Coming to hell ft Perséphone

« Pour la énième fois, je vais bien. Je ne suis pas traumatisée. La vue des dents ou je ne sais quelle autre connerie ne me fait pas perdre mes moyens. J'avais juste besoin que mon corps s'en remette. Ça a assez duré, je veux reprendre le boulot. Faites-moi cette foutue attestation. »

C'était ses dernières confidences au psy chargé de s'assurer de son état mental après l'épreuve qu'elle avait subie. Parce qu'en plus des examens médicaux, on lui avait collé l'examen psychologique. Les rencontres de ce type pour son évaluation et son entrée à la CAA lui avaient largement suffit. S'installer confortablement pour confier ses sentiments profonds à un inconnu, c'était pas trop son truc. Balancer des émotions, se laisser guider, totalement mais ça non. Encore qu'elle possédait un filtre à sa sensibilité. Et ces entrevues exigeaient d'elle précisément ce que Perséphone refusait de dévoiler. Le médecin n'avait fait que gratter à la surface tandis qu'elle perdait patience, car seule une traque lui offrirait ce dont elle avait besoin.

Enfin, on lui donnait ce qu'elle réclamait. En la coinçant dans des souterrains avec Gabriel. Quand on lui avait annoncé, la joie de reprendre du service s'était ensevelie sous l'angoisse. Cela faisait bien longtemps qu'elle n'avait pas osé lui faire face. Longtemps qu'elle redoutait sa colère et ses paroles assassines. Depuis qu'il avait transformé sa peine en rage contre elle, elle avait taché de rester invisible. Ce qui s'avérait compliqué lorsqu'on travaillait à deux. Mais elle ne pouvait pas refuser. Ils l'obligeraient forcément à retourner voir ce psy, ils la tiendraient de nouveau à l'écart si elle s'échappait de la première mission qu'on lui attribuait depuis son retour.

La Spectre conduisait brusquement vers le point de rendez-vous. Elle avait dû poireauter plusieurs heures chez son paternel, afin qu'il s'assure qu'aucun effet secondaire ne se déclenche. R.A.S. Au pire, le boost qu'il lui avait injecté ne fonctionnerait tout simplement pas. Elle comptait néanmoins secrètement beaucoup dessus, stressée à l'idée que son corps lâche. Son organisme avait récupéré, sans rivaliser encore avec ce qu'il avait été. Elle avait fondu, et ses entraînements ne faisaient pas de miracle. Après avoir contourné le Ribcage, la voiture s'immobilisa quelques instants devant une grille, qu'on lui ouvrit lorsque l'agent présenta son ordre de mission aux militaires.

Il était déjà là, attendant sous les trombes d'eau. Elle coupa le moteur, agrippa le sac à dos sur la place du mort et le rejoignit. Ses bottines s'enfonçant dans la boue ferait presque passer leur descente dans les catacombes comme une bonne nouvelle. Au moins, ils ne risqueraient pas de s'étaler comme une loque en courant après quelqu'un. Non, Perséphone risquait juste de faire une crise de panique. Quelle bonne nouvelle.

« Salut. », répondit-elle en baissant tout de suite le regard vers les gestes de son partenaire temporaire.

Après un hochement de tête, elle fourra rapidement le plan donné dans sa poche afin que l'averse ne le rende pas illisible. Elle devrait l'étudier sur place. En l'entendant espérer qu'elle soit équipée, elle ne put retenir un roulement d'yeux accompagné, à voix basse, d'un : « Bien sûr, j'ai pris le goûter. » Sans attendre, elle s'avança jusqu'au poste d'accès du quartier des Aberrations. Chlurk chlurk chlurk faisaient ses pas et boum boum boum tonnait son cœur.

Encore une fois, elle présenta leur ordre de mission. On leur ouvrit et des militaires les accompagnèrent jusqu'au lieu protégé, s'assurant que les créatures déjà réintégrées ne tenteraient aucune tentative suicidaire. Ses cheveux attachés leur offraient une vue imprenable sur les cicatrices encore rosées de son cou. Peut-être un moyen de l'identifier. Elle se demanda si des prisonniers étaient en lien avec le groupe avec lequel elle avait passé un accord. Un faux accord, évidemment. Elle avait joué le tout pour le tout pour s'en sortir, leur faisant croire qu'elle était de leur côté. Une infiltrée pour saboter le système de l'intérieur. Bientôt, elle allait devoir leur payer sa vie. Capter le regard des quelques individus à les regarder passer ne faisait cependant pas partie de ses préoccupations actuelles. Elle se préparait psychologiquement à affronter sa phobie.

L'entrée des souterrains avait été isolée et était autant gardée que les autres. Le Conseil devait s'affoler d'avoir laissé une telle porte de sortie à leur cage. Si la nouvelle se répandait, ces Purificateurs n'en ferait qu'une bouchée. Accueillir les Aberrations en ville les avait déjà tellement rendus furieux... Sur ça, elle les rejoignait complètement. C'était la décision la plus stupide qu'elle ait jamais entendue. Toujours avec cette pensée, l'ancienne Elfe observa le trou béant au sol. Juste un trou provoqué par des effondrements. Une corde avait été fixée pour s'y engouffrer. Sans un regard vers Gabriel ni qui que ce soit, elle fixa son sac sur les épaules et entama la descente. Elle ne se dégonflerait pas maintenant.

En bas, elle lâcha la corde et atterrit sur un sol incertain. Elle se baissa pour le sentir sous sa main – qui attrapa quelque chose. Tandis qu'elle se relevait, elle sortit une lampe-torche et l'alluma pour confirmer ses pensées. Un os. Balayant le tunnel, elle constata que sa largeur se réduisait par endroits par des pans de murs écroulés. Les effondrements avaient déversé des ossements partout. Perséphone fit deux pas, se pencha pour attraper un autre morceau : la mâchoire d'une bête immense. Comme elle perçut l'arrivée de Gabriel, elle se releva et l'accueillit d'une simple constatation :

« On est dans l'ancienne crypte lycane. »

Elle jeta le reste de gueule puis sortit et déplia le schéma précédemment donné, l'éclairant de l'autre main. Pendant que son regard analysait celui-ci, elle interrogea le Bristolien :

« Tu veux qu'on commence par où ? », relevant les yeux vers lui, elle ajouta : « C'est ta mission, j'imagine que t'as un plan. »