Un coéquipier vaut mieux que deux tu les auras (avec Devery Kaulen)

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Bureaux de la CAA, 10h. Un pâle rayon de soleil hivernal éclaire le mess. Assise à une table, Alenna Lockhart prend le temps de parcourir une fois de plus le dossier de son nouveau binôme : Devery Kaulen. Enfin, nouveau… C’est la première fois qu’on lui assigne un collègue fixe. Et pour cause, celui-ci est un peu particulier : « Altération potentiellement instable, toujours avec coéquipier sur le terrain. A abattre en cas de perte de contrôle », voilà ce qu’on trouve en haut de page du dossier. Après l’identité, bien sûr.

La chasseuse touille son thé en inspirant. La pièce étant vide, elle n’a pas eu de scrupules à mettre un petit air calme de jazz sur son téléphone portable, pour détendre l’atmosphère. C’est particulier de se dire que son futur collègue est autant collègue que… que quoi ? Détenu en liberté sous condition ? Ce n’est pas le premier humain disposant de don à travailler à la CAA ou au CODECS, mais à la connaissance d’Alenna, c’est le seul qui soit à ce point à surveiller. Aura-t-elle le temps, dans le feu de l’action, de surveiller l’ennemi et son partenaire ? A priori non. Il faudrait être un caméléon pour ça, et pouvoir regarder dans plusieurs directions différentes en même temps. Chose qui, jusqu’à preuve du contraire, n’est pas possible. La jeune femme vient de réessayer pour mettre à jour la science, et à part se faire mal aux yeux, elle n’est arrivée à rien.

« Un bon élément, obéissant et efficace. »
« Une sale race d’Altération, qui devrait finir au Ribcage. »
« Un gosse qui batifole et n’a rien à faire là. Un peu comme toi, Lockhart. »
Voilà un petit aperçu des commentaires récoltés par la chasseuse quand elle a cherché à se faire une idée de son nouveau coéquipier. Elle a assez rapidement compris qu’il vaudrait mieux se forger une opinion de A à Z.
Le bon côté d’un partenaire fixe, c’est qu’il y aura moyen de mieux se connaître et donc de développer des tactiques au fur et à mesure.
Le moins bon côté d’un partenaire fixe, c’est que si ça se passe mal, eh bien il n’y aura pas de changement. A moins que Miss Lockhart ne déclare que ça ne va pas être possible, mais ce n’est pas dans son tempérament de jeter ainsi l’éponge.

Tout en portant la tasse de thé à ses lèvres, la jeune femme regarde vers la porte. Il est en retard… Bien qu’il n’y ait eu aucune heure de posée clairement, la chasseuse ayant simplement envoyé un mail à Kaulen lui disant de la rejoindre au mess en milieu de matinée. Si elle avait su, elle aurait ramené son pc portable pour jouer un peu… Mais après tout, il lui reste le téléphone. Reposant la tasse, c’est l’index gauche d’Alenna qui rejoint sa lèvre inférieure dans une moue pensive. Téléphone… ? Pas téléphone ?
Téléphone.
Saisissant l’appareil, elle se lance sur Pokémon Go. Généralement, il y a des Pokémons dans la caserne…

Musique du téléphone:

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Un coéquipier vaut mieux que deux tu les aurasAlenna & DeveryS'il y avait bien une chose que Devery avait appris lorsqu'il était jeune, c'est que lorsqu'on est à l'heure on est déjà en retard. Pour Pitt, la ponctualité était sacrée. Et ce jour, le jeune homme avait rendez-vous avec quelqu'un... fort heureusement il ne s'agissait pas de Pitt mais de sa nouvelle collègue de bureau. Du moins... la seule chose qui était rassurante c'est qu'il ne prendrait pas une mandale.

En retard, le garçon l'était. Pourtant il avait tout mis en oeuvre pour être à l'heure et pour cause : ce premier contact avec sa nouvelle partenaire le tendait au plus haut point. Les choses ne s'étaient jamais très bien passées avec Paul Anderson, son précédent et défunt binôme. Cependant l'adage dit bien : on sait ce qu'on perd mais pas ce qu'on gagne". Les rares informations qu'il avait au sujet de la dénommée Alenna Lockart c'était... et bien qu'elle était chasseuse au CAA, et assez performante pour qu'on l'assigne à sa garde.
Mais pourquoi ce retard si Devery était autant au taquet ? Et bien le problème est tout là : sa nervosité. Elle a générée chez lui une tension "électrique" qui a grillé son téléphone au premier contact lorsque celui-ci a sonné. Pourquoi ne s'est-il pas levé aussitôt ? Car ayant tourné dans son lit toute la nuit il n'a trouvé le sommeil que tard dans la nuit et s'est rendormi après avoir arrêté le réveil qui aurait normalement dû sonner à nouveau quelques minutes plus tard.

Ce n’est que sur les coups de 9h, lorsque de timides rayons vinrent chatouiller ses paupières, que l’altération s’éveilla. Ensuqué, emmêlé dans ses draps, il mit une seule et unique seconde avant de comprendre le drame : il s’était rendormi. Bondissant hors du lit il s’empêtra dans ses couvertures, manqua de s’étaler par terre. Le prochain bus était dans approximativement une dizaine de minutes, tout juste de quoi s’habiller en vitesse. C’est un Devery ébouriffé qui dévala les escaliers de l’immeuble, s’élançant dans la rue vers l’arrêt de bus… glissant quelques pièces dans le distributeur de billet qui… tomba en panne dès qu’il posa son doigt sur le bouton.

Les supplications ne suffirent à faire flancher le conducteur de bus qui lui rétorqua : « Pas de billet, pas de bus. » avant de refermer les portes. Il allait devoir faire la route à pied, ce qui voulait forcément dire qu’il serait en retard et sans aucun moyen de prévenir Lockart puisque son téléphone avait subi un funeste sort. Ce n’était qu’un de plus sur la longue liste de ses défunts portables.

10h23, après avoir bousculé 2-3 collègues dans les couloirs en se confondant en excuses sans pour autant s’arrêter, Devery poussa la porte du mess, le souffle court, pour trouver une jeune femme portable en main en train de viser la machine à café.

« Hey… salut ! Désolé pour le r’tard… panne de réveil. »

C’était peu dire.
Le garçon esquissa un sourire un peu penaud, ne sachant pas réellement sur quel pied danser, et referma la porte derrière lui. Il se garda bien de tendre la main à sa future collègue car le coup de jus était assuré.

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Pokémon ! Attrapez-les tous ! Ensemble pour la victoire ! Pokémon ! Rien ne nous arrêtera ! Notre amitié triomphera ! Et l’amitié, c’est bien connu, s’acquiert en balançant des boules rouges et blanches dans la figure ! Tiens ! Prends mon amitié dans la face !
Alenna n’a plus qu’une pokéball pour capturer ce Machoc récalcitrant. Elle n’avait pas prévu de jouer à Pokémon Go, aussi n’a-t-elle pas fait de plein… C’est le lancer décisif. La cible est posée devant la machine à café, en train de chercher de la monnaie pour se servir une tasse. Il n’a pas vu la menace, menace qui n’en est pas une puisqu’il s’agit de se faire un ami, si on se fie au générique… Et un, et deux, et…

- Hey !

La jeune femme sursaute, et la pokéball part à côté. Reposant son portable sur la table, elle lève la tête. Un jeune échevelé se tient devant la porte. Kaulen, a priori. Déjà ? Le temps passe vite, quand on lance des cages portatives sur de pauvres animaux innocents. C’est quand même horrible, les jeux Poémons, quand on y pense…
Alenna se lève en souriant.

- Hey ! Kaulen, je suppose ?

Il a l’air sacrément tendu, le bonhomme… En même temps, quand on a un collègue qui peut se transformer en bourreau, ça peut effectivement rendre nerveux. Tout en se disant qu’elle a bien fait de mettre une petite musique décontractée, l’agente décide de détendre l’atmosphère.

- Je vais pas vous manger, j’ai déjà pris mon petit-déj’… Tu -, enfin vous, pardon, préférez que je vous vouvoie ou tutoie ? Moi, ça m’est égal. J’ai le tutoiement facile, mais je comprends qu’on n’ait pas gardé les cochons ensemble – chose qui n’arrivera sûrement jamais, vu qu’on va chasser des loups et des chauves-souris !

La jeune femme pince les lèvres dans une petite moue embêtée.

- Pardon, je m’emporte… On attendra peut-être un jour ou deux avant les blagues…

Se faire passer pour une tarée envahissante dès la première rencontre est un art. Un art qui, chez Miss Lockhart, atteint des hauteurs impressionnantes. Ou des abîmes insondables, selon comment on prend la chose.
La chasseuse inspire et tape dans ses mains en fixant un point en bas sur sa droite, avant de se rasseoir.

- Bref…

Puis de se relever aussitôt. Elle ne lui a même pas serré la main ! Elle s’avance donc, main droite tendue, et sourire aux lèvres.

- Alenna Lockhart. Ta- votre nouvelle collègue.

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Un coéquipier vaut mieux que deux tu les aurasAlenna & DeveryAllez donc savoir ce qui captivait tant la chasseuse Lockhart pour qu’elle sursaute à ce point à un simple bonjour… alors qu’en plus il était attendu. En retard d’une vingtaine de minutes, certes, mais attendu. Avait-elle déjà abusé du café dont elle fixait la fabricante avec son téléphone ? Elle sourit néanmoins, bien plus détendue que le jeune homme qui s’était perdu en considérations nébuleuses. A sa question, probablement rhétorique, il se permit de répondre par un hochement de tête qu’il tenta de faire « posé »… sans grand succès. Le souffle court, la nuque raide, le cœur battant… rien n’y faisait : l’opinement fut bref et rapide.

Mais… à la grande surprise de Devery, sa future collègue se lança avec humour dans un petit monologue sans queue ni tête. Enfin si, mais entrecoupé de tellement de phrases que ça en devenait burlesque et arracha au garçon un léger sourire. Cette chasseuse-ci était à des années lumières du sévère Paul Anderson. La pauvre en était gênée ! Devery eu presque envie de la rassurer par quelques paroles voire même des gestes, mais, de peur de commettre un impair de fait de sa redoutable maladresse, il resta à sa place, droit comme un i.

« Comme vous voulez Miss Lockhart, ça m’est bien égal. Et les plaisanteries m’dérangent pas. »

Zou, une bonne chose de faite, au moins laissait-il la possibilité à l’une des deux d’être à l’aise dans cette fichue cafétaria. Pièce au sein de laquelle Kaulen remarqua un petit point commun entre elle et lui, elle semblait ne pas tenir en place. A peine frappait-elle dans les mains pour se réveiller qu’elle s’assit pour finalement bondir comme un beau diable et s’approcher en tendant la main, tout sourire. Le pauvre garçon ne put s’empêcher d’avoir un petit mouvement de recul afin d’éviter le contact.

« Ha ! Euh… enchanté ! Eumh… Si on peut attendre un peu avant la poigne… pas que j’sois pudique hein ! Enfin, si, c’qu’il faut, mais… comment dire… »

Effectivement, là se trouvait tout le problème : comment lui annoncer qu’elle allait se prendre une châtaigne à un simple contact sans se mettre lui-même le panneau « danger » au-dessus de la tête ?
L’honnêteté était importante, mais il y a un temps pour tout non ? Ce n’était pas le moment pour faire mauvaise impression. Pas comme ça du tout.

« Je…. Me suis pas lavé les mains. J’sais, c’est pas hygiénique, j’suis désolé, mais avec le r’tard, voyez… »

Ou comment s’enfoncer davantage. Mais avec cette petite parade il espérerait que, toute femme qu’elle était, elle serait rebutée à l’idée de serrer une main sale. Ha la naïveté et les stéréotypes…

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**Invité**

« Comme vous voulez Miss Lockhart » ? Non. Non, ça ne va pas le faire. Qu’on dise Alenna, oui, qu’on dise Lockhart, ça passe, mais Miss Lockhart… Enfin, il s’agit d’une collègue, pas d’une haute personnalité !
La chasseuse hausse les sourcils quand elle fait battre en retraite Kaulen. Elle sourit, un brin amusée, essayant de le mettre à l’aise.

- Hey, relaxe, c’est juste une poignée de main, pas une clef de bras…

Tout ce malaise pour des mains sales ? La jeune femme baisse son regard sur lesdites mains, qui d’un premier et bref regard ne paraissent pas plus crasseuses que d’autres. Il a peur d’une poignée de main ou bien ?
Respectant néanmoins la réserve de son collègue, Alenna ne vient pas au contact, se contentant de garder la main tendue et d’ajouter avec un sourire.

- On va faire couler le sang ensemble, m’est avis qu’on aura régulièrement les mains autrement plus sales que maintenant…

Fronçant imperceptiblement les sourcils, la jeune femme croit soudain avoir un début de piste sur la cause de cette tension chez Kaulen. Si elle s’est renseignée sur lui, la réciproque est vraisemblable. Et comme elle n’est pas forcément en excellents termes avec tous ses collègues, peut-être certains lui auront-ils un peu craché dessus ? Ou bien auront cherché à faire peur en grossissant certains traits ?

- Ecoute, je sais pas ce qu’on a pu te dire sur moi, mais je suis pas méchante. Enfin, pas avec ceux qui le méritent pas.

Cherchant à se justifier, la chasseuse hausse vaguement les épaules en poursuivant, tout en levant légèrement les paumes vers le ciel – ou plutôt le plafond.

- C’est vrai que je suis un peu franche et que parfois, j’ai des mots durs qui sortent trop vite… Mais je pars sans a priori. Je tiens à te découvrir tel que tu es, sans prêter l’oreille aux bruits de couloir… Bon, d’accord, j’ai essayé de me renseigner, mais comme j’ai entendu tout et son contraire, je tiens à me faire ma propre opinion.

On a certainement dit au jeune homme à quel point elle est implacable envers les Nocturnes, et ça lui aura fait peur… Etant lui-même une Altération, il aura craint que ça se passe mal ? Après tout, ça n’avait pas l’air de bien se passer avec son précédent partenaire de travail.
Comme pour se justifier, Alenna lève les mains, ouvertes vers son vis-à-vis, presque à hauteur d’épaules.

- Qu’on soit clairs : okay je peux paraître un peu zélée sur le terrain, mais va pas le prendre pour toi. Toi, tu es un Approuvé, pas un criminel ou une espèce de monstre assoiffé de sang.

Il faut dédramatiser la situation, faire un trait d’humour… La chasseuse sourit.

- Et puis, si j’avais voulu te casser la gueule d’entrer, j’aurais pas prétexté une poignée de main pour le faire.

Et Alenna de retendre la main.

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Un coéquipier vaut mieux que deux tu les aurasAlenna & DeveryL’excuse n’avait vraisemblablement aucun impact aux vues du haussement de sourcils d’Alenna, et sa réflexion ne fit que confirmer cet état de fait. Le malaise grandissant, Devery se traita de tous les noms. Si sa conscience avait un corps, elle se serait sans doute tapé la tête contre un mur à plusieurs reprises. Bien évidemment qu’elle se fichait de la propreté de sa main, elle était une chasseuse ! Elle connaissait le sang, la sueur, la crasse, la poudre… alors quelques microbes imaginaires et invisibles n’allaient sans doute pas la dégoûter. Apprend à réfléchir un peu Kaulen…

Cependant, ce que le garçon n’avait pas envisagé, c’est que sa nouvelle partenaire se sente la cible de sa réserve. Une fine grimace déforma les lèvres du jeune homme lorsqu’elle évoqua les éventuels ragots qu’auraient pu colporter ses collègues à son encontre. Son geste et son excuse bidon avaient eu pour but de la protéger -et le protéger aussi par la même occasion- et non de la mettre mal à l’aise ou la blesser. La demoiselle partit alors dans des justifications. Pire ! Elle se livrait presque. Enfin… du moins elle faisait preuve de beaucoup de franchise et de transparence, ce qui changeait de l’accueil d’Anderson : « Si tu dérailles j’te collerais une balle dans le ciboulot avant qu’tu comprennes c’qu’il s’passe. ». Autant dire que le message avait été clair et efficace.

Cette fois-ci, Devery ne savait pas vraiment sur quel pied danser. Alenna avait joué carte sur table et d’une certaine manière lui rendre la pareille pouvait l’aider. En outre, dire qu’il risquait déjà de lui faire mal au premier contact pouvait renforcer les dires négatifs qu’elle semblait avoir déjà recueilli sur lui.
Le cerveau prêt à imploser à force de cogiter, il grimaça de plus bel lorsqu’elle tendit une seconde fois la main. Très indécis, il tenta de jouer sur la sincérité.

« Ok, c’était bidon comme excuse… mais c’était pas du tout pour les raisons qu’vous croyez. Enfin… on m’a rien dit d’particulier, j’ai pas trop fouiné. »

Il avait déjà la sensation de cruellement s’emmêler les pinceaux et avait la certitude que le pire était à venir en termes d’explications.

« C’est juste que… j’suis un peu stressé. Enfin carrément même. Pas qu’j’ai la trouille ou quoi, enfin un peu, mais… savez, ça génère comme une tension, tout ça. »

Passant une main derrière sa nuque, il détourna le regard. Lorsque sa main frôla ses cheveux dans le geste, ceux-ci furent légèrement attirés, trahissant l’électricité statique qui s’était amassé en lui.

« Mais j’suis pas toujours comme ça hein ! Loin d’là… j’suis plutôt tranquille au quotidien. Enfin pas mou, pas du tout même. Mais j’suis pas… comme ça. »

Sentant qu’il s’était plus enfoncé dans des sables mouvants qu’autre chose au cours de son explication, il prit son courage à deux mains et termina en bafouillant un peu.

« Juste que… quand j’suis comme ça… vous risquez d’prendre une sale châtaigne. Rien d’grave, mais… enfin vous comprenez. »

Penaud, il leva un œil vers la jeune femme et tendit légèrement la main, sans saisir celle de sa coéquipière.

« Maint’nant vous savez et j’préfère qu’vous choisissiez. J’comprendrais parfait’ment si vous préférez attendre. »

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Attentive, Alenna écoute les explications de son grimaçant collègue. Sans blague, il est stressé ? Ça se voyait à peine. Le problème, c’est que la chasseuse ne peut plus grand-chose pour le détendre, à ce compte. Certes, le jeune homme semblait avoir eu un partenaire sacrément autoritaire et peu sympathique, mais tout de même ! La pensée traverse Alenna de savoir si son prédécesseur traitait vraiment Kaulen comme un partenaire. Pour qu’il soit à ce point tendu, il devait plutôt être traité comme un chien… Une sorte de bête de somme qui marchait davantage à la terreur qu’à l’affection. Dès lors, quelle peut être la profondeur de son engagement véritable ? Les derniers rapports indiquent l’Altération comme étant fiable, mais si elle ne l’était que par peur du bâton, qu’est-ce que ça pourrait donner avec une approche différente ?
La seule solution pour savoir, c’est de tester. Comme dit ce connard de Docteur Whitehall, dicovery requires experimentation. Heureusement, nul besoin d’aller charcuter comme ce docteur fou de l’univers de Marvel, l’expérience sera uniquement sociale.

Quand Kaulen avoue que le risque de cette fameuse poignée de main est une châtaigne, Alenna le regarde… et, bien malgré elle, lâche un petit soupir. Sans blague, si rencontrer une collègue fait qu’il risque de filer des coups de jus, qu’est-ce que c’est censé donner sur le terrain ? Une situation un peu tendu, comme devoir tenir en sous-nombre face à des Nocturnes, ça fera quoi ? Il explose ? Et le jour où sa collègue se retrouve salement blessée et hors combat, il va l’électrocuter malgré lui en voulant faire les premiers secours ? Il va y avoir du boulot…
Très vite, la chasseuse se reprend et sourit.

- Okay. Ça m’aide à mieux cerner le problème.

Et elle prend la main de Kaulen, celle-ci étant enfin tendue. Effectivement, elle prend un coup de jus au moment du contact, comme si elle avait touché un fil de clôture électrifié, mais ne bronche pas. Elle serre la main, pas plus fort qu’il ne le faut, mais on sent sa poigne. Une poignée de mains, c’est censé être franc et ferme, selon Miss Lockhart.
Enfin, elle relâche la main de son collègue et lui indique la table où elle était installée.

- Viens ! Assieds-toi. Tu vas me parler un peu de toi, de ton pouvoir, de tes expériences… J’avoue pas avoir tout compris en lisant ton dossier.

Montrant l’exemple, la jeune femme va s’asseoir. Une fois son binôme installé, elle frappe dans les mains, souriante.

- Alors ! Explique-moi tout.

Elle avait prévu par la suite un petit entraînement au combat, ne connaissant rien de mieux qu’une franche bastonnade pour nouer des liens avec ses collègues – hormis, bien sûr, une opération tendue sur le terrain –, mais la chasseuse commence à revoir son programme. Si Kaulen est aussi électrique quand il est tendu, mieux vaut attendre un peu avant de se livrer à ce genre d’exercice. Sinon, ce serait le festival de la châtaigne… Et, ressortant de convalescence, Alenna ne tient pas à y retourner suite à un bête accident. Il faudra y aller plus subtilement pour mettre à l’aise le bonhomme.

**Invité**

Un coéquipier vaut mieux que deux tu les aurasAlenna & DeveryLe soupir. Sûrement une des expressions du non-verbal les plus franches et décodables. Pas besoin d’un dictionnaire pour décrire ce que devait penser Miss Lockhart de ces aveux : c’était sans nul doute pitoyable et très décevant. La voici affublée d’un partenaire qui semblait probablement à ses yeux plus dangereux qu’efficace. Cependant, la jeune femme vint serrer la main que Devery lui tendait nerveusement, et si ce dernier sentit un tout léger picotement lorsque les épidermes se frôlèrent, le léger et inévitable tressautement de la main d’Alenna trahit le coup de jus qu’elle venait de subir. Malgré tout la poigne se fit franche par la suite, et le garçon la lui rendit. Le pire était passé, fort heureusement les coups de jus de ce type ne duraient qu’une fraction de seconde, et avec un peu de chance ne se réitéreraient pas au prochain contact physique.

L’altération vint enfin s’asseoir sur la chaise que lui désignait sa nouvelle et digne collègue, passant sa main dans ses cheveux une fois de plus. Il était temps de rattraper la casse et de faire bonne impression, et Alenna essayait de lui en laisser l’occasion… toujours avec son sourire chaleureux.

« Et bien… sur moi y’a pas grand chose à dire que vous ne savez pas déjà. J’m’appelle Devery et… mon don est classé dans l’électrokinésie. Le contrôle de l’électricité du coup, mais au sens large, pas que celui des fils électriques. ‘savez… notre monde tout entier fonctionne avec des courants électriques, que ça soit l’électricité statique ou les influx nerveux. Enfin j’suis pas capable de générer des orages, bien sûr ! J’ai besoin d’une source déjà présente à proximité. »

Distraitement, il désigna les multiples prises dans la pièce, les lampes au plafond, la machine à café, le micro-onde, la pendule digitale au mur, le téléphone de la jeune femme… ils étaient entourés de sources électriques.

« Plus personnellement, j’peux améliorer mes propres réflexes, mais bon ça a évidemment ses limites, je reste « humain » d’une certaine manière. »

Après une courte réflexion, le garçon décida pour le moment de passer sous silence le fait qu’il était en mesure de griller le cerveau de quelqu’un ou lui provoquer un arrêt cardiaque. Si la demoiselle était calée en physionomie elle pourrait peut-être d’elle-même faire le rapprochement, sinon… ça pouvait sans nul doute se révéler être un peu effrayant comme capacité. Qui pouvait prétendre pouvoir tuer d’un simple contact ? Surtout qu’il venait de lui mettre un coup de jus, et ça n’avait probablement pas dû la mettre en confiance sur sa maîtrise de ses dons et de lui-même.

« Quant aux expériences…. Ça pourrait vous paraitre étrange, mais en gros j’ai toujours fait ça : chasser les altérations. On m’a formé pour quand j’étais jeune. Donc je connais pas mal le boulot on va dire. C’était… particulier à Réversa, y’avait pas ce genre d’organisation. Bref, j’ai intégré le CAA dans les premières vagues de recrutement. »

Il haussa légèrement les épaules, pensif.

« J’suis pas le genre d’équipier trop chiant. Je fais le boulot qu’on me demande, et j’m’applique pour qu’il soit fait au mieux. C’est un peu la routine on va dire. »

Avec du recul, ces explications n’étaient sans doute pas les plus rassurantes du monde, mais il n’en avait pas du tout conscience. Sa vie était ainsi, il avait toujours agi de cette façon sans jamais réellement remettre en cause l’ordre des choses.

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Manipuler l’électricité, okay… Effectivement, ça, Alenna s’y attendait. Le seul élément inédit, c’est la possibilité d’accélérer les réflexes de l’Altération. Ca, c’est quand même chouette. Bon, l’électrokinésie aussi, mais s’accélérer soi-même, c’est un peu la fonction secondaire qui fait cool. La seule grande question est la suivante : manipuler l’électricité, d’accord, mais dans quelle mesure ? Faut-il un contact avec l’appareil, la source électrique ? Ca, c’est la question numéro 1.
La question numéro 2, sûrement plus gênante, vient avec la suite de l’exposé de Devery. A priori, on a une Altération qui a été élevée (le mot est dur et remplace la personne par un chien, mais à l’entendre c’est l’idée que ça donne) pour chasser des Surnaturels. Donc aucune motivation particulière, aucun engagement personnel… pas étonnant que le dossier indique qu’il faille le surveiller !

Avec cette constatation, les réponses germent d’elles-mêmes dans la tête de la chasseuse. Aussi monstrueux que cela soit, on a fait de ce jeune homme une bête de chasse. Une bête qui, vu son stress et son histoire, ne devait être habituée à répondre qu’à la menace.
Altération potentiellement instable. A abattre en cas de perte de contrôle.
Traiter Devery comme une personne normale est-elle une bonne idée, finalement ? Est-ce que ça ne romprait pas l’équilibre instauré, est-ce que ça ne remettrait pas en cause un engagement basé sur l’habitude et la menace ? Est-ce que ça ne reviendrait pas à une « perte de contrôle » ?
En son for, Alenna commence à réviser sa façon d’aborder le sujet. L’air beaucoup plus sérieux qu’au début, elle écoute, acquiesce, considère, laissant un silence s’installer. Après une longue réflexion, un mutisme de bien deux minutes, la jeune femme, sans quitter son collègue des yeux, pose sa main droite sur le dossier Kaulen, le fait pivoter pour le mettre à l’endroit pour Devery, et le fait glisser vers lui.

- « Altération potentiellement instable, à abattre en cas de perte de contrôle », dit-elle en fixant son vis-à-vis. De quoi parle-t-on exactement ?

Si Alenna a vu juste, la réponse à cette question est un engagement chancelant, qui n’a rien à voir avec des convictions personnelles. Davantage perçu comme une arme que comme un homme, Kaulen risquerait donc de retourner sa veste au moindre signe de faiblesse. Miss Lockhart s’imaginait bien que son coéquipier suivait plus par peur que par amour, mais elle était loin de penser que la peur du châtiment était la seule et unique motivation dans son travail… or, cela semble être le cas.
Attentive, la chasseuse guette plus les réponses silencieuses qu’orales. Les mimiques, la main qui s’égarerait dans les cheveux et qui semble signe de malaise chez Devery, la lueur dans les yeux et s’ils sont fuyants ou non… S’il cache volontairement la raison de ce danger, alors la réponse principale viendra davantage de son attitude que de ses mots.

**Invité**

Un coéquipier vaut mieux que deux tu les aurasAlenna & DeveryEn peu de temps, le silence au sein du mess de la CAA s’était alourdi. Face aux explications peu communes de Devery, l’expression d’Alenna avait gagné en sérieux voire même s’était fermé. Le jeune homme ne s’attendait pas particulièrement à mieux, malheureusement pour lui il avait l’habitude d’éveiller ce genre de réaction lorsqu’il parlait de lui. Son pouvoir n’était pas anodin, et son parcours ne le semblait pas non plus aux yeux des Bristoliens. Comment auraient-ils pu comprendre ? Ils n’avaient jamais connu le chaos de Réversa, et si à leurs yeux la situation actuelle était ingérable, c’était ridicule comparé à la violence qu’avait connu l’ancienne ville autrefois.

Silencieux, le regard un brin fuyant, Devery attendait le verdict de sa nouvelle collègue. Il avait totalement conscience que ces premières minutes seraient déterminantes pour une grande partie de leur relation. Fort heureusement, cette jeune femme semblait plus ouverte d’esprit que son précédent coéquipier et il ne désespérait pas quant au fait que les choses puissent évoluer. En bien ou en mal.
Au bout d’interminables secondes, la sentence tomba alors qu’Alenna fit pivoter son dossier, pointant là le point le plus litigieux de celui-ci. Le garçon pinça les lèvres à sa question alors que cette dernière le fixait. Il était évident qu’il ne savait pas trop quoi lui répondre, ou comment formuler la dite réponse… mais peut-être était-ce préférable de la mettre directement au courant, ne serait-ce que pour sa sécurité et celles d’innocents qui se trouveraient au mauvais endroit au mauvais moment.

« Et bien… » commença-t-il sans trop oser le regarder. « Comme je disais je reste humain. Une utilisation excessive de mes dons ça fait pas toujours du bien, ça reste de l’électricité. Savez… genre mettre les doigts dans une prise ou vous prendre un éclair, pour vous ça peut vous crâmer ou faire un arrêt cardiaque ? Bah moi j’emmagasine on va dire, mais ça peut faire des courts-circuits. »

Conscient que l’explication était loin d’être claire, il leva un bref instant les yeux vers elle en reprenant.

« En somme… ça pourrait me donner un comportement inhabituel, ou me rendre dingue. Et croyez-moi, j’y tiens pas plus que vous. Et c’est jamais arrivé. Tout au plus j’me souvenais plus de ce qu’il s’était passé, ou j’deviens… j’saurais même pas dire en fait. »

Quitte ou double. Soit Alenna serait rassurée en ayant imaginé pire, soit ça la braquerait un peu plus et compliquerait leurs futures opérations.

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Une dizaine de secondes. C’est le temps qu’il faut à Devery avant de répondre. Une dizaine de secondes de pincement de lèvres et de regard fuyant, regard qui ne se stabilise guère avec les mots. Si tel avait été le cas, si le jeune homme avait répondu ainsi du tac au tac, sans ciller, regardant Alenna droit dans les yeux, alors celle-ci n’aurait pas douté que c’était l’unique vérité, et elle en aurait été grandement soulagée. Si le seul problème est d’éviter une surchauffe, pas de souci ! Si des chasseurs cent pour cent humains peuvent se battre contre les Surnaturels, alors les dons peuvent n’intervenir qu’en cas de situation catastrophique. Pas besoin de l’utiliser tout le temps donc, et ça limite les risques de péter un fusible.
Seulement voilà, Devery a pris le temps de bien formuler sa réponse, l’a donnée sans grand aplomb… Dès lors, quel crédit apporter à cette réponse ? Elle semble pataude, et n’apporte rien sur la nature de l’engagement de l’Altération. Soit l’instabilité n’a donc rien à voir avec l’allégeance, soit le jeune homme cache quelque chose.

- Et du point de vue de tes convictions ?, demande Alenna, décidant d’approfondir. Je vais parler franchement et crûment, mais à entendre ton histoire et vu comment tu réagis, tu me donnes l’impression d’une personne qu’on a forcée à se battre et qui ne le fait que parce qu’elle a plus peur de son maître que de ses ennemis.

La jeune femme prend une bonne inspiration. Elle décide de jouer franc jeu, parce que ça lui a toujours plus ou moins réussi et que de toute façon elle ment aussi bien qu’une palourde. Encore que l’imperturbabilité d’une palourde doit la rendre bonne menteuse…

- Si c’est le cas, alors je veux pas de toi en coéquipier. Parce que je veux un coéquipier, justement. Pas un…

La main droite de la chasseuse se met à vaguement mouliner à la recherche de mots, tandis que les yeux marron fixent toujours Devery.

- Pas une espèce de sous-fifre ou je ne sais quoi qu’il faudrait terrifier pour avoir son aide et pas se faire planter au premier revers. Je sais pas comment fonctionnait ton précédent binôme, mais s’il faisait comme ça, j’ai pas envie de faire pareil. Je suis une collègue, pas un garde-chiourme.

Cela dit, Alenna croise les bras.

- Alors ? La nature de ton engagement ?

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