Ljena Strakosha

Me révéler… J’ai beau me regarder dans le miroir… Je ne sais pas qui je vois. Je ne sais plus. Suis-je encore la même ? Sûrement pas. N’importe qui changerait de caractère après avoir subi ce que j’ai subi. Avant… Avant j’étais innocente. Pure et innocente, oui… Je dirais que c’est ce qui a essentiellement changé chez moi. Mais lorsque l’on se prostitue… Comment rester innocente ? Impossible, malheureusement. J’étais ambitieuse. Je voulais devenir chirurgienne cardio-thoracique. Je voulais sauver des vies, me sentir utile. Mener des recherches, inventer des nouvelles techniques de chirurgies, faire des miracles. Je n’étais pas arrogante, je ne me vantais pas. Je voulais juste réussir, je rêvais ma vie. Une douce utopie. Viser la lune, peut-être réussir à la toucher du bout du doigt. J’étais ambitieuse, mais j’étais timide. Ma famille savait ce que je faisais en études, ils savaient que je voulais devenir chirurgienne, mais ils n’ont jamais su à quel point je voulais aller. Je ne parlais pas beaucoup de moi. Je m’occupais surtout des autres. Enfin… Quand je le pouvais, quand c’était dans mes cordes… Je n’étais pas très téméraire lorsqu’il s’agissait de combat. Je pense notamment à ma mère. Battue à mort par mon oncle. Evidemment que je le savais. Mais que pouvais-je faire réellement, face à un lycan quatre fois plus âgé que moi, cent fois plus fort que moi ? Rien… Je n’avais que quatorze ans… Mais sa mort me ronge de l’intérieur. Je m’en veux, même si je sais que je n’aurai rien pu faire.

Et maintenant ? Où est l’ambition ? Je crois qu’elle est toujours là, mais qu’elle a changé de but… Chirurgienne ? Non… Maintenant, tout ce que je veux, c’est être libre, vivre ma vie. Plus de prostitution. Et pourtant… Je ne sais plus ce que je sais faire, je me sens perdue. Faible ? Manipulable. Je l’ai toujours été je crois. Trop naïve certainement, cherchant à voir le bien en chacun. Pourtant, Dieu seul sait comment je hais ceux qui m’ont utilisée, qui ont vendu mon corps.

Lorsque je me regarde aujourd’hui dans le miroir… Je ne vois qu’une fille torturée. Je sais que ce n’est pas tout le temps ce que je dégage. J’essaie du moins de voir le bon côté de chaque chose, toujours. L’optimisme. Surtout aujourd’hui que je suis libérée de cette emprise néfaste. Je reste prudente, je sais qu’ils peuvent me retrouver. Tout comme le CODECS.

Je ne sais pas encore à quel point ces dernières années m’ont affectée, niveau sentimental. Je ne saurai le dire que lorsque j’aurai l’occasion d’éprouver des sentiments. J’ai l’impression que je ne laisserai plus aucun homme me toucher, et pourtant… Je ne sais pas. Quelque chose me dit que je pourrais réagir complètement différemment de ce à quoi je m’attends. Je n’en sais strictement rien. Perdue, je vous dis. Cassée. J’essaie de redevenir moi. Mais je ne retrouverai jamais cette innocence perdue. La timidité a disparue. Je souris, mais je me sens seule…

   

Je suis née le matin du 28 Février 1994. Première fille après avoir eu deux garçons, autant vous dire que je faisais la joie des parents. Ils décidèrent de m’appeler Drita, symbole de la lumière, et du soleil qui régnait haut dans le ciel ce jour-là. Ma famille est légèrement spéciale…  Je l’ai compris lorsque j’étais en âge de comprendre ce qu’il se passait. Mais tout ça me semblait tout à fait normal, étant donné que j’avais grandi avec. On pensait que notre famille était bénie, ou maudite, je ne sais pas trop. Toujours est-il que les hommes de la famille pouvaient se transformer en loups. Pas tous. Un de mes deux frères n’était étrangement pas doté de ce don ; Arbën, l’ainé. Nous n’avons jamais su pourquoi, ni comment ce don se perpétuait vraiment. Mon grand-père, mon père, mon oncle, et mon frère cadet, Dushkan. Aucune femme. Je savais donc que jamais je n’aurai ce pouvoir, de me transformer en loup. Mais à bien y réfléchir… Je ne le voulais pas spécialement. Lorsque je voyais la souffrance qu’ils enduraient à chaque fois… Non merci. Ce n’est pas pour moi.  

Nous étions heureux… Et puis tout à basculé, ce jour-là. Papa est mort, alors que j’avais dix ans. Une crise cardiaque. Et la mort de grand-père a suivi, pas longtemps après. Quelques mois je crois. Je ne m’en souviens pas très bien. Mais je me souviens que ce sont les villageois qui l’ont tué, prenant peur du grand loup devant eux. Je suis sûre qu’il ne leur voulait pas de mal… Si grand-père était encore là… Rien de tout ce qui suit se serait passé je pense. Papa non plus ne l’aurait pas admis. Peut-être que je les mets sur un piédestal, que je ne me rendais pas compte de tout parce que j’étais petite, mais pour moi… Je les admirais, et je les aimais. J’ai toujours été plus proche de mon frère Dushkan, il a toujours pris soin de moi, à l’époque. Arbën s’occupait moins de moi, il était plus vieux, plus indépendant.

Nous avons passé deux ans à peine, seuls, tous les trois avec maman. C’est en 2006 que mon oncle Dardan, loup lui aussi, revient pour, je le croyais à l’époque du moins, prendre soin de nous. Il nous emmena avec lui, à Tirana, et il épousa maman quelques mois après notre déménagement. J’ai appris plus tard, que c’était contre son consentement. Elle n’aurait pas du se laisser faire mais… Nous ne sommes que des femmes. Nous ne sommes pas des louves, nous. Nous ne pouvons rien contre eux. Oncle Dardan était violent. Très violent. Je le savais, je le voyais. Je voyais les bleus, les ecchymoses sur le corps de maman, je n’étais pas idiote. Mais je ne disais rien, parce que ça ne servait à rien. Et j’avais peur. Peur qu’il me fasse la même chose, il en aurait été capable. Je l’ai vu battre Arbën, alors qu’il essayait de protéger maman. Alors j’avais décidé de me mettre des œillères, de faire comme si je ne savais pas. Dushkan était toujours là pour moi, nous étions proches. Très proches. Il était là pour me protéger, si bien que Dardan ne leva jamais la main sur moi.

Maman a tenu deux ans. Une chute fatale… Ou un coup de trop plutôt… Je croyais qu’on était au plus bas, après tout ce qui nous était arrivés. Mais j’allais m’apercevoir plus tard que la descente aux enfers n’était pas finie. C’est à peu près à ce moment là qu’Arbën décida de partir de Tirana, pour aller en Italie. Je crois. Dushkan ne m’abandonne pas. Nous vivons toujours avec notre oncle, qui a la main mise sur nous. Mon frère travaille avec lui, au garage. Moi, je me suis mise en tête de devenir chirurgienne cardio-thoracique. La meilleure de tous. J’ai donc commencé mes études. Ce n’est pas simple, mais je m’en sors plutôt bien. J’aime apprendre, et j’ai l’impression de ne jamais en avoir assez. Pourtant, la formation de médecine est dense, très dense. Je me plonge tellement dans mes bouquins de cours, que je ne remarque pas du tout ce qui se passe dans mon dos. Le trafic que faisaient mon oncle et mon frère.

C’est en 2016 que tout bascule pour moi, que je me rends compte de tout. Je rentrais de cours, tranquillement, lorsque des hommes m’ont kidnappée. Les hommes de main de mon oncle. Ils m’emmenèrent dans un pays que je ne connaissais pas, mais dont je connaissais la langue, que j’avais apprise à l’école : l’Angleterre. Bristol, plus précisément. Dushkan n’était pas là. D’après les hommes de main de mon oncle, c’est de la faute de mon frère si je suis ici. Il bosse avec Dardan, dans un trafic de prostitués. C’est de sa faute si je vais me retrouver, moi aussi, à me prostituer, et il ne viendra pas me sauver. Non… Je ne veux pas les croire. Ce n’est pas possible, Dushkan ne ferait jamais ça. Ils disent ça pour me faire du mal, me casser, mais ce n’est pas possible.  Le cauchemar commence pour moi. J’enchaine les rendez-vous, les hommes me touchent, pour la première fois. Je vomis de dégoût, après chaque rencontre. Les autres filles sont là pour m’aider. Les jours passent, les semaines aussi. J’apprends soudain que mon oncle est mort. Tué par Dushkan. Un espoir se glisse en moi. Bientôt la fin du calvaire ? Alors… Dushkan cherche bien à me sauver, ils m’avaient bien menti ? Le temps continue à passer, mais toujours pas de nouvelles de mon frère. Je commence à croire qu’il a abandonné, qu’il m’a oublié peut-être. Les rendez-vous continuent à affluer. Les hommes de main de mon oncle m’envoyaient toujours en première, les autres filles avaient moins de rendez-vous. J’avais fini par presque accepter cette nouvelle vie. L’envie n’était évidemment jamais là, je me forçais toujours. Mais je ne vomissais plus, je faisais le job, et voilà. Je voulais juste éviter les réprimandes douloureuses des hommes de main de mon oncle.

C’est d’ailleurs comme ça que j’ai découvert mon don. Une des filles avait osé tenir tête à un de nos « supérieurs », il ne l’a pas loupée… Cherchant à la soigner à l’aide de compresses et d’antiseptique, ma main s’est posée sur une de ses blessures, sans faire exprès. J’ai senti une douleur, suite à laquelle j’ai retiré de suite ma main. Plus de douleur. J’ai essayé à nouveau. Douleur, mais je voyais sa blessure guérir petit à petit. Heureusement, je savais que je pouvais faire confiance aux filles, que nous pouvions compter les unes sur les autres. Je ne savais pas ce qu’il venait de se passer, ni pourquoi je pouvais faire ça. Mais à vrai dire… Les hommes de ma famille peuvent se transformer en loups… Peut-être que les femmes ont leur pouvoir spécial aussi. Je savais que les filles ne me trahiraient pas, qu’elles n’allaient rien dire. Mais les hommes de main de mon oncle ont fini par le découvrir tous seuls… Evidemment, ils étaient ravis de savoir que je pourrais les soigner après leurs multiples agressions. Mais je ne peux soigner que les blessures superficielles. Les égratignures. Heureusement pour moi, vu la douleur que la guérison occasionne chez moi. Surtout qu’ils s’en foutent, je pourrais crever en les soignants, que ça ne changerait pas grand-chose pour eux…

Bordel… J’attendais des nouvelles de Dushkan, j’attendais qu’il vienne me délivrer… Mais… Les hommes de mon oncle m’ont dit que Dushkan était mort, en essayant de les attaquer. Est-ce que je dois les croire ? Et en même temps… S’ils me mentaient… Pourquoi Dushkan n’est pas là, à me sortir de ce trou ? Non… Je ne peux pas croire que Dushkan aussi soit mort… Pas lui… J’ai tout perdu, alors ? Il reste encore Arbën, mais… Je ne suis même pas sûre qu’il soit au courant de ce qu’il se passe… Et il ne s’est jamais occupé de moi comme Dushkan l’a fait… L’espoir s’échappe. Mais l’envie de partir d’ici ne part pas, elle.

J’entends soudain des bruits de couloir. Je ne sais plus de quand ça date. Vers fin août ? Fin septembre ? Je ne sais plus, je perds la notion du temps depuis que je suis avec eux. Il paraitrait qu’une ville non loin de la notre abrite des créatures surnaturelles. J’entends parler de lycans, de vampires entre autre. Je vois bien que nos gardiens ont peur. Ils parlent de partir, au plus vite. Ils veulent nous bouger, nous changer de coin. Ils font appel à un mec. Il nous fait des faux papiers. Heureusement pour nous, il est de notre côté, il se joue des mafieux. J’ai mon ticket de sortie. Nouvelle identité. Ljena Strakosha ? Très bien, je me voyais mal porter un nom anglais, avec mon accent persistant. Ljena et Drita ont la même signification en plus. Lumière. Oui, je l’aperçois la lumière, au fond du tunnel. J’attends le bon moment. Cette panique créée par cette Révélation aurait pu l’être. Mais je n’ai pas réussi. J’ai essayé, une fois. Mais c’était trop dangereux, ils nous avaient trop à l’œil. Alors j’attends. J’écoute les bruits de couloirs, encore. J’entends parler d’aberrations, et d’altérations. Ah, je n’en avais pas encore entendu parler de ça. Des humains, avec des dons ? Je regarde mes mains. Est-ce que c’est ce que je suis ? Comment ? Pourquoi ? Je comprends qu’il vaut mieux que je me taise sur ce don, si j’arrive à sortir d’ici. Je ne sais pas exactement ce qu’il advient de ces personnes mais… Je ne veux pas risquer d’être à nouveau enfermée si j’arrive enfin à partir. Des opposés ? Ça aussi, c’est nouveau. Des êtres qui seraient liés ? Comment ça ?! Je n’en entends pas plus, mais ça m’intrigue. Il faudra que j’essaie d’en savoir plus. Cette ville, qu’on a découvert il y a maintenant quelques mois m’intrigue. Le monde extérieur m’intrigue. Les hommes ne parlent plus de partir finalement… Enfin, ils ont l’air moins pressé. Apparemment le gouvernement a pris en charge leur peur… Il va falloir que je trouve autre chose pour m’échapper…

Finalement, la solution s’est imposée à moi, sans le vouloir. Nausées matinales, odorat développé et plus sensible… Je ne vous fais pas de dessin… Evidemment, hors de question de le garder. L’avortement s’impose. Et j’y vois un moyen de m’échapper. J’emmène discrètement mes faux papiers avec moi, et un homme m’amène à l’hôpital. Le médecin me demande si mon choix est définitif. Je hoche la tête sans rien dire. Heureusement, il ne pose pas de question sur l’homme qui m’accompagne, et qui attend derrière la porte. Je ne veux pas que la justice s’en mêle. Le docteur se charge de l’avortement, et indique qu’il vaudrait mieux que je reste ici pour la nuit, ce qui m’arrange…

J’attends que la nuit tombe, et j’entrouvre la porte. Comme je m’y attendais, le gorille s’est endormi. L’intelligence, c’est pas leur truc. Je m’habille, prends mes affaires, et sur la pointe des pieds, retenant mon souffle devant lui, je me presse de m’éloigner. Une infirmière me tombe dessus. Je me mords la lèvre, et je lui indique que tout va bien, que je peux sortir. Elle semble hésiter, ne veut pas me laisser partir. Je lui signe une décharge, et sors de l’hôpital aussi vite que possible. Et maintenant ? Je me retrouve seule, dans une ville que je ne connais finalement pas tellement, avec juste des faux papiers. Je vais où ? Je fais quoi ? Quelle idée d’agir sans réfléchir… Il fait nuit… Je pourrai croiser un de ces vampires, ou lycans dont j’ai entendu parler ? Je ne sais pas trop ce qu’il en est… Je m’éloigne en tout cas de l’hôpital, pour plus de sécurité, et prends un instant pour regarder les étoiles, malgré la douleur qui se fait sentir dans mon bas ventre... Je regarde la lune. Elle n’est pas pleine, elle est belle. J’aime ce croissant qu’elle forme, comme un sourire. Elle est cette lumière qui guide mes pas. Me voilà libre. Seule. Sous une fausse identité. Mais libre. Ljena. Je m’appelle Ljena Strakosha. Drita n’existe plus.
 

Pseudo et âge: Tala, 25 ans  

  Comment as-tu connu le forum? C'est ma deuxième maison...    

   Qu'est-ce qui t'a convaincu de t'inscrire? Un lycan... L'albanais là... Et la nostalgie xD

  Depuis combien de temps fais-tu du RP? Je sais plus.... Plus de dix ans (ça rajeunit pas tout ça...)

  Fréquence de connexion: En ce moment, c'est très variable x.X

  Un commentaire?