Donovan A. Langston ~ Now that's a rich son of a lie

I. CHAPTER ONE ~ Birth of lies

« Regarde comme il est beau… Vous avez les mêmes yeux, Harvey, tu ne trouves pas ? »

L’homme serra doucement la main de sa fiancée et se pencha sur le berceau, ses prunelles bleues figées dans celles du nouveau-né, qui gigotait insouciamment, innocent. Le petit Donovan ignorait tout du mensonge perfide de cette femme qu’il appellerait plus tard maman, Melita, la belle brune aux yeux verts qui lui souriait en cet instant. Le blond qui le regardait dans les yeux et qui venait de répondre, ébahi : « Ouais… Ouais, t’as raison. Incroyable ! », l’ignorait aussi. Le détail des yeux était quand même assez impressionnant, avouez. Mais vous vous trompez si vous croyez que la jeune femme a fait exprès. Eh non, cela avait simplement été un coup du hasard. A vrai dire, même si le petit avait eu des yeux différents, elle aurait sûrement trouvé un autre détail commun entre père et fils, là n’était pas la question. La Méditerranéenne savait qu’elle ne pouvait se permettre de dire la vérité à Harvey ; il n’y avait pas de retour en arrière après ce qu’elle avait fait. A travers une amie infirmière à l’University Hospital, la jeune femme avait appris que l’une de leurs chirurgiennes venait d’avoir des jumeaux et qu’elle n’en voulait garder qu’un. Rose Peterson avait certainement ses raisons, la brune ne les connaissait pas et ne voulait pas en savoir plus. Indigne ou pas, l’opportunité était parfaite, alors que Melita était à Bristol avec Harvey et qu’elle avait besoin de s’assurer au plus vite que l’aristocrate ne la quitterait pas pour une autre. La survie de la renommée et, surtout, du style de vie des Cassar dépendait de ce mariage avec le Bristolien. Alors elle n’avait pas hésité. Aucune des deux femmes n’avait hésité. Elles savaient toutes les deux que ce deal était irrévocable, et qu’une fois le paiement effectué, aucun remboursement ne serait plus possible. Une décision avec laquelle elles allaient devoir vivre pour le restant de leurs jours.

II. CHAPTER TWO ~ Pretending everything’s alright

Les années s’écoulèrent paisiblement. Harvey avait cru au déni de grossesse qui avait mené à l’accouchement inattendu – accouchement qui avait été feint par Rose et deux ou trois collègues qui en devaient une à leur cheffe, sans doute – de Melita à Bristol. A croire que ce petit cirque avait été suffisamment convaincant... Puis il faut dire que le Britannique était réellement ravi d’avoir un fils, même s’il ne s’y attendait pas le moins du monde. Autant dire que cela l’avait forcément rendu encore plus aveugle. En tout cas, le Langston tomba sous le charme de cet enfant qui avait soi-disant hérité de ses prunelles. Comme s’ils étaient effectivement tout à fait liés par le sang, la complicité entre les deux se développa encore davantage tout au long de l’enfance et l’adolescence de Donovan, et notamment lorsque le jeune homme s’est découvert un don, comme son paternel. Melita, de son côté, aimait aussi le petit, auquel elle s’était énormément attachée, comme si c’était le sien. Même si elle devait maintenant vivre avec ce lourd secret, elle ne regrettait rien, désormais qu’elle avait tout ce qu’elle avait toujours désiré : un mari qui l’aimait, un enfant qu’elle adorait et une vie stable et aisée, passée entre la demeure familiale parfaitement restaurée à La Valette et les autres maisons de vacances à Malte ou en Angleterre, sans parler du manoir Langston à Bristol, évidemment. Cela dit, revenir à Bristol la stressait toujours un peu. Comme si, tout d’un coup, quelqu’un pourrait venir la démasquer et détruire sa vie parfaite.

Donovan, en revanche, ignorait tout des doutes qui tourmentaient sa mère et se contentait juste de profiter de sa jeunesse, de s’amuser avec ses amis. C’était un enfant épanoui, vif, des rêves plein la tête et des cadeaux plein la chambre. Mais le jeune Langston était loin d’être un gamin pourri gâté, heureusement. Non, il avait conscience qu’il était un privilégié, qu’il avait de la chance d’avoir une famille aussi riche et qui le traitait comme un prince. Cela dit, ce serait mentir que de dire que son entourage et même la ville majestueuse et historique où il vivait ne l’influençaient pas d’une certaine manière. La preuve, Donovan s’est toujours intéressé, depuis tout petit, à la beauté et à l’art, que ce soit à travers la musique, la peinture, le théâtre. Oh, il était nettement moins doué en dessin et peinture que son père, architecte, ou en chant et musique que sa mère, chanteuse lyrique, mais le petit Donovan n’en restait pas moins un véritable passionné d’art et d’histoire. Cela dit, il ne passait pas tout son temps entouré de livres et d’art. C’était quelqu’un de sportif, qui aimait la nature et la mer, et qui ne ratait pas une occasion de sortir avec potes pour aller faire du surf. En somme, c’était un adolescent normal, malgré sa famille anormalement riche. Normal… Jusqu’à ce qu’il se découvre un pouvoir lorsqu’il avait dix-sept ans. Ça, ce n’était pas normal.

III. CHAPTER THREE ~ Powerful, powerless

C’étaient les vacances d’été, ses précepteurs lui lâchaient enfin les baskets pour quelques semaines, tout comme ses parents. Il était temps pour lui de profiter du beau temps, de la chaleur, de la compagnie de ses amis. Découvrir un peu la liberté, vu que c’était ce que les gens de son âge étaient censés faire. Mieux encore : c’était le moment de voyager, de sortir un peu de son île… mais sans ses parents pour une fois. Une demande qui fit hésiter Melita et Harvey, même s’ils savaient que, tôt ou tard, Donovan allait bien finir par prendre son envol.

« Et tu veux aller où, alors ? »

« Bristol. Ça fait des années que j’y ai pas mis les pieds. Puis y’a oncle Kieran qui habite là-bas si jamais j’ai besoin de quelque chose, vous n’avez pas à vous inquiéter. »

Boum. Le mot Bristol suffit pour que les parents de Donovan pètent un câble. Melita ne voulait pas du tout que son fils s’y rende tout seul, de peur qu’il ne découvre certains secrets, tandis que Harvey craignait plutôt qu’il s’éloigne de Bristol et ne se rapproche un peu trop de Réversa et de ses dangers surnaturels. Par contre, le jeune homme ne comprenait pas pourquoi ils refusaient et la colère s’empara de lui. Il ne leur avait jamais créé de problèmes, alors pourquoi lui foutaient-ils des bâtons dans les roues ? Il était en colère, oui, et n’hésita pas à riposter, défiant son père comme jamais auparavant. Tellement que le don de Harvey s’activa malgré lui. Et ce n’était pas un don quelconque : c’était de l’électrokinésie, rien que ça. Ajoutez à cela la première manifestation du véritable don de Donovan, l’absorption de pouvoirs, et vous avez là un joli festival d’étincelles et de lampes brûlées. Dans un petit palais vieux de plusieurs siècles, eh oui. Pour un peu, ils ne foutaient pas le feu à la baraque… Autant dire que, tout à coup, le sujet de conversation venait de changer radicalement. Donovan ignorait qu’il avait un don, et ne serait-ce que Harvey en possédait un aussi. C’était donc le moment qu’ils en parlent, tranquillement, entre humains à don.

IV. CHAPTER FOUR ~ Finding the way

La découverte de son don avait effrayé Donovan, au départ. Il n’était qu’un gamin de dix-sept ans qui n’aspirait qu’à goûter à la liberté comme la plupart de ses amis. Il ne s’attendait pas à découvrir qu’il possédait le don de manipuler l’électricité, et encore moins à savoir qu’il était le descendant d’autres humains à don. Un pouvoir héréditaire, comme dans les films. Tout cela était grotesque, au point qu’il se demande s’il n’était pas un monstre.

« Rien de tel. T’es tout sauf un monstre. T’es un gamin extraordinaire et je t’aime, on t’aime plus que tout au monde. C’est juste un don que la Nature t’a donné, il ne faut pas avoir peur. Quand tu voudras t’entraîner ou simplement en parler, j’suis là. Par contre… n’en parle à personne d’autre que ta mère et moi. Ils ne comprendraient pas. T’as pas idée à quel point que j’ai eu du mal à expliquer tout ça à ta mère. »

Voilà. Quelques mots bien placés et le problème était résolu, le jeune Langston était rassuré et la crise était passée. En attendant, il ignorait toujours la vraie raison pour laquelle lui et son père avaient un don : Réversa et les expériences qui y avaient été menées au XIXe siècle. Cela viendrait plus tard. En tout cas, Donovan fit effectivement ce qu’on lui avait dit, gardant le secret sur son pouvoir et continuant quand même à mener sa petite vie sans grands soucis autres que ses études. Des études qui se dirigèrent naturellement vers l’Histoire, un sujet qui le fascinait énormément et qui justifia son départ à Rome pendant trois ans, puis trois autres encore, à Londres cette fois, alors qu’il se spécialisait en Histoire Médiévale. Son côté surnaturel quelque part mis de côté, le jeune homme voulait surtout aller de l’avant, vivre sa vie, comme n’importe qui d’autre. Ces expériences à l’étranger lui permirent de rencontrer plein de monde, d’apprendre énormément et, accessoirement, de s’éloigner un peu de l’aristocratie parfois étouffante de sa famille. Oh, pas qu’il n’ait pas les épaules pour assumer ses responsabilités en tant qu’héritier Cassar-Langston, mais la liberté avait un goût délicieux. Puis, comme ça il pouvait papillonner à droite à gauche, vivre des histoires d’amour plus ou moins longues sans qu’on lui parle de mariage et de bonnes alliances familiales – sa mère, notamment.

Tiens, pour l’anecdote, sa relation la plus marquante, assez brève mais intense, avait été, figurez-vous, avec une journaliste, à Londres : Karen Peters. Qui ça ? Eh bah, la femme qui deviendrait quelques années plus tard la petite amie de son jumeau, Joshua. Et aussi la mère de son neveu, Kenneth. Celle qui a été tuée par la suite, puisqu’elle avait fouiné là où elle ne devait pas. Raison pour laquelle elle avait laissé le bébé devant la porte de Josh, qui n’était même pas au courant de l’existence du petit. Eh oui, vous avez bien lu, c’est tordu. Si Donovan ne perd pas la tête avec toutes ces révélations, ça relèvera du miracle, franchement.

V. CHAPTER FIVE ~ Call it a revelation, part 1

Études terminées, Donovan décida qu’il n’était pas encore temps pour lui de rentrer à Malte. Non, il n’avait pas envie de retourner sous l’autorité de ses parents, même s’ils lui manquaient, tout comme son île natale. Il voulait encore profiter de sa liberté et aller vivre de nouvelles aventures, visiter de nouveaux pays, acquérir de l’expérience, avec des collègues et des amis. Ce ne fut qu’en 2013, après presque dix ans ailleurs, que Donovan prit la décision de rentrer à Malte pour de bon, désireux de renouer avec ses racines et de commencer un nouveau chapitre dans sa vie. Ambitieux, il réussit à obtenir un poste en tant que prof d’Histoire à l’Université de Malte, en profitant aussi pour se trouver un chez soi où il pouvait vivre librement, contrariant l’envie de Melita de le voir rester au manoir Cassar. Les années s’écoulèrent paisiblement, harmonieusement, avec des bons et des mauvais moments, avec des victoires et des défaites. Le jeune homme ne pensait plus vraiment à son don depuis un long moment, à ce qu’il pouvait faire avec. L’électricité, c’était dangereux, et il préférait ne pas s’habituer à utiliser son pouvoir s’il n’en avait pas besoin. Puis il fallait avouer que les entraînements avec son père n’avaient jamais vraiment été concluants, et la vérité était qu’il n’arrivait même pas à activer son don quand il n’était pas avec lui. Nul, hein ? Sûrement une question de nervosité, pensaient-ils. En tout cas, la Révélation de 2016 le prit par surprise, lui faisant comprendre pas mal de choses, non pas sur le don en soi, mais sur l’origine de celui-ci. Donovan ne fut pas ravi d’apprendre que ses parents lui avaient menti pendant tout ce temps, mais il finit par accepter, surtout lorsque son paternel lui raconta les origines sombres de Réversa et des expériences qui avaient mené à ces races surnaturelles et aux humains à don. En fin de comptes, Harvey avait voulu le protéger par-dessus tout, alors le professeur pouvait comprendre qu’il ne lui en ait pas parlé lorsque son don s’était manifesté pour la première fois.

VI. CHAPTER SIX ~ Call it a revelation, part 2

Il ne savait pas qui, il ne savait pas comment. Mais quelqu’un lui avait envoyé des documents. Des photos. Des photos de lui, avait-il cru, au départ. Sauf que non, il s’agissait de Joshua, Joshua et son fils. En plus des photos, un petit mot qui lui avait glacé le sang, une feuille blanche avec un message court, mais efficace : Demande à ta mère. Ton père et toi, vous avez le droit de savoir. Soit il s’agissait là d’une mauvaise blague, d’un sosie… Soit il avait bel et bien un jumeau dont il n’avait jamais entendu parler. Alors Donovan suivit la suggestion et posa la question à sa mère. Il ne mit pas longtemps à comprendre que c’était vrai. Ses yeux ne mentaient pas. Bien entendu, celle-ci chercha à nier l’existence d’un quelconque jumeau, mais le mensonge était trop lourd, impossible à cacher. Sous la pression de Harvey et Donovan, Melita finit par craquer et avouer la vérité : il n’était pas son fils biologique. Pire, elle avait payé une femme en échange de l’enfant. Et elle savait pour le jumeau. Le trentenaire n’en revenait pas. Sa mère, ou la femme qu’il voyait en tant que telle, était un monstre. Non, il n’en revenait pas, ce n’était pas possible ! Harvey non plus n’en revenait pas, au point de frôler un malaise. Lui non plus ne s’était douté de rien, apparemment. Et à peine si Donovan ne lui en voulait pas pour ça. Il n’aurait pas dû se laisser berner comme ça, bon sang ! Il aurait dû découvrir la vérité, plutôt que de construire sa vie sur un mensonge. Cette image de la petite famille parfaite et heureuse, maintenant qu’il y pensait, ça le dégoûtait profondément. Peut-être parce qu’ils l’avaient été, effectivement, alors que ça n’aurait jamais dû arriver, normalement. Donovan n’était que dégoût et colère en cet instant, il ne voulait plus les voir, que ce soit Harvey ou Melita. Il était injuste de les traiter tous les deux de la même façon, mais Donovan était hors de lui. Il était déchiré de l’intérieur, il avait l’impression de vivre un cauchemar éveillé. Il aimait ses parents… mais ils n’étaient pas ses parents, bordel. Tout cela n’était qu’un mensonge honteux. Malgré les larmes et la voix désespérée et suppliante de Melita, il n’allait pas rester une minute de plus dans ce foutu manoir. En fait, il ne comptait pas revenir, même pas pour Harvey, qui allait devoir régler ses comptes avec sa femme tout seul. Mais il s’en foutait, il n’allait pas rester là à les regarder. D’ailleurs, il ne comptait même pas rester à Malte. Il fallait qu’il trouve une façon d’entrer à Bristol, tout simplement. Il allait appeler son oncle, oui, voir si l’influence et les contacts de ce dernier pouvaient l’aider…

Et... oui, visiblement c’était bien le cas. Ce qui n'étonnait pas le trentenaire, à vrai dire. Comme par hasard (ou pas), un membre du Conseil du Renouveau venait de prendre la décision de quitter ce dernier, et une place, la place idéale pour quelqu'un avec son profil, s'était libérée. Quelques jours plus tard, après quelques entretiens à distance, merci les nouvelles technologies, la réponse était positive. C’était tout ce dont il avait besoin, l’occasion rêvée. Peut-être qu’il se précipitait en laissant sa vie maltaise derrière lui, en tournant le dos au couple qui l’avait élevé, et que dans le fond il aimait toujours profondément, mais il en avait besoin. La confiance avait été brisée, son cœur-même avait été réduit en morceaux. Il n’y avait plus de retour en arrière. Il allait donc débarquer à Bristol avec deux missions désormais : aider à redresser la situation délicate de la ville en intégrant le Conseil, et découvrir la vérité sur ses propres origines, ses parents biologiques, son jumeau décédé, son neveu. La vérité. Coûte que coûte.