentes vu le caractère bien connu des Anges. Je ne peux donc m’empêcher de sourire et de penser que finalement, sous cette carapace froide et dure, il existe de vraies personnes qui ressentent un minimum. Je n’en doutais que peu, car comme tous ceux qui me connaissent le savent je suis la première à accorder le bénéfice du doute, mais les Anges ne m’ont pas vraiment laissé l’opportunité de voir cette facette d’eux jusqu’à présent.

Mais voilà, alors que Joshua parle de faire plaisir au Conseil avec de l’espoir et du positif il enchaîne sur un discours avec un pitoyable choix de mots. Un choix qui confirme ce que je lui disais plus tôt. Nous répétons sans cesse les erreurs du passé. Nous sommes prix dans un engrenage que nous ne voyons même plus tellement nous sommes convaincu qu’il reflète la vérité. Une vérité qui nous paraît immuable alors qu’elle n’est que la déformation de quelques politiques et journalistes corrompus.

« Vous savez Joshua j’ai appris à vous connaître et au fond je vous apprécie, mais vous avez le don pour faire l’inverse de ce que vous dites. Vous dites vouloir mettre à nu les activités du Ribcage et vouloir changer de style d’article pour redonner espoir, mais après cela vous utilisez des mots néfastes… Surtout sur l’imaginaire collectif. Continuer de parler de monstres alors que les Nocturnes ne sont ni plus ni moins que des humains tels que nous à la base…. C’est loin de l’espoir dont les gens ont besoin. En parlant de monstres vous nourrissez la haine qui gagne le peuple. Parlez d’être dotés de capacités extraordinaires… c’est déjà plus positif. Et il en va de même pour le mot « réhumaniser ». Mais qui a dit qu’ils étaient déshumanisés ? Enfin je veux dire est-ce que vous avez déjà pris la peine d’avoir une vraie conversation avec un Lycan par exemple ? Non parce qu’il m’a été donné de le faire sans savoir ce qu’il était et pour moi il s’agissait d’une personne lambda. De même qu’un violeur pour moi est beaucoup moins humain qu’un lycan qui n’a rien demandé. Et je sais de quoi je parle ! » j’ajoute un peu plus farouchement alors que le début de ma tirade s’est faite avec un calme olympien.

Je soutiens le regard de Josh, chaque fois que je lui adresse la parole parce que je veux qu’il comprenne que je ne mens pas, que je ne cherche pas à l’embrouiller ou lui cacher des choses. Lorsque nous parlons je suis authentique. A tel point que je lui confie même la raison essentielle pour laquelle tout cela me tient à cœur. Je rêve plus que tout de fonder une famille et d’autant plus depuis que j’ai réussi à avouer mes sentiments à Blérim. Je ne sais pas de quoi demain sera fait, si l’on pourra poursuivre sur notre élan ni même si le lycan voudra de moi pendant un long moment, mais me lancer m’a permis d’en apprendre plus sur moi et de me rendre compte que oui, je suis capable d’avoir une relation et oui, plus que tout je souhaite une famille. De plus, quand je vois Kenneth évoluer, malgré la situation géopolitique actuelle, je me dis que tout est possible si on se bat pour l’avenir de nos enfants en tant que parents.

« Vous seriez prêt à tout pour lui n’est-ce pas ? » je demande finalement à Joshua qui regarde son fils de loin. J’aimerais vraiment savoir si au fond de lui il y a un cœur tendre au moins pour cet enfant qui n’a pas demandé à vivre ni même à naître dans ce monde torturé.

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The heart of an angel

Cassandra & Joshua

Attention, attention, l'elfe venait de dire qu'elle l'appréciait ! Un petit exploit, hein ? L'ange étira un sourire en coin, les bras croisés, adossé à un mur. Si le début de sa phrase l'avait bien amusé, voilà que les mots qui suivirent furent moins agréables à entendre. Evidemment, Cassandra était encore en mode pro-Aberrations et elle tenait à le souligner, tout en lui rappelant qu'il avait le don de faire l'inverse de ce qu'il disait. Serrant la mâchoire, Joshua encaissa sans broncher. C'était moins évident qu'il ne l'avait cru au départ. Se la jouer défendeur des créatures n'était pas facile pour lui, cela allait à l'encontre de ses convictions les plus profondes. Il n'aimait pas les Aberrations, parce que, justement, lui les Vampires et Lycans en étaient à ses yeux. Il les avait détestés pendant trop longtemps, et cette haine, cette aversion profonde était bien ancrée au fond de lui. Impossible de l'effacer du jour au lendemain, même s'il commençait enfin à se rendre compte qu'il aurait tout intérêt à changer d'attitude afin d'être un ange plus apprécié et respecté que les autres. C'était ça le vrai pouvoir, l'influence. Ange, journaliste, membre du Conseil. Il avait tout pour briller. Trop longtemps, il était resté dans l'ombre, dans sa zone de confort. Il était temps de changer ça.

Mais voilà, ce ne serait pas simple. Cassandra avait raison, son choix de mots était peut-être un peu trop agressif pour quelconque serait du côté des Aberrations. Il était journaliste, il avait bien conscience du poids des mots et il savait à quel point c'était facile de les détourner, de les sortir de son contexte. Le regard baissé, une légère moue contrariée aux lèvres, le Britannique releva soudainement ses prunelles bleues lorsque la brune prononça le mot 'violeur'. Etait-ce un exemple au hasard qu'elle venait de lui donner ou bien... ? Il ne savait pas, mais soudainement sa curiosité venait d'être titillée. En tout cas, il savait ce qu'il avait à faire. S'excuser ? Allons donc, faut pas pousser. Mais bon, il pouvait toujours s'expliquer.

« Je comprends votre point de vue. Mais j'utilisais simplement les termes employés par la Couronne, c'est tout. Ceci dit... je prends note. Les utiliser à tout va est une mauvaise chose, ça aide à semer la haine et l'intolérance. J'essaierai de ne plus le faire. Y compris dans mes articles. »

Le trentenaire eut un léger sourire, presque innocent. Presque, hein. La conversation se poursuivit en tout cas, et l'elfe lui expliqua qu'elle rêvait de fonder une famille, malgré le fait que le monde autour d'eux était effrayant. La situation à Bristol était très compliquée ; la haine, la violence, la cruauté, l'intolérance étaient partout, encore plus qu'ailleurs. Difficile d'imaginer un avenir meilleur dans de telles circonstances, n'est-ce pas ? Et pourtant, les gens faisaient du mieux qu'ils pouvaient. Y compris l'ange. Jamais il n'avait voulu d'un enfant, et voilà qu'il se retrouvait avec un bébé dans les bras depuis quelques mois. Son fils, cette petite tête blonde qui ressemblait énormément à l'enfant que lui-même avait un jour été. Contre toutes ses attentes, le Conseiller s'était attaché à l'enfant et il ne voulait pas vraiment que Karen vienne le récupérer. Où qu'elle soit, qu'elle y reste. Ou du moins, qu'elle le lui laisse. Ou... pas. Enfin. Du moment qu'il pouvait le suivre de près, le voir grandir... C'est une faiblesse, Peterson. Bah oui. Avoir des enfants, c'était une faiblesse, alors que les Anges étaient censés ne pas en avoir. Mais c'était son fils. Et à chaque jour qui passait, il se sentait plus lié à lui. Il n'en était pas fier, mais c'était comme ça. Inévitable.

« Vous seriez prêt à tout pour lui n’est-ce pas ? »

La question le prit de court, lui glaça presque le sang. Joshua tourna la tête vers la nounou, puis déglutit. Son regard se reposa alors sur Kenneth pendant de longues secondes, sans qu'il ne prononce le moindre mot.

« Tout ça, c'est encore nouveau pour moi. Etre père. Je n'ai jamais voulu être père. Mais quand je le regarde... Pire, quand lui il me regarde moi... »

Un lourd soupir s'échappa de la bouche du journaliste. C'était un aveu de faiblesse. La preuve qu'il ressentait quelque chose de profond vis-à-vis de cet enfant. Qu'il tenait à lui. Qu'il serait prêt à tout pour lui, oui. Mal à l'aise, Joshua finit par se reprendre.

« Je... Je dois envoyer quelques e-mails. Gardez un œil sur Kenneth et appelez-moi seulement si quelque chose de très grave arrive. Merci. »

Et sur ce, l'homme fit demi-tour. Oui, voilà ce dont il avait besoin : d'être seul et de penser à son travail, et à rien d’autre. Rester froid et angélique, histoire de ne pas péter un câble...

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