It's A Kind of Magic | Rhea & Hannah

La journée s’étire et les dossiers s’amoncellent sur ce bureau qu’elle a décoré de quelques effets personnels. La détective soupire entre les feuilles qui volent et somme un officier de s’approcher pour lui remettre ses notes sur un interrogatoire. Ses traits sont tirés mais sa vivacité n’est guère altérée. Devant le bazar ambiant, les mauvaises ondes l’assaillent et elle s’emploie durant la vingtaine de minutes qui suit son désarroi à méticuleusement ranger le chaos qui s’initiait. Satisfaite, sourire plaqué aux lèvres, c’est un café qui l’attend dans le hall du commissariat. Ayant mis de l’ordre dans ce qui l’attend, Hannah récupère sa veste, ses clefs et s’engouffre dans son auto pour ce jour de repos pendant lequel elle n’est même pas capable de rester chez elle. Sa prochaine destination l’incommode mais sa mère s’est montrée claire, elle ne la laissera respirer tant qu’elle n’aura pas été voir cette soit disant formidable donzelle qui sait démêler le passé, le présent et le futur. Guère friande de ce genre d’expérience, la très terre-à-terre Hannah doit quand même reconnaître qu’elle se montre curieuse de savoir quels rouages le destin met en scène pour son matricule. Matricule probablement désespéré. Elle s’avance dans West District et finit par se garer. La voiture fermée, chose qu’elle vérifie plusieurs fois, elle fourre les clefs dans son sac et lisse ses cheveux. Doit-on porter une tenue de circonstance pour ce genre de rendez-vous ? L’adresse en main, notée sur un petit bout de papier qu’elle froisse entre ses doigts, elle semble être au bon endroit. Ses pieds foulent ce sol au milieu des habitations avant de stopper leur cadence vers ce qui semble être le point final de son excursion. Ou le début de tout. Index qui pointe sur la sonnette et voilà qu’une voix s’élève lorsque la porte s’ouvre sur une créature des plus ravissantes. Mystérieuse mais empreinte d’une aura toute particulière. « Bonjour, Hannah Robinson » dit-elle en tendant la main à son interlocutrice, sans vraiment savoir comment se présenter de façon simple. Elle pénètre dans l’enceinte et lui adresse un sourire un sourire crispé. « Vous m’excuserez pour les quelques minutes de retard, il y avait un peu de circulation. »

La politesse est de rigueur dans ce lieu qu’elle aurait fui d’ordinaire. Son téléphone vibre dans sa poche et elle imagine très bien de qui peut provenir l’appel. Grimace presque affichée sur son visage, elle préfère suivre son interlocutrice à l’abri des regards indiscrets. La porte claque derrière elles deux et Hannah pénètre dans une alcôve des plus étranges, autant le lieu ne l’attire guère car l’odeur de l’encens lui chatouille les narines. Ses yeux suivent la courbe des plantes qui tapissent le mur, autant l’irrésistible curiosité qui la pique l’incite à s’asseoir sur l’un de ses sièges que la cartomancienne présente. Ne voulant paraître sauvage, c’est le siège du milieu qu’elle choisit afin de faire face à la dénommée Rhea. Joli patronyme pour un joli minois. Comme hypnotisé par les paroles de la douce, l’elfe tente de reprendre ses esprits. Elle n’est point en terrain conquis et ne doit pas tomber dans le piège de croire aux divagations d’une hérétique qui pratique une forme étrange de magie. Tout cela n’est que le résultat d’expériences et non d’un destin qui démêle ses rouages pour certains initiés. Levant donc les yeux vers elle, ses paroles filent à travers l’esprit de l’agent de police qui ne sait que répondre. Acquiesçant suite à l’offre de lui donner un thé par un simple hochement de tête, Hannah se déride quelque peu. Espérons juste qu’elle ne l’empoisonne pas. Pour se faire, elle la laissera boire en premier. « Je vous remercie pour le thé. C’est ma première séance donc…j’ai hâte de découvrir ce que l’avenir me réserve. » Paroles éhontées qui trahissent sa nervosité. Des questions ? Certes, plusieurs. Combien de clients avait-elle arnaqué ? Néanmoins, elle se garde bien de proférer cette déclamation et la traduit par : « Cela fait longtemps que vous pratiquez cet art ? Je suppose que ce n’est pas comme un métier, ça ne s’apprend pas, on nait avec. » Comment rabaisser celle qui lui fait face. Une pointe de regret traverse l’elfe qui offre un regard bienveillant à Rhea, comme des excuses à peine soufflées. Elle porte du lait et du sucre à sa tasse, la prenant entre ses mains mais attendant cependant que sa binôme boive en premier, sait-on jamais ! « J’attends que le thé refroidisse, je n’aime pas ce qui est trop chaud. » Second mensonge proféré mais qui ne la dérange point pour l’heure, ce à quoi elle ajoute : « Oh, je veux tout savoir. Si je vais obtenir une promotion, si je ne vais pas souffrir d’une maladie incurable et si je vais trouver l’amour de ma vie. » Frivole la Hannah ? Sûrement pas mais en réalité, elle ne sait que demander qui ne touche un peu trop son intimité. Parler d’elle, cela la dérange fortement. Ses sourcils se froncent et elle attend de voir ce que Rhea a à rétorquer à tout cela.

Assise confortable contre laquelle repose désormais Hannah. Bien qu’en territoire neutre et même avenant d’après la démarche de la douce qui l’accueille, les choses ne sont point claires pour elle. Partagée entre l’envie de prendre ses jambes à son coup et d’opérer vers d’autres cas que le sien jugé par des cartes plastifiées et l’envie dévorante de connaître ce que ces mêmes vicieuses lui réservent. Peu fervente aux croyances populaires, sa curiosité est piquée à vif dès qu’elle s’installe et que le rituel attribué à leur binôme opère. Il faut s’habituer à l’odeur des lieux qui devient ensuite hospitalière là où les plantes qui bordent leurs murs rappellent un écrin de verdure dans lequel on se plait à gambader enfant. De plus, la dénommée Rhea la gratifie d’un discours qui sonne allégrement à ses oreilles. Appréciant la curiosité, voilà qui rassure quelque peu la policière. La mystique ne tente pas non plus de l’abandonner puisqu’elle se délecte du thé encore fumant servi plus tôt. La brune porte également la tasse à ses lèvres et goûte le breuvage qui trouve grâce à ses papilles. Les différents arômes chatouillent son palais et c’est même une seconde gorgée qui file dans son gosier. « Votre thé est délicieux » lâche la brave comme pour s’excuser de ne point l’avoir goûté avant que son hôte le fasse.

« J’aime bien vos explications. Ca semble plausible et ça rejoint mon esprit logique. Je pense que je peux vous faire confiance. » Des mots qui ne sont posés à la légère par Hannah. Les paroles soigneusement choisies par Rhea pour expliquer son art n’admettent qu’un tout et font écho à une partie d’Hannah, partie elfe qui apprécie ces histoires « magiques » même si elle s’époumone cartésienne jusqu’au bout des ongles. Intriguée, il y a de multiples questions qui se bousculent à son esprit mais elle ne sait encore laquelle réellement poser. « Du coup, vous êtes ouverte sur le monde, donc si j’apprenais à écouter certains signes, je pourrais faire de même ? » demande-t-elle, sérieuse. Loin d’elle l’idée d’amputer Rhea de sa fonction mais plus par avidité de savoir. Peut-on apprendre quelque chose qui semble couler de source pour beaucoup ? Ou quelques initiés sont dotés de cette clairvoyance qui permet l’étude des cartes et leur interprétation ?

Suivant les instructions de la cartomancienne, Hannah ferme les yeux. Un sourire fuit sur son visage, qu’elle cache tentant de gagner un peu de sérieux. Le vide l’habite et lorsqu’elle réouvre ses yeux, c’est vers le cristal de roche pur que l’elfe tend le doigt. Relevant la tête vers Rhea, elle dépose la pierre qui file entre ses doigts devant le dernier paquet et ose demander : « Je ne sais pas si c’est ce à quoi vous vous attendiez, mais je suis toute ouïe ! »

La discussion s’étend et Hannah devient plus sereine. Ce n’est pas le lieu où elle chercherait à rester indéfiniment mais quelque chose en Rhea lui inspire une certaine forme de confiance. Loin d’elle l’idée de lui confier ses plus obscurs secrets mais cette aura presque mystique qui émane de la peu conventionnelle dénote avec les autres qui, d’ordinaire, traitent avec l’elfe. Sa mère ne l’a finalement pas envoyée dans un guet-apens et elle comprime dans un coin de son esprit l’idée de revenir sur cette mauvaise humeur avec laquelle elle a accueilli son idée. Le mensonge n’est donc pas convenu mais tout de même pas proscrit. Néanmoins, la policière ne s’imagine guère tenter de dissimuler la vérité, quelque chose lui souffle qu’il serait inutile d’emprunter ce chemin car la cartomancienne le saurait, d’une façon ou d’une autre.

« Et occulter la vérité ne l’est pas non plus » termine Hannah en réponse aux premiers mots de la belle. « Je vous laisse votre art volontiers, cela semble trop spirituel pour moi qui suis plutôt terre à terre. » Les mots sont jetés innocemment sans écrire ou autre équivoque. Les yeux de l’intéressée suivent les mouvements de sa partenaire et attendent presque patiemment, armés de curiosité, ce qui va découler de cette séance. C’est un sourire qui répond à ses premières attentes. Sourire qui étire les lèvres de la faiseuse d’art. Cet art qu’elle ne comprend mais qui annonce d’extrêmes choses. Une carte est tournée et représente un personnage qui lui est inconnu. A vrai dire, elle ne s’est jamais penchée sur la signification de ces drôles de personnages et images qui peuplent les cartes du jeu. Ce sont plus les cartes d’identités qu’elle décrypte de ses iris experts que des signes pour voir au-delà. Ses oreilles elfiques se tendent et elle enregistre les paroles en manquant de s’étouffer. De l’air, vite ! L’oxygène parvient à ses narines et rassurent son corps pris de sueurs froides, minimes mais perceptibles.

« Il est vrai que je ne suis pas du genre à me confier ou parler beaucoup de moi. Vous avez bon sur ce point. » Point qu’elle continue d’initier et d’enrober d’autres informations. Judicieuses mais qui ne plaisent guère à l’oreille de Miss Robinson. « Je vois » finit par lâcher la brune. Pause qu’elle marque alors que ses sourcils se froncent d’un air contrit. « C’est étrange que vous ne perceviez pas d’animosité car je dois presque la transpirer. » Mots qui aideront probablement la douée de capacités extrasensorielles à y voir plus clair. Ses esprits retrouvées, la cliente finit par avouer : « En toute franchise, il y a beaucoup de vérité dans ce que vous dites. J’ai eu des démêlés avec l’un de mes supérieurs un peu trop…entreprenant. Je ne vais pas vous faire un dessin. Il m’a collé une affaire difficile pour se venger. Je pense qu’il s’agit de cela. Par contre, je n’hésiterai pas s’il fallait l’enfoncer, ce type est une ordure. » Visage à nouveau fermé tant la colère et la véracité qu’elle a mis en relief la troublent.

En réalité, il ne s’agit pas de cela mais Hannah est trop butée pour y voir clair. Elle transforme les mots à la sauce qui l’accommode. L’homme de la carte pourrait être autre mais elle refuse de penser à cela. Faisant le vide dans sa tête pour ne point initier l’auditoire sur une autre piste, elle s’avance un peu plus sur sa chaise comme pour gagner le cercle de Rhea et en savoir plus. « Pourriez-vous m’en dire plus ? Que voyez-vous d’autres ? Ou peut-être une autre carte justifierait-elle cette dualité entre le féminin et le masculin ?