You need to calm down ⊹ Baxter

You need to calm dawn

Ivy & Baxter

Que des faux-culs. Partout. Une vraie épidémie, sérieux. Enfin, je peux pas dire que ça me surprend réellement, car je le savais déjà, mais n’empêche que ça me fout toujours en rogne d’apprendre que les gens qui m’entourent, à quelques exceptions près – enfin, j’ose encore l’espérer – ne sont pas tout à fait ce qu’ils semblent être. Oui, ça me fout en rogne, ça me dégoûte et ça me rend malade. A vrai dire, à croire que tout me rend malade depuis un moment. Depuis la mort de Perséphone, je me sens perdu, en colère. Voire coupable, par moment, même si c’est peut-être absurde. Et pendant ce temps-là, dans cette putain de ville, c’est le chaos, le chaos déguisé en... blague pourrie. Avec la Trêve, qui a permis aux Aberrations et aux Altérations de gérer chacun un quartier à eux désormais, histoire d’en finir avec cette ambiance sanguinaire que le Conseil n’a jamais vraiment su changer, la paix semble être revenue doucement dans notre belle ville de Bristol. Mais la vérité, c’est que c’est juste du grand n’importe quoi. La tension est toujours là, les gens sont mécontents de leurs vies de merde, on en a tous marre d’être coincés ici. Et ce n’est pas parce que le Conseil va organiser des mariages mixtes à la con afin de prôner la belle égalité entre les Créatures et les Humains qu’on va croire vraiment que Bristol est la prochaine capitale du Pays des Merveilles et des Bisounours, hein. C’est plutôt la capitale du Pays des Larmes et des Emmerdes.

Mais bon, de toute façon, je m’en fous comme de l’an quarante. Ouais, je m’en fous, de tout et de tous. On veut me mentir ? Bah, allez-y, rien à foutre. On veut m’emmerder ? Pareil, mais faut pas s’étonner si je riposte. On veut danser avec moi dans une boîte de nuit ? Ou sniffer quelques lignes de coke pour oublier à quel point on est tous des misérables prisonniers sans avenir ? Partant, baby ! Après tout... Chassez le naturel et il reviendra au galop. Pas la peine de faire semblant d’être autre chose quand on ne l’est pas. Autant sauter sur le cheval et brouter – non, plutôt fumer, c’est plus fun –l’herbe. Bah quoi ? C’est pas digne de moi ? De mes sœurs ? De ma sœur qui est morte parce qu’elle bossait pour la foutue CAA ? Bordel, à peine si ça faisait un an que j’avais découvert que Persé, Ethel et Thea étaient mes demi-sœurs... A peine si j’ai eu le temps de profiter de sa présence dans ma vie... Comme à chaque fois, on me l’a enlevée, comme ça. Sans justification. Sans qu’il n’y ait aucune logique là-dedans. Sérieusement, j’suis fatigué, fatigué d’essayer de comprendre, alors qu’il n’y a rien à comprendre. La vie est une pétasse sans cœur, alors je l’emmerde royalement. Et je danse sur ce putain de dancefloor, collé contre ce corps chaud, dont les mains se baladent sous ma chemise noire à moitié déboutonnée. Je m’en fous de tout ce qui m’est arrivé. Je m’en fous de Bristol. Je m’en fous de moi-même et de ma peine. Et je m’en fous si ce n’est pas ce que je devrais faire. Je m’en fous si je fous en l’air tous ces efforts que j’avais fait pour devenir clean après les sombres années qui avaient mené à cette overdose il y a cinq ans. Rien à foutre. Je veux juste oublier. Danser. Embrasser cette meuf que je connais à peine, mais qui veut de moi en ce moment. Tiens, je la vois siroter son cocktail et me rends compte que mon verre est vide. Ça alors ! Eh bien... il temps d’y remédier.

Je me dirige donc vers le bar, histoire de le faire, puis soudain une voix féminine m’interpelle. Je reconnais la voix, mais je ne parviens pas à mettre un visage dessus. Ce que je ne tarde pas à faire, vu qu’elle est juste là, à quelques mètres de moi. Ivy. Ivy-la-spectre. Encore une. Vous voyez pourquoi je parlais de faux-culs, tout ça ? Bah, voilà pourquoi. En l’espace de quelques semaines à peine, j’ai découvert qu’elle en était une... tout comme Judd ! Putain, dire que je bosse pour ce type depuis un an ou presque... Que je lui faisais confiance ! Alors qu’il me mentait tous les jours, cet abruti. Sérieux, je dois avoir fait de gros progrès, je vous jure, vu que je continue de bosser au Blue Moon et que je ne lui ai toujours pas pété la gueule. Ouais, je continue de montrer mon côté joyeux et rigolo, le Baxter que tout le monde adore. Tiens, serais-je devenu un faux-cul aussi ? Moi qui aimais tant me vanter de ma franchise à toute épreuve... Bon Dieu, c’est une maladie contagieuse, je le crains ! Je regarde la jolie brune, puis je lève les yeux au ciel.

« Sans déconner. »

Je pousse un rire amusé, avant de m’assoir sur un tabouret libre et de regarder à nouveau la spectre, plus longuement cette fois-ci.

« Yo miss, comment ça se passe chez les spectres ? Vous continuez de lécher le cul des Anges ? » Ouais, désolé, mais faut appeler un chat un chat. « Attends, nan, des Démons plutôt. »

Je fais une courte pause pour commander mon verre. De la vodka, après tout, c’est le minimum ; surtout quand je pense aux Anges et à ce qu’ils nous ont fait, aux Elfes. Comment ça se fait, comment, qu’il y ait des Elfes qui les ont crus et qui soient devenus leurs défenseurs, que ce soit à Réversa, puis ensuite à Bristol. Et qu’on vienne pas me dire qu’ils ne sont pas les laquais des Anges, parce que la plupart de ces enfoirés angéliques bossent pour le Conseil, le gouvernement, le foutu système. Les criminels qui ont tué ma famille, mes amis, qui m’ont brisé pour le restant de mes jours. Non, putain, je l’accepterai jamais.

« Ecoute, t’es super canon et tout, et on a passé une nuit bien sympa, mais les spectres qui bossent pour le gouvernement, très peu pour moi. J’suis un elfe, et je n’ai pas oublié, moi. J’sais pas si tu l’as été un jour... Une vraie elfe... Mais si oui, à croire que tu l’as oublié. »

Voilà, c’est dit. Si elle est une ancienne elfe devenue spectre, comme Persé, j’imagine qu’elle a dû reconnaître mon aura d’elfe, ce petit quelque chose qui nous rend si charismatiques aux yeux des humains et que nous avons tous. Car oui, j’suis un elfe et fier de l’être, même si mes papiers indiquent que je suis un simple humain. C’est d’ailleurs pareil pour tous les autres elfes en ville. Yep, c’était la seule bonne action du Conseil de Réversa vis-à-vis de notre communauté avant qu’ils ne laissent Bristol prendre le contrôle de la situation il y a trois ans. Les Elfes n’avaient jamais emmerdé personne – hormis les Anges, évidemment – et il n’y avait aucune raison pour que les Bristoliens qui ignoraient jusque-là le « Surnaturel » se méfient de nous aussi. Nous faire passer pour des humains, c’était le minimum. Je soupire. J’suis trop high pour jouer les grincheux, en fait.

« Mais oh, tu fais ce que tu veux. Si tu veux bosser pour eux, amuse-toi bien. Franchement, je m’en contrefous, c'est ta vie. »

Dis-je en levant mon verre avant de le boire cul sec. J’en veux un autre, bordel : un, c’est pas assez.

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Ivy & Baxter

Je lui ai dit tout ce que j’avais à dire, tout ce qui était resté en travers de ma gorge. Je lui ai sans doute montré une version de moi beaucoup moins sympa qu’auparavant, mais elle n’a qu’à se blâmer elle-même. Une spectre, une ancienne elfe qui travaille pour le gouvernement et pour les Anges... Elle représente tout ce que je déteste. Après, ce n’est rien de personnel, hein. Enfin, si, un peu quand même... Car j’ai couché avec une spectre, bordel !  Elle savait sans doute que j’étais un elfe, mais moi, comment aurais-je pu savoir qu’elle faisait partie de la CAA, qu’elle était l’une d’entre eux ?! Les Spectres, ils ont tous l’air humains, ils trompent tout le monde avec leur semblant de... normalité. Bref, il ne faut donc pas s’étonner si je me suis emporté. De toute façon, je ne fais pas semblant, moi ; quand quelque chose ne me plaît pas et que j’ai quelque chose, je le dis, tout simplement. Mais, apparemment, Ivy a de la répartie elle aussi, vu qu’elle riposte assez rapidement, sans se montrer intimidée. Elle m’assure qu’elle n’a pas oublié le Grand Incendie et ses conséquences, et qu’elle aussi a perdu des gens dans ce dernier. Je la regarde, pensif. Je ne comprends pas. Soit je suis complètement bouché ou il y a quelque chose qui me dépasse, vraiment. La brune continue sur sa lancée et me provoque en me disant ce qui me fait réellement chier à propos d’elle. J’étire un sourire narquois, avant de pousser un léger rire contrarié en détournant mon regard vers la foule à moitié bourrée qui se déchaîne sur le dancefloor. 


« Oh, je côtoie des Spectres, mais pas volontairement, hein. Et ouais, ça aurait été cool que tu te présentes comme ça, au moins j’aurais su avec qui j’allais coucher ! » 


Un soupir las s’extirpe de ma bouche. Bordel, à croire qu’il n’y a qu’à moi qu’il arrive ce genre de merdes tordues. J’observe Ivy, qui sirote son nouveau cocktail, tandis que la colère, mais surtout l’incompréhension me tiraillent. Je vide mon verre à mon tour, avant de prendre une profonde inspiration. Je regarde la spectre sans rien dire dans un premier instant, tout en me demandant si ce serait pas mieux si faisais demi-tour. Sauf que j’ai envie de poursuivre cette conversation. Peut-être qu’elle saura m’expliquer les raisons qui la poussent à être aussi fidèle vis-à-vis du Conseil et de toute cette bande de politiciens manipulateurs. Peut-être qu’elle pourra m’aider à mieux comprendre Perséphone aussi... Ma sœur était l’une des siennes aussi, elles étaient dans le même camp, après tout. Il fallait qu’il y ait un minimum de sens dans tout ça, non ?


« Je ne comprends pas. Explique-moi, si tu le peux. Comment on peut bosser pour le gouvernement, pour le Conseil et les putain d’Anges qui font partie de ce dernier, et en être fier ? Comment on peut leur être fidèle, alors qu’ils ont brisé nos vies ? Je les hais. Je les hais tous. Ils ont foutu ma vie en l’air. Ils m’ont volé mes parents, ma copine, la plupart de mes amis... juste parce qu’ils voulaient contrôler les Elfes, comme ils voulaient contrôler tout le monde. T’as perdu quelqu’un aussi... Alors comment... ? Je ne comprends pas, désolé. »


Ma voix est plus calme désormais, mais nettement plus triste, dépitée. Ou alors, c’est l’alcool qui commence à agir, j’sais pas. 


« Ma sœur, Perséphone, était l’une des vôtres, tu la connaissais probablement. Elle aussi a décidé de devenir une spectre et de se battre pour votre cause. Jusqu’à la mort, littéralement. Persé était quelqu’un de bien... Ça je le sais. Peut-être que tu l’es aussi. Mais... je ne comprends pas. Je n’ai jamais osé lui poser cette question, alors je ne saurai jamais pour elle, mais j’aimerais la comprendre un peu mieux. »


Je fais un signe au barman pour commander une nouvelle boisson. Dieu sait que j’en ai bien besoin en ce moment.

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