Éris Lívia Livingstone Ξ In Cauda Venenum

Je déteste me répéter, alors je vais vous la faire en version accélérée (sinon tu peux toujours aller là pour avoir la version originale et complète). Je suis une Livingstone, aristocrate de naissance, née pour vous nuire et vous pourrir avec le plus grand des plaisirs, j'ai vu le jour à Oxford et ai grandit là-bas, j'ai vécu ma vie et ai commencé ensuite à m'établir à Londres jusqu'à ce que des petits merdeux nocturnes viennent foutre la merde sur mon territoire le jour de mon anniversaire. Non content de polluer mon atmosphère, ils ont transformé ma sœur jumelle en lycane que j'ai dû tuer de mes propres mains. C'est alors armée de mes Louboutin et de mon colt que j'ai débarqué à Reversa dans l'idée de récupérer tout ce dont on m'avait dépouillé. La suite on la connait, on était tous tranquille à faire nos petites affaires jusqu'à ce qu'une poignée de connard ne nous révèle à l'Angleterre et limite après ça, à la terre entière. Bah oui, tant qu'à faire, il aurait pu aller jusqu'au bout quoi, c'est pas ça qui allait leur demander le plus d'effort. En tout cas, je me retrouve à présent coincée dans cette ville de merde qu'est Bristol. Parce que oui, si la ville en elle-même peut être fun, je vous avouerais que je trouve les alentours assez mort et terne. Les arbres, l'herbe à perte de vue et passer son temps à bavasser avec grand-mère feuillage, c'est bon pour les elfes, pas une femme d'action tel que moi. Comme la majorité du peuple et de mes autres larbins du feu conseil Aristocrate, j'ai dû tout recommencer à zéro. On a donc ouvert une nouvelle agence de communication avec Edana mais, je dois bien le reconnaître, il nous manquait un petit truc, vous savez ce petit quelque chose qui pimente et colore toute une vie.Et, c'est aussi pour cette raison que je suis présentement là, enfermée dans le village au simplet du Ribcage, parquée au beau milieu d'autres altérations, à respirer le même air vicié et rendu immonde par la simple présence de cette poignée de dégénéré avec qui je suis obligée de cohabiter en attendant bien sagement l'apparition du sacro saint CODECS. Non, vous ne rêvez pas mes chéris, je me suis bel et bien délibérément révélée aux yeux de l'état. J'aurais pu continuer à me faire passer tranquillement pour une simple humaine mais, pour des raisons qui me concernent, j'ai décidé de montrer au monde, non pas ma supériorité évidente mais, mon utilité qui normalement, devrait l'être tout autant à vos yeux. Et le temps passe, passe, passe, tant et si bien que je finis par me demander si c'était une si bonne idée que ça. En plus, je n'ai pas voulu enrichir ces crevures, alors je me suis contentée du dortoir basique, vous savez, celui avec parties communes et tout ce que ça implique. Erreur, erreur… Soupirant, je finis par apostropher un clampin qui passe par là et qui me suit comme mon ombre :

- Hey ! Vous comptez me laisser pourrir ici combien de temps au juste? Je suis comme Spoke, venue en paix. Alors, si vous pouviez accélérer le mouvement, ça m'arrangerait.

- …

- Toujours pas envie de faire la causette, c'est ça? Hum, pauvre petit chat. Ça me dérange pas, je vais la faire pour deux dans ce cas.

- …

- Tu sais que ça fait des jours que j'ai pas fumé? Je suis comme légèrement en manque. Mais ça tu t'en fous, tout ce que tu te contentes de faire, c'est de me surveiller au cas où l'horreur sans nom que je suis venait à déraper ou que sais-je encore. Sauf que, je m'ennuie profondément et que Greta ici présente, me tape légèrement sur le pompom.

Je désigne une pauvre fille à l'air bête du menton avant de revenir sur mon interlocuteur en croisant les bras :

- Alors si tu pouvais noter dans ton petit calepin qui te sert de mémo pour ton prochain rapport que Miss Livingstone aimerait un entretien d'urgence avec les grands pontes aux altérations, tu serais bien mignon et tu t'éviteras une nouvelle migraine.

- On vous a déjà expliqué que vou-

La porte principale s'ouvre une nouvelle fois tandis qu'une voix rugit juste derrière face de mérou :

- Marco, ton tour est fini.

Soupirant, je finis par tourner des talons après avoir donné une petite tape à l'épaule du prénommé Marco avec un air faussement désolée avant de me faire apostropher à mon tour :

- Miss Livingstone, veuillez nous suivre.

Me retournant sur l'armoire à glace qui se profile finalement face à moi, j'hausse un sourcil, la détaille de la tête au pied avant de m'approcher d'une démarche nonchalante, puis une fois à arrivée à la hauteur du militaire, je me permets de lui souffler sans la moindre gêne :

- Enfin.

Sans fioriture, je me fais escorter jusqu'à une aile de ce qui semble être, et d'après ce que je peux lire, le centre des rituels. J'avance, mémorise l'air de rien tout ce qui m'est donné de voir du bâtiment et ses annexes, pénètre en la salle que l'on m'indique, prends place sur la chaise vacante et fait face à un agent du CODECS après quelques brèves présentations des plus inutiles :

- Il nous a été transmis que vous vouliez rejoindre le CAA, pour quelles raisons?

- Comme je l'ai déjà expliqué, les nocturnes ou aberrations comme vous préférez les nommer, sont un véritable danger pour notre société. Tant que ces êtres n'ont pas retrouvé leur humanité et n'ont pas été ritualisé, ils constituent tous une promesse de mort potentielle qui plane silencieusement au-dessus de la ville et ses habitants.

- Pourquoi n'avoir rien fait lorsque vous siégiez au Conseil de Reversa?

- J'ai essayé, ce qui m'a d'ailleurs valu plusieurs désaccords avec certains de mes confrères mais, nous avons tout de même tenté de mettre différents plans d'action en place, décrété un certain nombre d'arrêt à leur encontre et imposé le rituel aux sujets les plus dangereux, chose que vous pouvez aisément vérifier. Mais vous savez tout comme moi qu'une seule voix ne fait pas l'unanimité.

- Pour quelles raisons avez-vous attendu la révélation du surnaturel pour vous dévoiler en tant qu'humaine à don sachant que vous ne figuriez sur aucun registre?

- Collaborer?

- Pourquoi avoir attendu aussi longtemps?

- Et pourquoi pas? Je n'avais aucune raison valable de clamer sous tous les toits Réversiens que je possédais un don, hormis peut-être celle de mettre gratuitement ma vie en péril en attisant la haine de certains nocturnes qui auraient voulu en finir avec moi au vu de la spécificité de ce dernier.

- Expliquez-vous.

- Mon don n'impacte que les aberrations et est inefficace sur le restant de la population et les humains ritualisés. C'est pour cette raison que si ce secret avait été levé, ma tête aurait été l'une des premières que les nocturnes auraient voulu faire tomber. Seulement aujourd'hui, les choses sont différentes et je peux vous aider à arrêter cette folie qui embrase nos rues et qui n'a que trop duré.

- Pensez-vous être d'une quelconque utilité au CAA ou encore durant les phases de traque?

- Ça c'est à vous de me le dire. Bien que, si je pensais le contraire, je ne serais pas assise ici parce que, comme vous l'avez si bien souligné tout à l'heure, rien ne m'obligeait à le faire, je ne figurais sur aucun registre.

- Comment être sûr que votre don n'impacte que les aberrations ?

- Testez-moi et vous verrez bien.

Je lève alors ma main droite en agitant un instant mes doigts, un doux sourire fleurissant sur mes lèvres. Oh oui, testez-moi si l'envie vous dit, je serais le plus somptueux de vos cobayes. Arme à l'acier sinistre qui décime les chairs au travers de l'obscure métal, je suis aussi l'exquise fleur du mal, celle aux sombres pétales et aux épines aux baisers létals, nymphe du stupre et du vénal, je suis à la fois muse du scandale et mère du fléau primordial. Alors non, je n'ai pas changé, je suis toujours le mauvais génie qui dressé sur votre épaule viendra à la nuit tombée vous susurrer les mots tant redoutés mais jamais à voix haute évoqués. Je suis le réceptacle de vos hontes à la lumière du jour enfin dévoilées, la gardienne de vos plus immondes péchés, l'instigatrice de la myriade de crimes en vos poitrines profondément enterrées et demeuré inavouées. Je suis cette cage en laquelle vous allez adorer vous enfermer, je suis le vice que vous allez supplier, la folie que vous allez prier et la haine qui à vos cœurs purulent, va en les bras de la nuit gouverner. Méprisables petits damnés, vous vous traînez tous déjà à mes pieds lorsque d'un claquement de doigts je pourrais, si l'envie m'en dit, tous vous faire expirer. Du mensonge je ne fais que me draper et bientôt viendra le jour où, face contre terre, devant moi, je vous verrais tous tomber. Vous pensiez que je n'étais que cette petite pétasse vulgaire à peine bonne pour dilapider l'argent que papa et maman lui a confié? Mes pauvres petits chéris, si vous saviez, je suis et demeurerais à vos yeux toujours bien plus que ce cauchemar qu'il vous est impossible d'oublier même à la lumière de vos jours les plus ensoleillés. Pourquoi? Tout simplement parce que je suis le tourment en lequel vous viendrez de vous-même vous noyer. Murmure qui en l'obscure ne cesse de vous tourmenter, je fais jaillir hors de vous toute cette laideur que je prends plaisir à contempler et dont je me délecte, tandis qu'inlassablement blotti contre mon sein vous vous parjurer. Je suis le feu et le venin, je suis l'ombre et le divin, je suis la veuve noire et l'assassin et c'est entre mes mains que repose tout le tragique de votre destin. Et maintenant? Vous me reconnaissez? Voilà, c'est bien ce que je pensais. Altière je me redresse alors que l'on s'apprête à me raccompagner en mes quartiers, dévisage le bon samaritain prêt à entre mes mains s'immoler, lorsque je m'arrête un instant, une larme rougie par la haine qui en mon cœur depuis mes plus tendres années ne cesse de brûler et qui dévale lentement le long de ma joue gauche en un sillon irisé :

- Ils m'ont tout pris, mes amis, ma famille, ma sœur, il ne me reste plus rien. Et je l'ai juré, je ne laisserais plus jamais un tel cauchemar arriver, peu importe les sacrifices qu'il doit m'en coûter. Je ne laisserais plus jamais une autre personne être détruite par ces monstres comme je l'ai été. Alors maintenant, faites ce que vous voulez.

Je tourne alors des talons, m'engouffre en le long et interminable corridor, l'air pensif et le visage disgracié, essuyant du revers de ma main droite cette larme aussi viciée que mon âme nécrosée. Un sourire venant défigurer intérieurement l'image de mon visage encastré en mes insidieuses pensées. Un jour, si jamais l'envie viendrait de me recycler, je pense sincèrement réussir à devenir l'une de ces actrices les plus prisées. Eh bien? Ne vous a-t-on jamais dit qu'il n'était pas bon de pactiser avec la Discorde et sa cohorte de damnés? Ce n'est rien, croyez-moi, vous allez rapidement l'apprendre et le mémoriser. En attendant, je vous laisse tranquillement en le manteau de mon ombre vous fourvoyer, misérables petits rats que torche en main, un soir, sourire aux lèvres, je viendrais silencieusement embraser.





Et il fait du bruit, ce monde que je ne comprends pas. Dans son trop plein de lumière, il irradie ses couleurs que je ne saisis pas. Alors j'avance, encore et toujours tout droit. C'est ce qu'on m'a dit de faire lorsque l'on ne savait pas. Et aujourd'hui j'ai l'impression que c'est ce que je dois. Mais est-ce que j'en ai vraiment le droit? Je ne comprends pas non, je ne comprends pas. Ni ici et encore moins là. Je ne suis que ce tu vois, une enveloppe qui ne se rappelle ni de lui et encore moins de toi. Et il n'y a que le vide. Oui le vide, qui a déjà pris toute place en moi, et qui me fait me mouvoir sans savoir véritablement pourquoi. Seul subsiste ce silence, lourd et calme qui me berce en des ténèbres que je ne reconnais pas. Tout est si étrange ici bas, comme si rien ne marchait à l'endroit. Ou bien est-ce simplement moi? Après tout, qui je suis moi pour comprendre ça? Je ne le sais pas. Alors je marche, sans savoir où ni pourquoi. On m'a dit de rester là. Alors j'écoute sans saisir réellement les mots qui sortent de cette bouche qui d'une personne à l'autre aboie. Du bruit. Trop de bruit d'un coup pour moi. Je ne comprends pas, non, je ne comprends pas pourquoi elle crie comme ça. Fort. Trop fort, cette sensation qui monte en moi et qui me broie entre ses bras. De l'air, j'ai besoin d'air. Je veux plus être là. Non. Je veux plus. Mais je reste clouée sur la chaise, parce que c'est ce que la dame m'a demandé de faire. Pourquoi ça d'abord? Et je me sens étrange. De l'eau coule de mes yeux. Et de l'intérieur je me déchire. En deux. En trois. Plus? Je ne sais pas. Et lui aussi à l'air étrange. Plus petit. Il fait pareil que moi, mais en bougeant dans tous les sens et en faisant bien plus de bruit. Trop de bruit, oui. Trop. Ça bouge devant moi.

- Commande 525 ! Commande 525 !

- C'est moi j'arrive !

- Madame ? C'est aussi votre tour?

Je ne comprends pas. Non, je ne comprends pas. Un tour? C'est quoi? J'essaye de dire quelque chose mais, ça bloque, je ne sais pas. Alors quand on sait pas, on répète et marche droit devant soi :

- Elle m'a dit de m'asseoir là et de pas bouger. De… D'attendre et de surtout pas bouger.

J'étire ma bouche, comme elle tout à l'heure. Étrange. Mais je dois marcher ou pas bouger alors? Je prends le carré blanc que tu me donnes et fais comme toi sur mes yeux  et mes joues. "Essuyer". D'accord. Je dois essuyer l'eau qui coule encore. Mais brutalement, un bip bip bip sonne fort, trop fort encore et l'air a des nuages noirs pas bon ni beau. "Brûlé" qu'ils disent que ça sent et que ça a fait. Je ne comprends pas non, je ne comprends pas. Et j'ai encore autre chose qui vient en moi et que je ne saisis pas. Alors comme je ne sais pas, je me lève, ouvre la porte et avance tout droit. Encore. Toujours. Tout droit. Tout simplement.