"i bleed when i fall down" cass

Ce n’était pas toujours évident de s’occuper seul d’un enfant, il y avait des jours où une mère lui manquait, où il avait besoin d’une présence maternelle pour le rassurer. J’étais clairement beaucoup trop ancré dans une schéma, peut-être pas assez ouvert, ou tout simplement incapable d’assumer pleinement mon rôle. Je vivais de plaisir, j’essayais de lui inculquer ça, de profiter des choses, de ne pas vivre non plus dans le futil, dans l’inutile, mais il fallait croire que le soir, dans le noir, je n’en menais pas large par rapport à lui. Alors ma copine actuelle essayait, elle faisait de son mieux, mais quand elle, elle avait besoin de moi, je me débinais. Depuis toujours j’avais cette crainte de m’engager et de voir ma vie se réduire en cendre à cause d’un amour trop fort. J’avais perdu cet amour, au final je savais ce que cela faisait et aujourd’hui, elle était de nouveau là, comme un spectre hantant mon âme. Elle n’était plus morte. Et c’était plus terrifiant. Alors comment en aimer une autre quand le seul véritable amour que vous n’avez jamais eu était de nouveau là ? C’était impossible et cela causerait une nouvelle séparation. Je savais que je ne pouvais pas continuer ainsi, pour lui, pour son équilibre il avait besoin d’une mère, mais celle qui l’avait mit au monde avait-elle le moindre droit ? Je n’arrivais pas à me défaire de cette idée, celle que peut-être, elle était responsable, que peut-être elle n’avait pas voulu de mon fils. L’abandon était encore la pire des choses…

Relevant les yeux sur ce client aussi raciste, que pitoyable, je lui souriais, l’écoutant me faire part de chaque modification qu’il voulait apporter aux plans que j’avais pu lui faire pour sa stupide et démesuré maison. Ce repas d’affaire n’avait rien d'intéressant, pas plus que ce contrat. Aujourd’hui encore, mon fils avait fait des cauchemars et j’avais été loin d’assuré. Je m’étais contenté de sortir du lit pour laisser l’autre dormir, pour rejoindre mon fils et aller dans le salon pour regarder un énième épisode de Pokemon en mangeant des bonbons. Ca ne lui retirait pas ses peurs, mais ça prouvait que j’étais là non ? Relevant de nouveau les yeux il était évident que je n’avais rien compris, pourtant je lui souris, faussement, avant de me lever à cette fin de repas annoncé. Marchant avec lui jusqu’à la sortie, l’on échangea encore quelques mots, des rires sans intérêt, puis il partit en me laissant l’insulter dans ma barbe. Me retournant alors d’un geste, je percutais quelqu’un, assez violemment au point de la déstabiliser.

Rattrappant la femme, je soufflais sans avoir encore réalisé ce qui venait de se produire, ni d’à quel point le destin se jouait de moi, « Désolé, je ne vous avez pas... », pas vu… C’était presque ironique quand on savait de quel handicape elle souffrait. Silencieux, j’étais en pleine réflexion sur quoi faire, quoi dire. Fuir serait encore la meilleure des solutions, même si mon coeur ne semblait pas d’accord, ça éviterait bien des ennuies. Ramassant ce qu’elle avait fait tomber, je me contentais d’un, « Vos affaires. », presque neuf ans sans vraiment la voir et le mur que je pouvais dressé entre moi et les autres était en train de se reconstruire… Une construction déjà bien fissuré. Elle… Elle savait forcément. Secouant la tête, je reculais d’un pas déjà prêt à fuir.

L’odeur du chocolat était reconnaissable entre mille, tout comme sa chaleur particulière qui imbibé ma chemise. Je m’en fichais pas mal, en fait ce qui m’occupait le plus c’était bien elle, le fait qu’elle soit là, que mon esprit se questionne sur bien des choses. Pourquoi n’avait-elle pas été aux côtés de son fils. Si j’avais espéré pouvoir m’en sortir sans confrontation, sans avoir à me protéger de ce qu’elle pouvait me faire faire de part sa simple présence. Mais elle reconnut ma voix et visiblement les neufs années qui nous avaient éloignés l’un de l’autre n’avait pas renforcé sa colère. Elle semblait… Étonné ? Surprise ? Ca aurait été presque plus simple que le souvenir de ma tromperie soit encore frais dans mon esprit. Cela nous auraient peut-être facilité la vie. Elle n’avait aucun scrupule de parler, d’admettre qu’elle m’avait reconnu en sachant ce qu’elle avait fait ? Certes j’avais toujours en tête l’idée que cela puisse être une action de mes parents, ou volontaire de part cette nature qui l’avait forcé à se faire ritualiser. « Ce n’est qu’une chemise, blanche, passablement cher. » soufflais-je avec une ironie certaine.

Je ne savais pas comment réagir, je savais qu’elle était en vie, ce choc était passé depuis longtemps, mais la voir là, ici… Je la savais en ville, j’aurais pu la revoir, la chercher, mais je n’avais rien fait car je n’étais pas prêt à ça, car c’était… C’était difficile d’admettre que l’amour de sa vie dont on avait fini par faire le deuil était finalement encore en vie. Difficile, c’était le mot. « Ca se lave. » finis-je par admettre car je n’avais peut-être pas envie d’ouvrir les hostilités. « Heureux que tu sois en vie finalement. » soufflais-je finalement, conscient que cela n’aurait pas trop d’importance. J’étais gêné, pas forcément à ma place à cet instant. Je n’avais pas espéré lui reparlé, j’avais avancé seul, je n’étais pas irréprochable, clairement, j’étais pas le père de l’année, mais je m’en occupais et ce même si elle m’avait quitté, même si elle n’avait rien fait pour m’inclure dans sa grossesse. Me mettre entièrement de côté pour finalement abandonner son enfant, c’était pas stupide ? Décevant ? Je ne l’aurais pas pensé ainsi, en fait je n’arrivais toujours pas vraiment à l’imaginer ainsi. Mais pourtant, j’avais bien un enfant qui n’avait jamais connu sa mère à la maison. Un enfant qui devait vivre avec les démons de son père sans jamais trouver réellement de réconfort à ses côtés. Une présence oui, mais pas un appuie.

Je suppose que tout aurait été différent si je n’avais pas merdé avec le temps. Elle ne m’aurait pas quitté et il serait né dans un environnement stable. Seulement c’était admettre qu’un jour, l’on pourrait exploser en plein vol et laisser notre enfant subir les contrecoups de notre amour. C’était lâche finalement, car personne pouvait réellement prédire l’avenir, du moins personne n’aurait pu prédire ce que nous vivrons. Mais la crainte, celle de voir la créature que j’aimais le plus au monde sombrer, n’avait pas su me raisonner autrement. J’étais fautif, mais la colère de son abandon à elle m’empêchait sans doute de pouvoir l’exprimer parfaitement.

Mon fils, je pensais à lui et malgré tout les sentiments que j’avais pour elle, il ne justifiait sans doute pas que j’oublie son abandon. Elle avait donc failli mourir plusieurs fois, mais elle était là et visiblement ça l’étonnait que je la crois morte. Cette question m’arracha un rire somme toute glaciale, car elle se foutait de ma gueule. Qu’elle me punisse moi, oui, mais qu’elle abandonne notre fils en disparaissant de la surface de la terre… Alors oui, je voulais bien croire que c’était douloureux, j’en avais conscience et elle semblait s’en foutre complètement que la raison de son départ ne soit pas une excuse pour le reste. « Mes parents sont mort avec toute cette merde, j’ai du revenir... », enfin j’étais surtout revenu pour autre chose et maintenant qu’elle osait me prendre de haut et sous entendre que j’étais le méchant, je n’allais clairement pas laisser passer. « Je t’ai trompé, ok, mais ca veut pas spécialement dire que je ne t’aimais pas à en crever... », même si c’était illogique pour elle, je l’avais trompé avec quelqu’un que je n’aimais pas, juste une porte de sortie qui n’avait pas soulagé mon coeur.


« Toi t’as fait pire… » soufflais-je acide. « Pendant presque neuf ans je t’ai cru morte et j’ai du faire mon deuil. Parce que c’est moi qu’on a appelé ce soir là à l'hôpital. Mon père était là et… T’as fait la morte et tu m’as laissé tout assumer sans même te soucier un instant de nous. » continuais-je, tendu. Elle… Je ne comprenais pas comment mon père avait pu me mentir, mais je suppose qu’elle avait du bien cacher son jeu. « T’aurais pu être un cauchemar vivant que ça aurait été moins cruel que ça. » ajoutais-je. J’aurais été prêt à préféré un vampire, un loup, bref n’importe quoi qui n’implique pas qu’elle soit loin. Je n’aurais pas fait confiance, mais je n’aurais pas dû dire à mon fils que sa mère était morte et les questions, les peurs, elle aurait pu y répondre.

« Quoi que tu fasses ici, quoi que tu espères, t’as perdu tout tes droits le jour où t’es morte. », elle était là là colère, sourde, brutale, ignorant l’amour que je lui portais encore à cet instant. « J’aurais tout fait pour toi si j’avais su, je serais pas revenu pour le devoir, mais parce que je t’aimais Cass, maintenant, ce que je peux éprouver pour toi n’a aucune forme d’importance, je dois le protéger. », lui notre fils, mon fils en fait. Je n’étais pas le monstre de l’histoire, c’était bien elle et là… j’espérais sincèrement que ce hasard n’était pas autre chose qu’une coïncidence. J’espérais simplement ne pas tomber dans un énième piège. J’étais paranoïaque, surprotecteur sans doute, mais j’avais toutes les raisons du monde pour ça. Cette ville, ce monde, rien n’était normal et mon fils n’en serait jamais victime.

Soyons franc, je ne savais pas si elle me mentait en cet instant quand elle m’assura qu’elle n’était jamais morte, son décès n’avait jamais été prononcé et elle n’avait jamais su que j’avais été prévenu, ni que mon père avait été là. « Mon père était médecin. » répondis-je sans vraiment réfléchir à quel point on s’en fichait. Elle était désolée que j’ai pu apprendre pous sa grossesse, elle avouait l’avoir appris tardivement, peu avant l’accident. Le choc fut lorsqu’elle avoua avoir appris la perte de cette enfant à son réveil, ressentant comme un vide. Elle avait été anéantis, détruite et elle ne voulait pas revenir vers moi, elle n’avait pas voulu m’apprendre que j’aurais pu être père. Elle disait vrai ? J’avais du mal à y croire, mal à penser qu’elle avait pu faire ça, se laisser porter par une annonce, ou croire que j’aurais pu gober ça. Je refusais d’y croire encore, du moins jusqu’à ce qu’elle ne parle d’une lettre avec une clé que je n’avais jamais reçu… J’étais partis, pendant quelques mois j’étais partis, mes parents gardaient tout et…

Elle n’avait pas simulé sa mort, elle ne comprenait rien à mes reproches ? Je pouvais être en colère que je reconnaissais quand même la vérité. J’avais toujours su quand elle mentait, c’était mignon à l’époque et là… « Je crois qu’on nous a menti à tout les deux. », du moins j’espérais, j’espérais vraiment qu’elle n’était pas en train de me mentir. Qu’elle n’était pas en train de me manipuler. « J’espère que tu ne me mens pas Cass… J’espère vraiment. », soufflais-je avant de prendre l’initiative de lui saisir la main en étouffant un frisson. Ca faisait longtemps que je ne l’avais pas touché, longtemps que je n’avais pas sentis sa chaleur. Arrivant à un petit banc, je la laissais s’assoir, car il n’était pas question que faire ce genre d’annonce debout, je ne voulais pas… J’avais besoin de capter sa réaction sans risque.

« Tu n’as pas perdu notre enfant. Il est en pleine forme, il a huit ans. » déclarais-je donc comme une bombe. « Il y a huit ans on m’a annoncé que t’étais morte et que j’avais un fils… J’avais déjà réalisé toute l’étendu de ma connerie en t’ayant trompé, mais là t’étais morte, il restait que lui. » soufflais-je en la fixant toujours trois dans les yeux. « Il a ton nez et des reflets roux dans ses cheveux bruns. », il était magnifique, mais il ne savait rien d’elle. Alors disait-elle vrai ? Ou elle mentait ?

C’était impossible de simuler une telle réaction, impossible de réagir comme ça. On nous avait réellement mentit, elle ne voyait pas qui pourrait voler un enfant à sa mère, un enfant dans le ventre de sa mère. C’était bien ce qui venait de se passer pourtant. Mes parents ? Si elle était encore en vie, pourquoi avaient-ils… Elle ne méritait pas ça, on était bien d’accord sur cette idée, mais la suite, elle était franchement en train de m’accuser là ? Je n’étais pas vraiment le mieux placé, moi aussi je l’avais accusé, mais là, je venais de lui dire qu’on m’avait dit qu’elle était morte. Comment j’étais censé m’être battu en la pensant morte. Je devais rester calme, pas m’énerver d’avantage et pourtant, c’était bel et bien compliqué. Trop difficile pour réellement rester calme, surtout en voyant ses larmes.

« Je te croyais morte. Pour moi tu étais morte. », comment je pouvais chercher ? Comment je pouvais ne serait-ce que les contrer si je n’avais aucune idée de ça, qu’elle était vivante. « Tu étais morte après une agression et j’avais un enfant, à quel moment tu voulais que je lutte ? Que je me batte contre ça ? C’était… C’était clairement trop pour moi. Tu étais morte. J’avais eu un fils avec toi, mais tu étais morte ! », maintenant qu’elle avait toutes les informations, à quel moment elle pouvait penser que j’aurais pu faire autrement. « Tu as… T’as eu besoin de te réhumanisé je me trompe ? » demandais-je en sachant très bien que c’était une vérité qu’elle ne pourrait nier. Elle avait bien fini sur cette photo et… « Ton accident a-t-il le moindre rapport avec ça ? » demandais-je alors, comme dans l’espoir qu’elle aurait pu justifier la suite, que ça aurait pu expliquer leur réaction, leur choix.

C’était certes terriblement vague, mais c’était impossible que cela ne soit pas une raison, impossible que personne n’y ait pas pensé. Dans un esprit tordue, cela pourrait tout justifier. Pas dans le mien, pas maintenant, pas en comprenant qu’on pouvait faire ça, qu’on pouvait réellement séparer deux personnes sans raison, qu’on pouvait prendre un enfant, empirer les choses alors que peut-être, juste peut-être, on aurait pu y arriver, tout aurait pu être évité. Mais là on l’avait éloigné, là ou me l’avait prise, on m’avait fait croire à sa mort et… Ce choc, cette réaction, aussi méfiant pouvais-je être, aussi réservé puis-je être par rapport à notre fils… Elle n’était peut-être pas si… On avait vraiment besoin de parler.