I need you, Brother | Alec

C’était un cauchemar. Un affreux cauchemar dont il allait se réveiller bientôt. Il le fallait. Car ce qui s’était passé n’était juste pas possible. Ça ne pouvait pas avoir eu lieu. Aidan ne pouvait pas avoir fait ça. Il ne pouvait pas. Et pourtant. Il avait beau souhaiter que les récents événements n’aient été qu’un horrible cauchemar, il savait que ce n’était pas le cas. Cette révolte, cette émeute avait tourné au massacre des deux côtés. Le jeune vampire avait toujours réussi à contrôler ses pulsions, à rester lui-même, même s’il avait failli déraper à quelques reprises. Il était toujours parvenu à se rattraper, à se retenir à temps. Sauf cette fois-ci. Il avait tué quelqu’un. Il avait attaqué un humain et l’avait vidé de son sang. Sans ciller. Il avait même été prêt à bondir sur le suivant si on ne l’avait pas neutralisé. La suite était un trou noir. Il se souvenait vaguement de son attaque, de la rage qui l’avait envahi tout à coup…avant de se réveiller ici, au Ribcage. Prisonnier. Enfermé. La chose qu’il craignait le plus, outre tuer quelqu’un. Dès qu’il fermait les yeux et tentait de se reposer ne serait-ce qu’un peu, il revoyait les horreurs récentes, il voyait les gens tomber comme des mouches sous les coups de feu, mais aussi sous les coups de griffes, de crocs. Il y avait du sang et des blessés partout. Des morts aussi. Humains, Altérations, Aberrations…peu importe. Il entendait les cris, les coups de feu…c’était insupportable. Comment en était-on arrivé là ? Aidan avait toujours prôné la tolérance, la cohabitation, la paix entre les races. Il s’était engagé pour ça. Et finalement, ça n’aurait servi à rien. La situation avait escaladé jusqu’à atteindre un point de non-retour. Un point de non-retour dont même le brun n’était finalement pas revenu.

Il avait tué un humain. Ça le rendait dingue. La culpabilité le rongeait. Il ne cessait de se dire que s’il avait accepté de passer le Rituel tout de suite, s’il s’était porté volontaire dès sa transformation, s’il n’avait pas été aussi têtu…il aurait pu éviter ce qui s’était passé. Mais de l’autre côté…il n’aurait probablement jamais sauvé certaines vies, il n’aurait probablement jamais rencontré certaines personnes. Dont Alina. Aidan serra les poings. A quoi bon ? Il ne la reverrait sans doute plus. Il ne savait même pas depuis combien de temps il était là. Il avait perdu toute notion du temps. Il n’était sûr que d’une chose : il allait bientôt passer le Rituel. Il saurait alors si cette histoire était vraie ou s’il s’agissait d’une conspiration pour tuer toutes les Aberrations après leur avoir fait miroiter une nouvelle liberté. Il avait lu l’article sur le Rituel, de cette ancienne vampire redevenue humaine. Alina Kane. Son Alina. Était-ce pour cette raison qu’elle avait insisté sur le Rituel lors de leur première rencontre ? Parce qu’elle l’avait passé et qu’elle était la preuve vivante que ça marchait ? De toute façon, ça n’avait plus d’importance. Même si ça marchait, même si Aidan redevenait humain, sa culpabilité serait toujours là. Il allait devoir vivre avec toute sa vie. A l’heure actuelle, il n’arrivait pas à se réjouir de ce qu’il pourrait retrouver. Il était juste en proie à un profond désarroi. Il détestait cet endroit, il détestait ce qu’on y faisait à certaines Aberrations. Il se détestait aussi. Et il détestait cette solitude dans laquelle il s’était pourtant lui-même confinée.

On lui avait annoncé qu’il aurait un visiteur, quelqu’un censé l’interroger au sujet d’il ne savait quoi. La révolte ? Il ne savait rien. Il s’était juste retrouvé au mauvais endroit, au mauvais moment. C’était un euphémisme. Il ignorait encore qu’il allait bientôt se retrouver face à un fantôme du passé. On l’avait emmené dans la salle des visites et il attendait, assis sur une chaise, le regard rivé sur ses mains jointes. Il n’était plus que l’ombre de lui-même, bien loin du Aidan souriant de tous les jours. En même temps, qui voudrait sourire en prison ? Face à une mort certaine ? Après avoir lui-même donné la mort à quelqu’un ? Oui, quelque part au fond de lui, Aidan était toujours convaincu qu’il allait mourir. Après cet interrogatoire, les dés seraient jetés. On l’emmènerait en salle du Rituel. Et c’en serait fini. Il poussa un petit soupir, résigné. Il se souvenait encore des arguments donnés à Alina. Des raisons pour lesquelles il refusait de passer ce maudit Rituel. Ces raisons semblaient si futiles à présent, si…débiles. Même si en soi, vouloir rester vampire et ainsi sacrifier une partie de sa vie pour pouvoir mieux aider les autres n’était pas si débile que ça. La porte finit par s’ouvrir et Aidan leva lentement la tête vers la personne qui venait d’entrer. Il se figea. Ce n’était pas possible. Ce ne pouvait être lui. Alec. Son frère. Son frère qu’il n’avait pas vu depuis plus de trois ans. Son frère dont il ignorait le parcours depuis. Son frère qui n’avait jamais été au courant de ce qui était arrivé à Aidan. Il travaillait ici ? Merde. C’était quoi, ce délire ?

Peu importe. Le choc passé – un peu – Aidan se redressa de sa chaise et fonça sur Alec. Il se fichait de savoir s’ils étaient surveillés ou non. Si on avait envoyé Alec ici, on devait savoir qu’ils étaient frères. Alors oui, il lui fonça dessus et le serra dans ses bras, en essayant tout de même de ne pas lui briser les côtés par mégarde. Il ne dit rien, restant juste contre lui, contre son corps si chaud, entendant son cœur battre dans sa poitrine. Son odeur…oui, c’était bien lui. C’était Alec. Son grand frère. Aidan sentit les larmes lui monter aux yeux avant de finalement éclater en sanglots. Tout le désarroi accumulé au cours de ces derniers jours avait finalement eu raison de lui à la simple vue de son frère. « Alec…Alec…Je… » Il fut incapable de parler, incapable d’articuler alors que les larmes coulaient à flots le long de ses joues, mouillant le haut de son frère. Il ignorait combien de temps il resta ainsi, mais il s’en fichait. Finalement, un peu calmé, il s’éloigna légèrement et leva les yeux vers son aîné. « C’est vraiment toi… » Il essuya ses yeux du revers de la main. « J’ai merdé, Alec. J’ai vraiment merdé. » Incapable d’en dire plus, il se laissa glisser au sol, contre le mur le plus proche, et se remit à sangloter.

C'était la merde.
Tu étais désolé pour la vulgarité de tes pensées mais tu ne voyais pas de terme plus approprié, plus adapté pour faire un constat de la situation actuelle, tu avais sincèrement l'impression que derrière les belles paroles, supposément rassurantes, qu'on te servait, la situation était sérieusement en train de déraper et d'échapper à tout contrôle, rien que ta présence ici en était un bon exemple d'ailleurs. Tu n'étais jamais qu'un simple traqueur toi, tu n'étais jamais en contact direct avec les aberrations, justement ton travail consistait plutôt à ne pas te faire repérer et à les observer de loin, tu n'étais absolument pas formé pour te retrouver face à eux et voilà qu'on te demandait pourtant d'aller en interroger un...Tu n'étais pas ravi, c'était le moins qu'on puisse dire et tu n'étais pas serein non plus, tu n'avais pas peur de lui, pas vraiment, tu savais que tes collègues se tiendraient prêts à intervenir s'il se passait quoique ce soit, non, tu avais peur pour lui ou plutôt tu avais peur de toi, tu n'avais plus jamais été le même depuis la disparation d'Aidan, depuis la mort de Noah et tu ne savais pas vraiment de quoi tu étais capable, tu n'avais plus la moindre confiance en tes émotions et tes impulsions, il suffirait qu'il te provoque, il suffirait d'une phrase ou d'un mot de trop pour que tu ne sois plus capable de te contrôler, tu détestais cette pensée mais tu n'étais peut-être pas vraiment mieux qu'eux, en vérité.
Soupirant doucement, tu fixas du regard  la porte de la salle d'interrogatoire qui se dressait devant toi, tentant tant bien que mal de maîtriser les battements anarchiques de ton cœur, tu ne savais rien de ce qui t'attendait derrière, tu savais simplement que tu devais l'interroger à propos de la révolte et tu te doutais que s'il avait été arrêté c'était que sa culpabilité n'était plus à prouver, c'était un criminel potentiel, un meurtrier, tu ne pouvais pas te permettre de lui montrer une quelconque nervosité.
Après quelques secondes, tu finis par pousser la porte d'une main et la claquer derrière toi sèchement, une technique comme une autre pour intimider, en plus de ton physique qui aidait beaucoup, il fallait bien se l'avouer, pourtant rien n'aurait pu te préparer à ce que tu découvris en relevant les yeux vers le centre de la pièce, même dans tes rêves les plus fous ou plutôt dans tes pires cauchemars tu n'aurais jamais pu l'imaginer, l'espace d'un instant tu te dis très sérieusement que tu venais de définitivement perdre l'esprit, que tu hallucinais puis tu te dis, plus rationnellement cette fois, que la ressemblance était troublante mais qu'il devait s'agir d'un simple sosie, une simple coïncidence, après tant de temps passé à chercher, tu ne pouvais pas encaisser le fait qu'il ait été sous tes yeux toutes ces années. Pourtant il avait sa voix, il avait son visage, il avait même son odeur, le doute n'était pas permis et alors que tu le serrais dans tes bras par réflexe en retour, c'était la colère qui te gagnait, ils savaient, depuis tout ce temps, ils savaient.  Tu étais arrivé ici en étant transparent sur ce qui te motivait, la perte de ton frère, la perte de ton fiancé et eux savaient, ils avaient toujours su, ils t'avaient rendu complice tout en sachant la vérité, une vérité qu'ils te balançaient maintenant en plein visage comme pour tester ta loyauté.

« Les fils de... »

Tu réussis toutefois à garder le reste de tes pensées pour toi, préférant plutôt consoler ton petit frère qui continuait de pleurer dans tes bras.

« Évidemment que c'est moi, tu connais beaucoup d'autres mecs aussi beaux et charismatiques hein ? »

C'était tout toi ça, plus la situation était tragique, plus la situation frôlait les sommets du dramatique, plus tu te sentais obligé de balancer des phrases débiles, pour camoufler ton désarroi, pour ne pas montrer qu'en vrai toi aussi tu te serais bien mis à pleurer.
Tu finis par te laisser glisser à côté de lui, haussant les épaules en regardant les caméras, après tout le protocole ne vous obligeait pas à interroger un suspect autour d'une table et puis de toute façon tu venais de lui faire un câlin donc le protocole, pour le dire avec ton élégance naturelle, tu l'emmerdais.

« Tu... »

Tu cherchais tes mots sans bien réussir à les trouver, il avait merdé ça tu t'en doutais sinon tu ne l'aurais jamais trouvé ici, tu n'aurais jamais eu à le questionner mais pourtant tu n'arrivais pas à croire qu'il ait blessé ou pire tué quelqu'un volontairement, vampire ou non -car oui tu avais bien noté la taille de ses canines- tu n'arrivais pas à imaginer que ton petit frère puisse être un monstre sans cœur, destructeur, rien que ses larmes t'indiquaient le contraire, il devait y avoir eu un malentendu quelque part, ça pouvait arriver, pas vrai ?

« Est-ce que tu veux m'en parler Aidan ? »

Alec. Alec. Son grand frère. C’était lui. Il était vraiment là. Aidan avait du mal à le réaliser et il avait du mal à comprendre pourquoi son aîné était là. Mais à cet instant, ça n’avait aucune importance. Il était submergé par tout un tas d’émotions et il n’arrivait pas à calmer ses larmes qui avaient coulé sans s’arrêter pendant un bon moment, alors qu’il s’était réfugié dans les bras de l’autre, comme il l’avait si souvent fait lorsqu’ils étaient gosses. En sa présence, Aidan avait même l’impression d’être redevenu un gamin. Il réalisait aussi à quel point il lui avait manqué. C’était atroce. Ce manque. Comment avait-il pu juste disparaître comme ça ? Ce n’était que maintenant qu’Aidan se disait qu’il n’avait peut-être pas opté pour la meilleure solution, même si, à l’époque, il avait cru que c’était la seule et unique possibilité pour éviter de mettre sa famille en danger. Où cela l’avait-il mené ? Nulle part. Il s’était retrouvé tout seul, lâché dans un monde effrayant et inconnu. Il y avait bien eu son meilleur ami qui l’avait toujours soutenu, il y avait eu une ou deux autres personnes aussi, il y avait Zach, son opposé, mais dans l’ensemble, Aidan s’était toujours senti seul. Le jeune vampire demanda bêtement si c’était vraiment son frère et, fidèle à lui-même, le principal intéressé répondit par un petit trait d’humour qui eut au moins le mérite de faire légèrement sourire le plus jeune. « Non…tu es unique… » Il poussa un petit soupir, tentant de calmer ses larmes, alors qu’il relâcha Alec, un peu à contrecoeur, pour finalement aller s’asseoir au sol. Il ne voulait pas y aller par quatre chemins. Il savait qu’ils étaient surveillés, mais il s’en fichait. Ils savaient déjà ce qu’il avait fait. Il n’avait rien à cacher.

Merdé, oui. Il avait merdé. C’était même plus grave que ça. Il avait si peur du jugement d’Alec une fois qu’il serait passé aux aveux. Il avait peur que son frère ne l’aime plus, qu’il le renie. C’était idiot, mais il ne pouvait s’en empêcher. Déjà, rien que le fait qu’il ait découvert que son petit frère était un vampire devait l’avoir pas mal secoué, même s’il n’en montrait rien extérieurement. « Je… » Il déglutit péniblement et fixa un point quelconque devant lui. « J’ai tué quelqu’un. Pendant l’attaque. » Dire ces mots à voix haute lui fit lâcher un sanglot alors qu’il enfouissait son visage dans ses mains. « J’ai toujours réussi à me contrôler. Toujours. Et pendant l’attaque…ils m’ont tiré dessus. La rage s’est emparée de moi et je…j’ai vidé un pauvre humain de son sang. » Il ferma les yeux, luttant contre les larmes, puis les rouvrit en tournant la tête vers son frère. Il avait peur de ce qu’il pourrait lire dans son regard, sur son visage. « Tu dois me prendre pour un monstre. Peut-être que j’en suis un, finalement. Je me suis juste leurré la face pendant trois ans. Je croyais être fort…. Je croyais… Je… » Il éclata une nouvelle fois en sanglots. C’était trop. Trop d’émotions. Une nouvelle fois, il mit un bout de temps à se calmer. Il devait arrêter. Il était pathétique. « Me faire redevenir humain n’y changera rien. J’aurai ça sur la conscience toute ma vie. » Il se mordit la lèvre inférieure, puis chercha maladroitement la main de son aîné pour la serrer doucement. « Je suis tellement désolé, Alec. Je…Je n’ai jamais voulu disparaître comme ça. Mais j’ai cru que…ça valait mieux. Je pensais vous protéger…toi et les parents. Et tout le monde. » Il avait si peur que son frère lui en veuille.

« Est-ce que tu me détestes ? » Il plongea son regard dans celui de son frère un instant avant de le détourner. Il se sentait tellement misérable, c’était insupportable. « Mais… qu’est-ce que tu fais là ? Tu… travailles pour eux ? » Il connaissait déjà la réponse, mais il ne voulait pas l’admettre. Pas lui. Pas Alec. Il ne pouvait pas travailler pour des gens qui commettaient tant d’horreurs. Aidan secoua la tête et murmura quelques mots. « Ce sont eux, les vrais monstres. » Il ne s’était même pas rendu compte qu’il venait de dire ça. Mais il le pensait. Tout ce qu’ils faisaient subir aux soi-disant Aberrations…rien que ce nom. C’était haineux, dénigrant. « On n’est pas tous mauvais, Alec. » Oui, on. Parce qu’il se considérait comme l’un d’eux, l’une des créatures traquées par le gouvernement et ses organisations. Même si, bientôt, il serait à nouveau humain. S’il survivait au Rituel. « Le Rituel…est-ce que ça fait mal ? » Il se figea un instant, redoutant tellement ce moment. « J’ai peur, grand frère.. »

La colère était le sentiment qui te dominait à cet instant précis, pas contre lui bien évidemment mais contre eux, pour avoir réussi à te manipuler si facilement, contre toi aussi, pour avoir été suffisamment stupide pour céder à tes émotions et tes instincts les plus primaires, pourtant tu n'en montrais rien, tu réussissais à te contrôler comme tu n'avais plus su le faire depuis des années, parce qu'il était là, parce qu'il était bouleversé, parce qu'il était terrorisé aussi, parce que tu étais toujours son grand frère et que tu devais le protéger.
Tu t'étais laissé glisser à ses côtés, envoyant valser tout protocole alors que tu lui demandais s'il voulait te parler, s'il voulait te raconter ce qu'il avait pu faire pour se retrouver dans cette cellule grise et froide, enfermé entre quatre murs, tu n'arrivais pas à imaginer qu'il ait pu tuer ou blesser volontairement, au vu de ses larmes, au vu de sa douleur tu ne l'imaginais pas capable d'avoir commis un acte de cruauté, tu finis même par glisser doucement ta main dans la sienne pour l'encourager et il se mit à parler.
Il avait tué quelqu'un pendant l'attaque, c'était ça la vérité. On lui avait tiré dessus, il avait perdu ses moyens et un humain innocent en avait fait les frais.
Cette histoire te bouleversait parce qu'elle détruisait toutes tes croyances, parce qu'elle bousculait tout ce que tu avais toujours cru savoir sur tout, tu t'étais toujours imaginé que les vampires étaient parfaitement capables de se maîtriser et tuaient par simple cruauté, tu n'avais jamais envisagé qu'ils puissent avoir des pulsions, des envies auxquelles il était impossible de résister et tu comprenais ça, à ton simple niveau d'humain, tu voyais à quel point tu étais incapable de résister devant un verre d'alcool, tu ne constatais que trop bien ton incapacité affligeante à te contrôler, tu avais toujours imaginé être mieux qu'eux, tu ne l'étais pas, vous étiez différents mais tellement les mêmes à la fois.
Émergeant de tes pensées et réalisant que tu avais gardé le silence bien trop longtemps ce qui n'avait dû faire qu'accroître son anxiété, tu te tournas vers lui, glissant doucement une main sous son menton pour le forcer à te regarder, comme on le ferait avec un enfant.

« Regarde moi petit chat »

Le surnom était sorti tout seul, malgré toi, tu ne l'utilisais plus depuis longtemps pourtant

« C' était un accident, ça pourrait arriver à n'importe qui de tuer quelqu'un sans le vouloir, même aux humains, je suis sûr que tu as fait tout ce que tu pouvais pour l'éviter »

C'était vrai après tout, demain tu pouvais prendre la route et renverser quelqu'un, tuer une personne, briser une vie sans le vouloir, il avait raison, la culpabilité serait bien assez intense sans que quelqu'un ne vienne en rajouter, c'était pourtant exactement ce qu'il vivait.

« Je te déteste pas, je te détesterais jamais, t'as fait ce que tu pensais le mieux sur le moment et des fois quand on a peur, quand on est perdu, on prend des mauvaises décisions parce qu'on peut pas faire autrement, personne peut t'en vouloir pour ça»

Tu ne pouvais pas juger son choix, tu ne pouvais même pas imaginer ce qu'il avait dû vivre, ce qu'il avait dû traverser, ce que ça lui avait coûté mais quand tu t'entendais parler, tu avais l'impression de parler aussi de toi, d'une certaine façon, toi aussi tu avais été persuadé de prendre les bonnes décisions et toi non plus à présent tu n'en étais plus vraiment sûr, tu te surpris même à hocher la tête lorsqu'il dit que tes employeurs, ceux pour qui tu travaillais étaient les vrais monstres et que tous les vampires n'étaient pas mauvais, tu n'osais pas encore le dire à haute voix mais tu avais l'impression de voir ton monde changer.
Toutefois tu lui devais toujours des explications sur la raison de ta présence ici, tu le savais, tout comme tu savais que le moment serait atrocement douloureux pour toi, tu appréhendais de devoir le traverser. Comme pour te donner du courage tu te mis à jouer avec la bague que tu portais accrochée à une chaîne autour de ton cou, ta bague de fiançailles dont tu n'avais jamais eu le courage de te séparer.

« Quand t'as disparu papa et maman m'ont appelé, j'ai voulu rentrer tout de suite mais Noah a essayé de me retenir, il disait que j'étais pas en état de conduire, il voulait que je me calme avant de faire quoique ce soit, il avait probablement pas tort mais tu me connais, on s'est disputés. Je lui ai dit des choses horribles, des choses que je pensais pas, juste pour qu'il me laisse m'en aller... »

Tu les entendais encore parfois, tout le temps, tu avais l'impression qu'elles étaient ancrées en toi encore plus profondément que l'encre de chacun de tes tatouages, tu regrettais tellement de ne pas être resté ce soir là

« Je suis rentré, j'ai commencé à te chercher, quelques jours sont passés sans qu'on se reparle lui et moi puis mon téléphone a sonné...C'était son numéro, mais c'était pas lui...»

C'était dur tellement dur, tu t'étais juré de ne jamais pleurer devant Aidan, tu n'avais jamais pleuré devant Aidan mais c'était trop pour toi et les larmes se mirent à rouler le long de tes joues sans que tu ne puisses le contrôler, sans avoir le courage de le contrôler

« Il a été tué par un vampire. On a fini par me faire croire que c'était probablement pareil pour toi aussi alors je les ai rejoint, je voulais juste vous venger tu vois... »

Et tu te sentais idiot, complètement stupide, tu avais sincèrement l'impression d'être le grand frère le plus nul de l'univers, tu n'étais même pas capable de le regarder dans les yeux lorsqu'il te demanda si le Rituel faisait mal, te contentant simplement de hocher la tête, honteux. Non seulement le Rituel faisait mal mais il pouvait tout aussi bien le tuer.

« J'ai peur pour toi, je voudrais tellement pouvoir te sortir de là »

Mais tu ne le pouvais pas alors tu fis autre chose, tu décrochas ton collier pour l'attacher autour de son cou

« Ça te protégera »

C'était probablement faux, tu ne vivais pas dans Harry Potter et le pouvoir de l'amour n'était pas une chose qui existait mais tu étais tellement désarmé que c'était la seule chose à laquelle tu pouvais penser.

Pourquoi lui faisait-on subir ça ? Pourquoi faisait-on subir ça à Alec ? Ils devaient savoir qu’ils étaient frères et ils avaient décidé d’envoyer Alec interroger Aidan. Était-ce leur façon de s’amuser ? Trouvaient-ils ça drôle ? Plus ça allait et plus Aidan détestait les autorités et tous ces gens qui traquaient les Aberrations, qui voulaient les contrôler, les enfermer. Pourtant, il n’était pas quelqu’un de violent. Loin de là. Mais même lui avait ses limites. Surtout après avoir été témoin des horreurs dont ces gens étaient capables. Il n’arrivait pas à croire que son frère travaillait pour eux. Il ne comprenait pas et tout se bousculait dans sa tête. Néanmoins, il ne pouvait nier le fait qu’il était plus qu’heureux de revoir son grand frère, même s’il aurait préféré que ce soit en d’autres circonstances, des circonstances plus joyeuses. En proie au désarroi, Aidan n’avait su retenir ses larmes. Il se sentait pathétique, mais peu importe, au fond. Il s’était retenu trop longtemps et Alec lui avait cruellement manqué. Néanmoins, il avait peur. Peur que son frère le déteste, peur qu’il le juge parce qu’il avait disparu de sa vie, parce qu’il était devenu ce que tout le monde dans cette ville craignait et chassait. Il se confia pourtant à lui, avouant qu’il avait tué un humain sans le vouloir pendant l’attaque. Certes, il ne l’avait pas voulu, mais il en était quand même responsable. Le résultat était le même. Et sa conscience ne s’en remettrait sans doute jamais. Petit chat… Alec ne l’avait pas appelé comme ça depuis longtemps. Et ça ne laissa pas Aidan indifférent, bien au contraire. Ce surnom lui rappela tant de souvenirs de quand ils étaient petits, de quand leur monde n’était qu’insouciance. Et puis, tout avait changé, tout avait basculé. Il plongea un instant son regard dans celui de son frère, sentant à nouveau les larmes lui monter aux yeux lorsque son aîné tenta de le rassurer. « Je… Je ne sais pas si j’ai tout fait. C’est flou. » Il renifla assez bruyamment. « Je n’ai jamais tué personne avant, jamais. J’ai tout fait pour ne pas céder. J’ai même… sauvé des gens. » Peut-être devrait-il se focaliser sur ça, sur le bien qu’il avait fait depuis qu’il était un vampire. « Tu sais…j’ai eu du mal à l’accepter. Mais j’ai fini par me dire que je pouvais être utile, que je pouvais me servir de ces nouvelles capacités pour aider les autres. Et maintenant… maintenant, on veut m’enlever tout ça. » Il détourna le regard et soupira. Il y a quelques mois, il n’aurait jamais tenu ce genre de discours. Il aurait été heureux de passer le Rituel et de retrouver une vie normale. Mais plus maintenant.

Son frère ne le détestait pas. Aidan sentit un poids disparaître, un réel soulagement s’emparer de lui. Il se montrait tellement compréhensif que le plus jeune aurait pu une nouvelle fois se mettre à pleurer. Bon sang, il ne faisait que ça depuis tout à l’heure. « Je n’aurais jamais dû disparaître… j’aurais dû te faire confiance. Peut-être que les choses auraient été différentes… » Ou pas. Il ne pouvait le dire, il ne le saurait jamais. Ce qui était fait, était fait.
Et puis, ce fut le choc. Alec se confia à son tour, lui racontant comment il en était venu à travailler pour ces gens qu’Aidan détestait tant. Il écouta en silence, mais intérieurement, c’était le bordel. Il avait du mal à digérer ce qu’il venait d’apprendre. Noah… l’homme de la vie de son frère était mort. Tué par un vampire. Ce qui avait décidé Alec à suivre cette voie. Pire…Aidan s’en voulait terriblement. Car s’il n’avait pas disparu, peut-être que tout ça aurait pu être évité. Alec ne se serait jamais précipité pour rejoindre ses parents et chercher Aidan, il serait resté avec Noah et peut-être que… « C’est ma faute…Si je n’avais pas disparu… » Il se mordit la lèvre inférieure et serra les poings. Oui, il s’en voulait, il se sentait responsable. Mais au fond de lui, il se disait aussi qu’Alec aurait pu subir le même sort que Noah s’il était resté avec lui. Personne ne savait vraiment ce qui se serait passé, de toute façon. « Je m’en veux, Alec…et je suis tellement désolé pour Noah… » Ses yeux se remplirent une nouvelle fois de larmes, mais il les retint, cette fois. Il garda le silence quelques instants, le temps de digérer la nouvelle avant de finalement interroger son frère sur le Rituel, lui confiant qu’il avait peur, lui demandant si ça faisait mal. Alec hocha la tête avant de lu confier qu’il avait peur pour lui. C’était à ce point ? « Je ne veux pas mourir… » Pas besoin d’être devin pour comprendre.

Et puis, Alec accrocha son collier au cou d’Aidan en disant que ça le protègerait. Le jeune homme resta un instant immobile avant de se jeter dans les bras de son frère, le serrant sans doute un peu trop fort. « Merci. Merci pour tout. Je t’aime tellement, grand frère. » Il finit par se détacher et serra le pendentif dans sa main, un léger sourire aux lèvres. « Je m’en sortirai. La prochaine fois qu’on se verra, je serai le petit frère que tu as toujours connu. » Il déposa un baiser sur la joue de son aîné. « Je te promets de revenir en un seul morceau. » Pourtant, ce n’était pas vraiment de son ressort. Mais il voulait y croire. Il devait y croire pour ne pas s’effondrer totalement, pour ne pas totalement mourir de trouille.