L’odeur de fumée. La forêt qui brûle. Les cris désespérés des gens. Les corps inanimés, voire morts. Le début de la fin. Je ressentais tout cela à nouveau, comme si j’étais sur place encore une fois, en train d’assister à cette scène macabre. Sauf que, cette fois-ci, contrairement à il y a neuf ans, je ne m’étais pas évanoui. Mes forces ne m’avaient pas lâché, mes sens étaient restés parfaitement éveillés. Immobile, je me tenais là, devant la maison où j’avais grandi – ou ce qu’il en restait – dévorée par les flammes. Je n’arrivais pas à bouger. Impuissant, misérable gamin que j’étais, capable de défier tout et tous et pourtant incapable d’esquisser ne serait-ce que le moindre geste pour sauver ses parents ou pour essayer d’aider qui que ce soit d’autre.
« J’ai honte de toi. »
J’ai tourné la tête vers la gauche et j’ai reconnu ma mère, les cheveux en bataille, le visage noirci par les cendres et la fumée. Elle pleurait.
« J’ai honte de toi. »
A ma droite, j’ai vu cette fois mon père, Ethan, son visage encore plus noirci que celui de ma mère. Il ne pleurait pas, mais ses yeux affichaient une tristesse et une déception immenses, qui me déchiraient l’âme, tel un couteau aiguisé.
« J’ai honte de toi. »
Les larmes me sont montées aux yeux lorsque j’ai entendu cette voix derrière moi. Je me suis retourné. Laurel. Ma Laurel, ma petite amie, la peau noircie, brûlée, blessée. J’ai ouvert la bouche, haletant. Mon Dieu, je pouvais à peine reconnaître son visage. Tremblant, angoissé, je voulais lui demander pardon, lui dire que j’étais désolé de ne pas avoir pu la sauver.
« J’ai honte de toi. »
Je me suis retourné à nouveau, alors que mes larmes coulaient le long de mes joues. C’était moi. Moi, enfant. L’enfant innocent que j’ai jadis été. A croire qu’il est mort lui aussi. Ils sont tous morts. Et ils ont tous honte de ce que je suis devenu et de la vie minable que je mène.
Ce n’était qu’un rêve – ou un cauchemar plutôt – mais j’ai compris le message. Où qu’ils soient désormais, ils ont tous honte de moi. Même moi, dans le fond, j’ai honte de moi. Qu’est-ce que je fous de ma vie ? Où est-ce que je vais ? Quel est mon vrai but, l’objectif de ma vie ? Pourquoi suis-je vivant et pas eux ? A quoi bon ça a servi que je survive à leur place ? Tellement de questions m’ont traversé l’esprit aujourd’hui, et je n’ai aucune réponse. J’ai juste le cœur brisé. Les morceaux ont été recollés, comme quand on brise un bibelot à la con et qu’on essaie de le garder encore un peu plus longtemps, donnant aux autres l’impression qu’il est toujours intact. Sauf que ce n’est pas le cas. Au bout d’un moment, au moindre impact, il se brisera encore à nouveau.
Aujourd’hui, j’ai fait un effort, j’ai essayé de garder mon air jovial et rigolo, mais mon regard est absent. D’habitude, je suis concentré, je fais de mon mieux pour apprendre et impressionner Judd, et j’affiche un petit sourire en coin pour charmer les clients, mais là, c’est impossible. Je n’arrive tout simplement pas à sourire. Aujourd’hui, j’ai mal. Comme à chaque fois que je pense que je vais enfin bien, les cicatrices de mon âme me font mal et me rappellent tous ceux que j’ai perdus et que je n’ai pas su honorer. La culpabilité est là et me torture sans aucune gêne. Je ne pense pas aux Anges, ni au Conseil, je ne rejette la faute sur qui que ce soit d’autre. Ce n’est même pas la peine. J’ai juste honte de moi, et cette honte me brûle de l’intérieur.
Puis soudain, alors que je détourne distraitement le regard, je l’aperçois, là, à quelques mètres de moi. Je me demande si je rêve, si c’est la suite de ce cauchemar que j’ai eu. Si elle aussi va me dire qu’elle a honte de moi.
« Ana’ ? »
Dis-je d’une voix rauque, les sourcils froncés, incrédule. Je cligne les yeux plusieurs fois, tandis que je pose une main sur mes lèvres. Mon cœur s’emballe, mes yeux se font plus humides. Putain, qu’est-ce que ça veut dire ? Je rêve ou quoi ? A quoi ça rime, tout ça ? J’ai des hallucinations maintenant, c’est ça ?! Putain de bordel, trop c’est trop. J’espère vraiment que ce n’est pas une mauvaise blague, genre, une sorte de sosie ou quoi. Puis elle prononce mon nom, pas moins surprise que moi ; c’est à ce moment-là que je comprends qu’elle est bien réelle. Anastasia est là. Elle est à Bristol. Elle est là, juste à quelques mètres de moi. J’ai les oreilles qui bourdonnent, la tête qui tourne. Je m’appuie contre le comptoir. Je pousse un rire incrédule.
« Sans déconner ! Ana’, bordel, c’est bien toi ! Viens là, meuf ! »
Je m’approche d’elle et je la prends dans mes bras en riant, la serrant contre moi sans aucune hésitation. Contrairement à Cassandra où à Alexander, je savais qu’elle avait survécu à l’incendie, puisqu’on s’était retrouvés à Réversa par la suite. Une époque où j’avais le cœur à vif et que ma seule envie était de faire payer les Anges. Je voulais les renverser du pouvoir, et les tuer, tous. Me venger, venger la mort des miens. J’avais vingt ans, j’étais un gamin, mais plus ce gamin insouciant que j’étais avant. J’étais un amas de colère, de tristesse et de haine. Une putain de bombe sur pattes. Une bombe qui a explosé quand j’ai tué cet ange, l’égorgeant froidement sous le regard choqué de sa fille, qui nous observait à l’intérieur de la maison. Quand je me suis rendu compte de ce que je venais de faire, de ce que venais de lui faire à elle, quand j’ai compris que j’étais allé trop loin, c’était déjà trop tard. Je devais quitter Réversa, quitter la Résistance, laisser tout cela derrière moi et tenter ma chance ailleurs. Un nouveau départ. Après, ça ne s’est pas bien passé, mais bon, à l’époque je croyais qu’à Bristol, loin du Surnaturel, je serais à l’abri. Pff, que j’étais jeune et stupide...
Je me détache d’Ana et pose mes mains sur ses épaules, tandis que mon regard croise le sien, enfin joyeux, enfin vivant. Comme si elle était l’antidote qui venait de neutraliser les effets néfastes de ce foutu cauchemar.
« Qu’est-ce que je fais là ? Je bosse ici, bordel ! Et toi, je savais pas que t’étais à Bristol ! T’es en ville depuis quand ? »
Depuis la Révélation au moins, je m’en doute... Bon sang, pourquoi je ne l’ai plus jamais rappelée, pourquoi je ne l’ai pas cherchée ? Peut-être de peur de l’entraîner dans ma vie bordélique et compliquée, ouais. Mais j’aurais peut-être dû... C’était mon amie, après tout. Et les amis, faut les garder près de soi, plutôt que les éloigner. Je regarde Judd, avant d’aller m’asseoir un peu avec Ana. Juste cinq minutes, allez. Je crois que ça se voit de loin qu’il s’agit de retrouvailles, non ? – d’ailleurs, certains clients habituels nous observent avec curiosité. Mais tant pis, qu’ils regardent, on s’en fout.
« Comment tu vas ? Raconte-moi tout ! »
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Dernière édition par Baxter E. Sherwood le Dim 7 Avr - 23:20, édité 2 fois
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Sujet: Re: Retrouvailles Dim 7 Avr - 16:41
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Baxter E. Sherwood
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Elle est là. Non seulement Ana’ est à Bristol, mais elle est là devant moi désormais, au Blue Moon. On se retrouve pour la première fois depuis... Bordel, depuis de longues années. 2011 ou 2012 déjà ? Une éternité. Tellement de choses sont arrivées depuis, autour de nous, et en nous. Et pourtant, on est là, un large sourire aux lèvres, contents de nous revoir après tout ce temps. Comme si l’on s’était quittés hier. On dit que c’est l’une des façons de reconnaître une véritable amitié. Même le temps, même la distance ne peuvent détruire ce lien qu’il y a entre deux amis... Est-ce bel et bien vrai ? J’espère que c’est bien le cas de son côté, parce que ça l’est du mien. Je passe une main dans mes cheveux, avant de pousser un soupir, incrédule. Bordel, c’est fou, je m’y attendais vraiment pas ! Je ne dis rien lorsqu’elle dit que je mériterais qu’elle me frappe pour l’avoir abandonnée, mais qu’il y a trop de public pour qu’elle le fasse maintenant. Un petit sourire espiègle aux lèvres, je relève mon regard vers l’elfe, faussement agacé.
« Ça commence déjà, les menaces ? On se calme, oui ! »
L’humour, une échappatoire que je maîtrise bien quand j’suis pas vraiment à l’aise. Je regrette de lui avoir tourné le dos comme ça, à l’époque. La vérité est que je n’allais pas bien. Mon âme était malade, j’étais brisé et perdu. Le Grand Incendie avait changé ma vie, m’avait enlevé mes parents, mes amis, ma petite amie... Un incendie provoqué par ces enfoirés d’Anges, ces pourritures qui n’ont jamais payé pour ce qu’ils ont fait. En intégrant la Résistance, j’avais cru à l’époque que l’on pourrait vraiment leur faire payer, les punir comme il fallait... Sauf que malgré le renversement du gouvernement, jamais ils n’ont été réellement punis. Ils s’en sont sortis indemnes, et ça, je ne pouvais pas le supporter. J’ai perdu le contrôle ce soir-là ; j’avais trop bu et j’étais en colère contre eux, contre le monde entier. J’ai tué cet ange, que je connaissais même pas. C’était juste un ange, un démon d’ange, un parmi tant d’autres. Et je l’ai tué. Le pas que je n’aurais peut-être jamais dû franchir, parce que ça m’a changé. Ça a été le début de ma descente aux enfers. Fuir Réversa, laisser tout et tous derrière moi n’était pas la solution, au contraire. Je ne l’ai réalisé que plus tard, malheureusement.
Mais enfin, on ne peut pas changer le passé. Il faut vivre avec. Les regrets, les erreurs, les leçons apprises à la dure, les chutes qui font mal... Dans le fond, c’est l’essence-même de la vie. Ce qu’on appelle l’expérience. Est-ce que j’suis plus sage désormais pour autant ? Bah, c’est ton papy qui est sage, hein ! Moi, je reste un connard, et fier de l’être ! Un connard désabusé et méfiant, toujours un peu paumé dans ce bas monde et toujours un ivrogne en puissance. Mais content d’être en vie. Reconnaissant pour cette deuxième chance qui m’a été offerte par la vie après cette overdose qui aurait pu s’avérer fatale il y a presque cinq ans. J’ai appris la leçon, même si j’ai failli craquer récemment. Heureusement que j’ai ce nouveau boulot au Blue, ça m’aide à garder un certain équilibre. A present, on est assis à une table, l’un en face de l’autre. J’en reviens toujours pas... Qu’est-ce qu’elle est devenue depuis le temps, comment va-t-elle ? J’suis curieux de le savoir. La brune me répond alors, m’expliquant qu’elle va bien, même si exténuée, et qu’elle est arrivée suite à la Révélation. Je me masse le menton, pensif. J’aurais vraiment dû chercher plus fort, bordel. Elle était là depuis tout ce temps...
« T’as raison... J’ai été un putain de lâche, et je t’ai abandonnée. Désolé. J’en suis pas fier. » Dis-je, avant de détourner mon regard pendant quelques secondes. « J’ai tellement merdé, tu sais. Je n’allais pas bien à l’époque, à cause des Anges, à cause de... Toute cette merde. »
Un silence pesant s’installe entre nous. Je sais que je dois m’excuser et m’expliquer, mais ce n’est pas une activité très agréable, hein. Je finis néanmoins par reprendre la parole, quelques secondes plus tard.
« Je croyais que la meilleure chose à faire, c’était de partir. Quitter Réversa, m’éloigner de ce merdier et recommencer à zéro ailleurs. Essayer d’aller mieux, tu vois ? Et... Bon, bah, je vais mieux. J’ai un boulot, j’suis pas SDF hein. Je me suis découvert de nouvelles passions, notamment pour le graffiti. J’suis pas un vrai pro, mais c’est ma vraie passion maintenant. Et voilà, je vais mieux. Mais ça n’a pas été un long fleuve tranquille. »
Oh que non. Ça a été compliqué, chaotique, désastreux parfois. Je me suis enfoncé dans la merde comme un con, je me suis approché de gens que je n’aurais jamais dû écouter. J’suis devenu un dealer, un camé. J’ai failli mourir. Mais, même si j’ai évité de lui raconter tous ces détails peu glorieux, je ne mens pas ; je vais mieux maintenant.
« Je ne voulais pas t’entraîner dans la merde, en fait. Je m’y étais enfoncé jusqu’au cou et... J’sais pas. Je n’ai pas voulu regarder en arrière. Jusqu’à ce que ce soit trop tard. J'ai perdu ton contact, on s'est perdus de vue... Mais enfin, on est là maintenant ! Comme quoi, le hasard fait bien les choses, de temps en temps ! Et sinon, qu’est-ce que t’es devenue, qu’est-ce que tu fais dans la vie ? Allez, surprends-moi ! »
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Sujet: Re: Retrouvailles Mer 10 Avr - 16:00
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Baxter E. Sherwood
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Je comprends qu'elle m'en veuille. J'ai disparu du jour au lendemain, je ne lui ai laissé qu'un simple mot. Je l'ai abandonnée, quittant Reversa sans jamais regarder derrière moi. Et ce n'est pas digne d'un vrai ami, ça… Ouais, Ana’ a le droit de m'en vouloir. Moi-même je m'en veux, à vrai dire. Néanmoins, j'essaie de m'expliquer un minimum, sans dévoiler tous les détails peu glorieux de ma descente aux enfers. Visiblement, la brune sait toujours lire aussi bien entre les lignes, vu sa réaction. Je pose mon autre main sur celle qu'elle avait posée sur la mienne. J'essaie de rassurer l'elfe.
”Oui, ça va bien. Dans la mesure du possible, évidemment, vu la situation merdique à Bristol. Mais ça va mieux maintenant.”
Je le sais pertinemment, mon équilibre est précaire, fragile, mais je sais ce que j'ai à faire pour ne pas retomber dans mes travers. Après, c'est toujours plus facile à dire qu'à faire, hein, mais je n'ai pas envie de retourner en arrière et de merder comme j'ai pu le faire à l'époque. J'suis peut-être pas un génie, ni un type très sage, mais j'suis quand même capable apprendre de mes erreurs de temps en temps.
“Du coup, pas besoin de jouer la baby-sitter avec moi, j'suis un grand garçon.”
Je le précise, juste au cas où. Je sais qu'il y a ce décalage d'âge entre nous qui faisait la différence il y a dix ans, mais j'ai grandi et j'ai mûri depuis. J'ai fait tout plein de conneries, mais je m'en suis sorti tant bien que mal ; j'suis un putain de survivant. Un léger sourire vient orner mes lèvres, alors que je la regarde, et la conversation se poursuit. Je lui parle de ma nouvelle passion, le graffiti, ce qui semble attirer sa curiosité.
”Avec plaisir, quand tu veux !”
Ensuite, je lui retourne la question, curieux de savoir quels changements elle a connu dans sa vie depuis qu'on s'est éloignés l'un de l'autre. Elle a l'air fatiguée, j'espère que c'est juste à cause de son boulot ou un truc du genre. La brune m'explique alors qu'elle a repris son boulot d'architecte, à son compte, et que ça lui suffit, même si elle n'a pas de grosses commandes pour le moment. J’étire un sourire en coin.
”Bah, avec toutes ces explosions à Bristol ces derniers temps, peut-être que tu auras bientôt de grosses commandes. Faut bien qu'il y ait au moins un putain d'avantage à vivre dans cette ville de merde !“
Quoi, je n'ai pas raison ? Allez, quand même hein ! Les inconvénients sont nombreux, et ça tout le monde le sait, mais il doit y avoir un avantage ou deux ? Enfin, hormis pour les Anges et les Conseillers, car ils doivent avoir plein d'avantages, eux. Mais bon, mieux vaut que je n'y pense pas trop, car ça me met toujours de mauvaise humeur. Anastasia me regarde alors en rigolant, remarquant les yeux de certains posés sur nous. Ils se font des idées, hein ? Je tourne légèrement la tête et leur tend discrètement mon majeur, un sourire de sale gosse aux lèvres. Avant d'éclater de rire lorsqu'elle évoque une éventuelle “Madame Sherwood”.
”Le pire, c'est que ces types ne bossent même pas pour de vrai ici. Ce sont des habitués qui aiment donner un coup de main de temps en temps. Puis… Madame Sherwood, bon Dieu ! On dirait que tu parles de ma mère ! En tout cas, j'suis libre comme l'air, et j'ai déjà ma dose d’emmerdes, merci.”
Répondis-je en haussant les épaules. Pas de Madame Sherwood, donc. Ma mère n'est plus, tout comme mon père, le père qui m'a élevé. Tout comme des centaines d'autres elfes, qui ont été pris au piège des Anges. Une blessure qui a laissé des marques indélébiles. Cependant, en évoquant ma mère, je ne ressens pas de tristesse particulière, au contraire. Peut-être que c'est la présence d’Anastasia qui atténue un peu la douleur, ce qui n'est pas plus mal. La jeune femme me demande ensuite quand je finis mon service, m'invitant à passer chez elle après.
”Des bières et la paix ? Qu'est-ce que jourrais demander de plus ! Je finis dans une heure et demie, par contre. Mais donne-moi ton adresse, et on se retrouve là-bas.”
Dis-je avec un petit sourire en coin. C'est vraiment cool de retrouver Ana’. Et j'ai peut-être une petite idée de surprise que je pourrais lui faire…
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Sujet: Re: Retrouvailles Ven 10 Mai - 22:36
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Baxter E. Sherwood
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Retrouver Ana’, Cassy, Alexander, mes sœurs… C'est fou. C'est à peine croyable, tout ça ! Mais je ne vais pas m'en plaindre, au contraire. Ça fait du bien de voir que je n'ai pas tout perdu dans cet incendie. Ca fait chaud au cœur de savoir que ces personnes ont survécu, qu'elles sont toujours là et qu'on peut renouer désormais, dans cette ville où le chaos règne en maître. Le contexte n'est pas l'idéal, c'est vrai, mais au moins je ne suis pas tout seul, je sais que je pourrai compter sur elles, et inversement. Cela dit, j'suis un grand garçon, je n'ai pas besoin d'une baby-sitter, et je ne manque pas de le dire à Anastasia. Bah quoi ? Pendant toutes ces années, j'ai dû me débrouiller tout seul, avec plus ou moins de succès, mais je l'ai fait. Les habitudes sont donc bien ancrées, même si je suis reconnaissant d'avoir des amis comme Alistair et une famille que j'ignorais jusqu'à il y a quelques mois.
J’étire un sourire amusé lorsque l'elfe me dit que les enfants et elle, ça fait deux. Un peu comme moi, quoi. Même si je n'ai rien contre eux non plus, hein. La conversation se poursuit normalement, et la brune en vient à me demander si je n'ai pas une Madame Sherwood à lui présent. Je ne peux m'empêcher de rigoler et de lui lancer une réponse digne de Baxter Sherwood. Genre, comme si j'étais du genre à me caser comme ça ! Non, vraiment pas. J'suis libre comme l'air et je compte bien le rester, amen ! Puis Ana’ remarque les regards curieux ou amusés des gens sur nous. En même temps, comment ne pas les remarquer ? La discrétion n'est pas leur fort, hein. Je m'occuperai d'eux plus tard. En tout cas, la jeune femme est d'accord avec moi : une vie à gérer dans une ville pareille, ça fait déjà beaucoup.
Anastasia me demande ensuite à quelle heure je finis mon service, m'invitant à passer chez elle après, histoire de continuer notre conversation en toute tranquillité, autour d'une - ou plusieurs - bières. Une proposition qui ne pouvait que me plaire, et que j'accepte tout de suite. La brune sort alors un crayon de son sac, note son adresse et son numéro, se lève et dépose finalement un baiser sur mon visage. Bordel, j'entends des rires derrière moi, et le sang me monte aux joues. Un sourire agacé de dessine sur mes lèvres, avant que je ne me mordille la lèvre. Le coup bas, quoi ! Juste pour me gêner ! Rah, je la reconnais bien là, Ana… Et quelque part,ça me fait vraiment plaisir. Me pinçant les lèvres, je l'observe donc prendre son café et partir d'ici, avant de me retourner vers les habitués du Blue, qui me demandent déjà qui elle est. Je plisse les yeux tout en les toisant avec dédain.
“Qui est-elle? Pas vos affaires. Et commencez pas à m'emmerder, oui ? C'est vraiment pas une bonne idée !”
Dis-je en tentant de les convaincre de me laisser tranquille. Mais pourquoi j'ai la sensation que c'est même pas la peine ? Je lève les yeux au ciel, avant d'aller me remettre au boulot.
***
Le temps s'est envolé à une vitesse impressionnante. C'est ce qui arrive quand il y a autant de clients au Blue Moon, à peine si j'ai le temps de respirer. Désormais, je suis dehors, fatigué mais aussi enthousiasmé à l'idée d'aller rejoindre Ana’. Je passe néanmoins chez moi d'abord, histoire de me changer. Enfin, jean et t-shirt, je ne m'habille pas différemment de ce que je fais d'habitude. Je voulais juste me rafraîchir un peu, après une longue journée de travail. Et puis, de toute façon, on va juste parler, continuer ce qu'on avait commencé tout à l'heure, non ? Voilà, rien de spécial, quoi. Me dirigeant alors rapidement vers chez Ana, je toque à la porte, avec une petite surprise derrière mon dos. Et non, ce n'est pas une vengeance pour tout à l'heure. Ce qui ne veut pas dire que ça ne viendra pas, hein. Mais non, c'est une bonne surprise. J'attends que la brune ouvre la porte, puis je lui adresse un sourire en coin, détendu, lorsqu'elle se présente devant moi.
“Salut. J'ai une question pour toi : est-ce que tu kiffes la reine ?
la toile xD:
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Sujet: Re: Retrouvailles Mer 5 Juin - 23:05
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Baxter E. Sherwood
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Me voilà devant sa porte, moi et le cadeau unique que je vais offrir à Ana’. J’suis content d’avoir retrouvé mon amie... Une amie que j’avais perdue de vue depuis mon arrivée à Bristol, mais dont jamais je n’aurais dû m’éloigner. J’étais jeune, j’étais con et, surtout, j’étais perdu. Le Grand Incendie, la perte de mes parents, de ma petite amie, d’à peu près tous mes amis, tout ça m’avait brisé à un point inimaginable. La Résistance avait certes été un moyen de ne pas sombrer, cela m’avait permis de puiser dans ma haine vis-à-vis des Anges pour lutter contre la dictature qu’ils avaient instaurée à Réversa, mais à un moment donné, la Résistance, ou ce qu’elle représentait réellement au début, c’était fini. La décision d’épargner les Anges après qu’on ait renversé le gouvernement avait été particulièrement difficile à avaler pour moi. Je voulais tellement qu’ils payent, qu’ils meurent tous... La Résistance ne représentait plus ce que mon cœur désirait et ne canalisait plus cette colère qui coulait dans mes veines. Et un jour, cette colère a fini par déborder et j’ai tué un ange de mes propres mains, sous le regard terrifié de sa fille de l’autre côté de cette fenêtre. Ça a été un tournant pour moi. Je devais absolument partir, quitter Réversa et oublier le surnaturel, je n’en pouvais plus. Mais Ana... J’aurais dû la chercher avant, oui. Parce que malgré toutes mes conneries, j’avais réussi à me redresser, j’allais mieux... Et elle était mon amie d’enfance, l’une des rares qu’il me restait.
Bref, si je décide de m’en vouloir, je trouverai sans des raisons et des raisons de le faire. Eh bien, ce n’est pas pour ça que j’suis venu, pas vrai ? J’suis là pour parler avec l’elfe autour d’une bière, pour renouer après toutes ces années. J’étire un sourire en coin lorsqu’elle ouvre la porte, tout en cachant la toile derrière mon dos. Je lui demande alors si elle kiffe la reine. Bah quoi, c’est une info très importante, je vous le jure ! Sa réponse m’arrache un rire espiègle.
« Putain, enlève-moi cette image de ma tête ! L’horreur ! »
Les plans à trois, ça va... mais avec la vieille là... Non, juste, putain de non ! Ouste, saleté de momie ! Gardant mon sourire, quoiqu’un peu gêné, je regarde la jolie brune en haussant un sourcil.
« Bah, c’est un cadeau ! Du genre épique, inoubliable, tu vois. »
Du genre ridicule, super con, auraient dit certains. Mais vous savez quoi : je les emmerde royalement – comme la Reine, hein. Puis au pire, c’est vraiment un cadeau ridiculement épique et con au point d’être inoubliable. Autant dire que j’espère qu’il plaira à Anastasia quand même. Je finis par entrer finalement dans son appartement, surtout que le mot ‘bière’ a attiré mon attention instantanément, chassant momentanément les mots ‘plan à trois’, ‘mon rêve’ et ‘Ana’ de mon esprit. Bordel, ça fait bizarre et... Non, stop, putain, arrête d’y penser ! Je me racle la gorge, avant d’observer la déco de son appart. Sympa, son chez elle. C’est quand même mieux que le taudis où j’habite depuis un moment. Le mien, franchement, le truc le plus cool qu’il a, c’est le loyer pas très cher, hein. Et une localisation pas trop mal aussi, va.
« Meuuuf, il est pas mal ton appart ! T’as épousé un vieux riche ou quoi ? »
Lâche-je d’un air visiblement moqueur, même si je me souviens qu’elle m’a dit tout à l’heure ne pas avoir de temps pour les histoires de cœur. Ou de cul. Enfin, j’sais pas moi. Et c’est parti, me voilà en train d’y repenser. Par pitié, bordel de merde ! Je passe une main dans mes cheveux, avant de lui dévoiler enfin la toile que je cachais jusque-là derrière mon dos.
« Et voilà ton cadeau ! Une toile représentant la Momie Nazie suprême, graffée par ma personne. Pour ça que je t’avais demandé... Enfin, pas parce que j’avais des idées tordues en tête, hein. Elfe perverse. »
Dis-je en la regardant d’un air faussement choqué, outré. Un air qui ne me correspond vraiment pas, vous le savez. Quelques secondes plus tard, mon sourire narquois reprend sa place sur mes lèvres.
« J’aime bien parodier la vieille, j’avoue. Et pas qu’elle, d’ailleurs. Theresa May, Trump, le maire, tous ces dirigeants à la con qui ne pensent qu’à leur poire, pendant que Bristol et le monde sombrent. Faut bien que quelqu’un dise la vérité, que quelqu’un dénonce leurs conneries, alors je me fais plaisir. » Je hausse les épaules, nonchalamment. « Alors cette bière ? ».
Bah quoi ?
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Sujet: Re: Retrouvailles Dim 16 Juin - 21:14
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Baxter E. Sherwood
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Je regarde Ana avec un sourire en coin. Eh bah, si elle n’a pas épousé un vieux riche et qu’elle a réussi quand même à se trouver un appart aussi sympa, chapeau la miss ! Non, plus sérieusement, ça ne m’étonne pas, elle a toujours été du genre à se battre pour ce qu’elle voulait. Et j’imagine bien qu’il voulait mieux qu’un simple taudis, comme celui où j’habite, par exemple. Franchement, ici, c’est un vrai palais, comparé à mon chez moi qui sent le renfermé, et ce avec les fenêtres ouvertes ou fermées. Eh ouais, la joie. En tout cas, j’ai réussi à la faire rire, donc ça a valu le coup, la comparaison exagérée. Et puis bon, si l’on prend la vie trop au sérieux tout le temps, ça peut vite devenir insupportable, vous savez. Pour ça que, en plus d’exagérer et de faire des comparaisons absurdes parfois, j’aime aussi... hum... me moquer des gens et même les insulter aussi. Mine de rien, c’est une véritable thérapie. On ne parle pas de ces stratégies chez les psys ? Tiens, ça aussi ne m’étonne pas. Les antidépresseurs coûtent plus cher, hein. Mon regard amusé se fait plus curieux lorsque la jeune femme me dit que son nouveau boulot est pas mal non plus, sans pour autant préciser de quoi il s’agit. Je hausse un sourcil, taquin, avant de m’installer enfin.
Je compte bien découvrir de quoi il pourrait bien s’agir, bien entendu, mais ça attendra. D’abord, j’ai un cadeau à lui offrir, cette magnifique toile cachée derrière mon dos, qui représente la Momie Nazie suprême. Qu’elle apprécie la vieille ou pas, j’espère que ça lui plaira quand même. Sa réaction me rassure dans ce sens. Je ne peux m’empêcher de me mordiller la lèvre, satisfait et amusé en même temps... Et pensant encore, malgré moi, à cette histoire de threesome avec Ana et la Reine, sortie de nulle part tout à l’heure. Ouais, l’horreur ! La vieille devrait être déjà dans un musée d’Antiquités ou quoi ! Ouste de ma tête ! Et puis... Non, merde, ça serait trop bizarre avec Ana. Quand même, c’est une amie d’enfance, merde ! Je chasse les scènes un peu trop graphiques qui se formaient déjà dans ma tête, tout en la taquinant tout de même là-dessus. Le pire, c’est qu’elle joue le jeu... Comme toujours, quoi. Cela explique bien pourquoi on a si souvent fait des conneries ensemble quand on était gamins. Je pousse un petit rire amusé, sans la lâcher du regard et sans rien répondre non plus. La brune m’avait manqué quand même, tout comme son humour et son sens de la provocation. Je la laisse donc s’emparer de la toile, alors qu’elle me remercie.
« Content que ça te plaise, c’était le but ! Même si je l’ai pas fait spécialement pour toi, hein. »
Petite précision, hein, au cas où. Au cas où quoi ? Bah, j’sais pas moi ! OSEF. Quoi qu’il en soit, j’enchaîne en lui expliquant que j’aime me moquer des politiciens, exposer leurs conneries, bien nombreuses d’ailleurs. Puis je lui rappelle que j’suis venu pour la bière – bah quoi, elle avait promis, nan ? Eh bien, l’humaine à don ne tarde pas à me lancer une bouteille sans prévenir, pour tester mes réflexes comme si j’étais le gardien de but de Liverpool. Heureusement pour elle, j’ai effectivement de bons réflexes. Je me mordille la lèvre à nouveau, amusé, avant d’attaquer donc la bière fraîche.
« Bah, c’est grâce à ta prudence. Au fait, c’est ton deuxième prénom, ça. Ana Prudence-de-Fou. Comme moi, quoi, Baxter Enfant-de-Chœur. »
Je pouffe comme un idiot, avant de boire quelques gorgées de bière. Ah oui, j’en avais vraiment besoin quand même. Un soupir satisfait s’échappe de ma bouche, tandis que mon regard clair se pose sur mon amie. Elle préfère toujours le vin, visiblement. Comme quoi, tout n’a pas changé depuis le temps, effectivement, et quelque part ça me fait plaisir. Depuis un moment, j’ai la sensation que tout, autour de moi, est en train de changer à une vitesse folle, et pas pour le mieux. Alors que la trentenaire s’est assise à mes côtés, je lève la bouteille à mon tour pour trinquer avec elle.
« A nos retrouvailles, bébé ! »
S’en suit une nouvelle gorgée, longue et rafraichissante, pendant que l’Altération reprend la parole, souhaitant m’avouer quelque chose. Oulah, c’est là qu’elle va m’avouer qu’elle veut me mettre dans son lit ?! Je la regarde, intrigué. Elle n’est plus vraiment architecte ? Alors quoi, quel est ce boulot pas si mal qu’elle a mentionné tout à l’heure ? Elle n’a pas arrêté le combat ? Mais ce n’est plus vraiment le même ? Je plisse les yeux. Elle bosse pour la CAA.
Attendez, elle QUOI ?!
Vous voyez ces trucs automatiques que les citadins utilisent pour arroser les plantes dans les parcs et tout ? Eh bien, là j’suis le truc automatique qui arrose, et elle est la plante arrosée. Ou plutôt, elle est une traîtresse, ni plus ni moins, ouais ! Je me lève d’un bond, fou de rage, aveuglé même.
« Tu rigoles, là ?! Tu bosses pas pour la putain de CAA, c’est pas vrai ?! T’es pas devenue une putain de traîtresse toi aussi ?! Sans déconner, meuf ! Ils sont à la botte des foutus Anges de merde et du Conseil et des, raaah, c’est pas vrai ! Pas toi ! »
J’ignore encore si Ana a été bien arrosée ou si la pluie de bière a juste fini par s’abattre sur le parquet, mais je sais une chose : que j’suis vénère, là ! Je me retourne vers elle, encore à moitié aveugle. Je m’y attendais tellement pas, putain ! Pourquoi m’a-t-elle lâché une bombe pareille comme ça ?
« Bordel Ana, pourquoi tu bosses pour eux, merde ?! T’as oublié ce qu’ils ont fait ? Ce qu’ils nous ont fait ! »
Quelqu’un a dit ‘bombe à retardement’ ? Eh bien... Boum.
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Invité
Sujet: Re: Retrouvailles Lun 24 Juin - 22:26
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Baxter E. Sherwood
Avatar : Jack O'Connell Missives : 1802 Livres en banque : 6601 Localisation : Bristol
Le mot ‘CAA’ a été cette fameuse goutte qui fait déborder le vase. Ou plutôt, cette étincelle qui déclenche une explosion. Une véritable explosion de bière, ouais... J’suis tellement en colère que je ne vois plus rien, je n’entends plus rien du tout. L’idée qu’Ana ait changé de camp, qu’elle soit du côté de la CAA, du gouvernement, des putains d’anges de merde, ça me rend malade. Ça me rend putain de fou, merde ! Sans même m’en rendre compte, je lui ai craché dessus, renversé de la bière partout. Et pourtant, ça me laisse de marbre en cet instant, tout ça me semble si ridicule, si superflu face à cette révélation qui m’a fait le même effet qu’un coup de poignard en plein cœur. A-t-elle donc oublié tout ce qu’on a subi, tout ce qu’on a perdu ? Est-elle donc devenue une traîtresse, une alliée des Anges, du système maladif qui gère Bristol ? Comment a-t-elle pu ?! Je ne comprends pas, ça n’a aucun sens, et ça me fait un mal de chien. Debout, je la regarde, les yeux écarquillés, fous de désespoir, de déception. Si vous saviez comme j’ai la haine !
La jeune femme ne tarde pas à réagir, se défendant face à mes accusations, tout en me reprochant mon manque de confiance en elle. Franchement, j’en sais rien du tout, ça fait longtemps qu’on s’est perdus de vue ! Qu’est-ce que j’en sais, moi, de ce qu’elle est devenue ou pas ? J’étais pas là, je sais juste qui elle était avant. La Ana que je connaissais avant n’aurait jamais soutenu les Anges ou leurs partisans. Non, elle ne se serait jamais laissé corrompre de la sorte, parce qu’elle savait à quel point ils nous avaient brisés. Elle n’était pas une elfe de sang, mais elle était une elfe de cœur, elle avait grandi chez nous, dans notre culture. C’est pour ça que ça m’a fait un choc. Je crois que si je n’étais pas autant en colère, j’en aurais pleuré. Enfin, rien ne dit que je ne le ferai pas. Surtout qu’elle s’est mise à décrire les choses qu’on a vues, les odeurs... Les mots se transforment en souvenirs, et les souvenirs sont trop moches, trop douloureux. Je serre la mâchoire, mes mains tremblent, mon cœur s’emballe. Je la regarde, mais je ne la vois plus vraiment elle ; je revois le passé.
En attendant, la brune se justifie, me rappelant qu’elle a toujours détesté les Aberrations aussi. Elle m’assure qu’en ayant intégré la CAA, elle les combat, tout en cherchant à s’approcher les Anges sans qu’on se méfie d’elle. Je cligne les yeux, fronce les sourcils. J’hyperventile à fond. Je me demande si c’est vrai ou s’il s’agit juste de mensonges ayant pour but de me calmer. Je me sens perdu. Soudain, sans que je ne m’y attende pas vraiment, Ana’ attrape mon t-shirt et me fusille du regard, tout en me disant de ne plus jamais la traiter de traîtresse... et de ne plus jamais lui cracher ma bière au visage. C’est à ce moment-là que je redescends sur terre et que je réalise que j’ai réagi comme un connard fini. Merde, putain, bordel, fais chier. Je me déteste, moi et mon sale caractère parfois ! Si c’est vrai qu’elle n’est pas une traîtresse... Merde. Je reste interdit dans le salon, tandis que la trentenaire se dirige vers la cuisine. Je n’ai même pas rigolé au commentaire sur la potentielle excuse pour squatter sa douche – et en temps normal, je l’aurais fait. Enfin, j’aurais rigolé, je veux dire. Je passe une main dans mes cheveux, lentement, soudainement pris d’une fatigue qui semble avoir absorbé toutes mes forces. Je baisse les yeux, je vois enfin ce que j’ai fait. J’suis un putain de sauvageon parfois, bordel de merde.
« Merde, merde, merde ! »
Merde, ouais. Je viens de retrouver une amie d’enfance, l’une des rares qu’il me reste, et tout ce que j’ai réussi à faire, c’est lui cracher au visage et lui ruiner le canapé et que sais-je plus encore. Sans parler du fait que j’ai probablement blessée dans son intégrité. Ana est quelqu’un d’honnête, c’est quelqu’un de bien, bordel. Frustré, je me retiens au dernier moment de donner un coup de pied au canapé, ou plusieurs. Je prends une profonde inspiration, passe une main sur mon front pour essuyer les gouttes de sueur qui y perlent, et me décide enfin à me diriger vers la cuisine. Il faut que je m’excuse, putain. Même si je déteste ça plus que tout. Je me suis comporté comme un putain d’abruti, sans même lui avoir laissé le temps de s’expliquer. J’apprendrai jamais. Entrant doucement dans la cuisine, je déglutis difficilement.
« J’ai pas fait exprès. Okay ? Je voulais pas... »
Bah quoi, c’est vrai ! J’ai explosé, j’ai pas pu m’en empêcher, c’est comme ça. Je m’approche de quelques pas, un peu honteux.
« Et puis merde, quoi ! Tu me connais et tu me balances une nouvelle du genre comme ça ? Sérieux... Alors que j’ai la bouche... pleine de bière ?! Et que j’suis un connard qui s’énerve vite ? T’es folle, suicidaire ou quoi au juste ? »
J’étais hyper sérieux au départ, mais je peux m’empêcher de laisser un léger rire s’infiltrer dans ma voix alors que je pense à ma bouche pleine de bière qui devient soudainement un arrosoir improvisé. Bordel, à peine si je m’en souviens. Quelqu’un a la vidéo ? Car franchement, j’aimerais revoir ça, tiens ! Je pousse un long soupir las.
« Tu veux que je dégage ? J’ai un peu ruiné la soirée, je sais... »