Charlie | Low class - White trash, I'm so obscene |

Elle danse avec sensualité. Les regards sondent son corps, s’imprègnent de cette débauche. Ce soir, Baby Doll entre en scène. Jugée sur ses talons aiguille, dans une petite tenue affriolante, Charlie fait le show. Nul besoin de silicone dans sa poitrine, nul besoin d’être une plastique parfaite. Elle l’est à sa façon. Elle sait comment mettre en valeur ses yeux de biche, elle sait comment faire bouger son corps. Charlie sait tenir les ficelles de ses pantins, de ces hommes fascinés par son apparence qui frôle la juvénilité. Elle fait jeune derrière son visage poupin, elle fait sage et innocence derrière ce sourire timide. C’est un leurre pour mieux les attirer dans ses filets. Charlie, elle est fausse. De la tête aux pieds. Elle se farde, elle se cache sous des faux-semblants. Elle a peur, Charlie. Elle a peur que les affres du temps lui rappellent qu’elle est mortelle. Elle craint les premiers signes de vieillesse et pourtant, elle est si jeune. Consommation excessive de nicotine qui lui brouilles les pores de son visage. Veines alcoolisées par ce trop plein d’alcool. Elle profite de la vie, la petite. Elle profite tout en espérant apercevoir la faucheuse. Elle a entendu de ces histoires, de ces monstres cachés dans l’obscurité. C’est pas ça qu’elle veut être, Charlie. La danseuse aspire à un desseins plus excitant, plus stimulant. Elle cherche à capter l’attention sur elle, qu’on la remarque enfin. Elle veut sentir l’Éternité couler dans son sang, hémoglobine trempée dans la drogue. Tu gâches ta vie, lui avait-on dit. Et alors ? C’est ma vie ! Je la mène comme je veux, avait-elle répondu. Parfois, il arrive que ses mots soient semblables au poison d’une vipère. Mordante, langue acérée. C’est un moyen de défense, tout simplement.

Elle jalouse ceux qui sont devenus comme ça. Ceux qui renaissent dans les ténèbres. Elle les envie. Fascination obsédante qui la fait partir en vrille. Complètement allumée et tordue. Alors, elle sombre dans la noirceur de ses faits et gestes. Charlie s’enlise dans les emmerdes, dans la merde parce qu’elle ne sait plus trop où elle en est. Les livres sur ces créatures, sur ces mythes et légendes, dévorés en un rien de temps. Prenez-moi bordel ! Qu’elle clame au monde entier, mais personne ne l’entend. Personne pour lui offrir ce joyau qu’elle réclame tant. Charlie voudrait se plier en quatre pour eux, devenir une créature de la nuit. Elle s’y est préparée. Chaque nuit, quand elle rentre tard, elle laisse sa fenêtre ouverte, dans l’espoir d’une morsure. Elle croit à ses bêtises, convaincue que peut-être... Mais au petit matin, elle est la même. Âme en peine. Âme perdue.

Puis elle parle avec désinvolture, envoyant chier les gens parce que c’est trop injuste ce qui lui arrive. Comment font tous ces autres à qui tout réussit ? Elle aimerait connaître leur secret, savoir comment il faut s’y prendre pour ne plus faire partie du commun des mortels. Charlie se meurt à petit feu. Et le sien au contraire, ne s’éteint pas. Il embrase chacun de ses sens, cette détermination qui remonte jusque dans le fond de ses iris bien trempés. Elle ne perd pas de vue son objectif, celui de ne plus être dans cette pitoyable caste. Charlie veut vivre. Charlie veut danser pour l’Éternité. Elle veut l’épouser, danser avec elle. Elle veut tout ça, Charlie. Un cadeau qu’elle quémande tout bas, tout haut. Charlie veut pouvoir goûter à cette vie, goûter l’âcre saveur de la vitae. Charlie veut avant tout, ne plus vieillir. Elle veut s’embellir jusqu’à ce que la mort l’emporte... Une enveloppe figée par le Temps.

Enfant, elle avait des rêves plein la tête, Charlie. Imagination débordante quand elle plongeait durant des heures dans ses bouquins. Des histoires d'horreur, mélange de romantisme et de fantastique. Ces lignes qu'elle buvait, qu'elle aimait découvrir à travers ses yeux envieux. Charlie se mettait dans la peau de ces héroïnes imaginant comment ça pouvait être de croiser un vampire. Elle a toujours été fascinée par ces êtres, par ces monstres. Oui, des monstres assoiffés de sang, animalité qui se dévoilait à travers les lignes. Des frissons d'excitation qui venaient chatouiller chacun de ses sens. C'était idiot, complètement con de penser que tout cela pouvait devenir un jour réalité. Et pourtant…

L'horreur prenait vie. Les parents de Charlie étaient convaincus que c'était une belle connerie que de croire à ces foutaises. Ils refusaient simplement de voir la vérité en face. Comment accepter l'inacceptable ? Comment accepter tout ça alors que rien n'avait de sens ? Hors de question pour eux ! Il leur fallait trouver le moyen d'éradiquer la vermine. Tous ces monstres devaient retourner en enfer. Ils ne comprenaient rien, au grand dam de Charlie. Elle tenta de les raisonner, de trouver un sens à cette vérité. Qui étaient-ils tous ces gens pour blâmer toutes ces créatures ? Fervente admiratrice du surnaturel, elle y mettait tout son cœur pour parvenir à les faire changer d'avis.

-Tu crois vraiment à ces conneries, Charlie ?

Oui, elle y croit. Assez folle pour l'exprimer, assez folle pour accepter. Aux yeux de ses parents, elle avait subi un lavage de cerveau. Pire, elle avait été hypnotisée par un de ces monstres ! Ses parents ne reconnaissaient plus leur fille. Obnubilée par ses lectures depuis trop longtemps. Lubie qui lui avait fait perdre la tête. Oui, elle était folle à lier et même si ça leur crèverait le cœur de la faire enfermer, ils étaient prêts à tout pour retrouver leur fille intacte.

-Pourquoi vous ne voulez pas comprendre ?

Pourquoi s'entêter à chercher un moyen de retrouver la banalité de cette vie ? Ce n'était pas un danger que de découvrir que diverses créatures foulaient autant le sol que le commun des mortels. Depuis toujours, Charlie voulait être différente. Elle en avait assez d'être insipide, d'être sans saveur. Que ses parents puissent la qualifier de sombre idiote, la blessait amèrement. Elle était juste ouverte d'esprit et cela ne leur ferait pas de mal d'apprendre à l'être. Depuis la révélation, il lui semblait que c'était une espèce d'échappatoire, une bénédiction qu'elle comptait bien savourer. Leur silence fut la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Elle en avait assez de devoir se battre avec eux. De toute façon, ils ne croyaient en rien si ce n'était qu'à leur Dieu.

-Pourtant, lui non plus vous ne le voyez pas et vous y croyez dur comme fer !

Soupirs de désespoir. Oui, la foi ils l'avaient et elle trouvait ça injuste qu'ils ne veulent pas laisser une chance à ces créatures nocturnes.

-Ça n’a rien à voir. Tu peux pas comparer la foi et ces horreurs !

La mère un brin hystérique regarda sa fille comme si elle la voyait pour la première fois. Charlie n’avait pas pu changer autant. Où était donc passée sa petite fille ? Elle avait tant voulu qu’elle soit pareille qu’elle, qu’elle se range de leur avis. Qu’elle comprenne que le monde ne pouvait pas engendrer une telle monstruosité. C’était inhumain.

-Ces horreurs ?

Le mot était assassin. Une pique cruelle qui lui brisait le cœur. L’humain était pire que tout et ce depuis la nuit des temps. Ses parents étaient aveuglés. Trop obnubilés par leurs conneries de pardon, de rédemption et toutes ces broutilles qu’elle avait du mal à présent à accepter.

-Donc, si je les défends à corps perdu, vous me verrez comme une de ces horreurs ?

La mère tiqua aux propos de sa fille. Elle baissa la tête tout en trépignant et le père, le père resta parfaitement impassible. Nul besoin de mots en cet instant, car leur silence était complètement sans équivoque. Il confirma les doutes de Charlie. Elle quitta la pièce avec une nonchalance déstabilisante. Elle s’était toujours imaginé ce moment où elle se casserait de là, mais jamais il n’avait parut si dur dans ses pensées. Aigreur, dégoût dans la bouche. Elle ravala la bile qui tentait de remonter alors qu’elle ferma sa dernière valise. Elle n’espérait pas qu’ils la retiennent, de toute façon, ils ne comprendraient pas et le fossé qui s’était dressé entre eux était bien trop...

-Adieu.

Charlie résista. Elle ne céda pas aux larmes de sa mère. Nul pardon dans ces moments-là. Elle n’avait nulle part où aller. Nulle part où loger, mais il lui restait la seule chose la plus importante en ce monde : l’audace. Elle en avait à revendre et quand elle poussa les portes de cette boîte de nuit, elle décrocha son job. Un job qui lui permettait de flirter, de charmer, d’enivrer la foule de son corps. Elle n’avait jamais dansé de sa vie, mais à quoi bon ? Il lui suffisait simplement de se trémousser au rythme langoureux de la musique. De frapper le client de ses yeux langoureux. Des yeux de biche farouches, des yeux emplis de sensualité et de débauche.

Mais ce n’est pas tout. Charlie elle rêve de rencontrer le macabre. L’exécrable qui lui fera découvrir ce monde dans lequel elle rêve de plonger depuis sa plus tendre enfance. Elle veut pouvoir se distinguer, taper dans l’œil de celui qui acceptera de lui offrir l’Immortalité. Objet de convoitise qui est devenue une obsession vitale.