Hannah - order in decline

Les mots ne suffisent à définir un être. Il n’est pas contenu entre des palabres qui prennent des sens différents selon le contexte et l’interprétation.

Voix qui porte lorsqu’il faut se faire entendre mais qui vibre comme une note de piano lorsqu’elle confie un secret. Sa douceur n’a rien à envier aux plus cléments bien qu’elle se montre magnanime en fonction de l’individu qui reçoit son attention. Avenante, il est aisé pour l’elfe d’aller vers les autres et quérir des informations. Ombre parmi les passants, elle ne s’impose au milieu d’une pièce et, discrète, sait se faufiler sans qu’on la remarque. Vos confessions seront jalousement gardées si d’aventure vous la prenez pour tombe. Au jeu du temps, elle serait reine. Guère pressée, tout vient à point à qui sait attendre. Les heures défilent mais jamais elle ne plie. La chose convoitée adviendra, un jour ou l’autre. Ses décisions ne sont pas prises à la hâte, elle réfléchit souvent avant d’avancer ses pions ce qui la rend redoutable lorsqu’une partie contre elle se joue. Prendre des décisions n’est pas chose qu’elle vit à la légère mais elle n’a besoin de personne pour lui dire quoi faire. Téméraire, elle prend facilement les devants et sait se débrouiller seule. Perspicace, c’est peut-être cette qualité qui l’aide le plus dans son métier. Hannah ne laisse aucun détail filer et sait facilement déjouer le mensonge. Elle s’insurge cependant facilement et déteste l’injustice. De ce fait, elle répond vivement dans ce cas-là. Elle donnerait sa vie pour sa fonction. Empreinte des fibres de la loi, elle ne supporte qu’on l’outrepasse et lui voue une loyauté sans failles. La justice est intègre et ne trompe jamais, pas comme l’humain. Pessimiste, elle a souvent du mal à assurer le succès de ses choix même s’ils sont murement réfléchis. Elle ne mâche guère ses mots lorsqu’il s’agit de pointer un détail qui la chiffonne ou une action dont vous ne devez être fier, la critique facile irrite parfois ceux qui la côtoient. Finalement, ce petit côté carré qu’elle possède au sein de son esprit se répercute sur l’espace qu’elle habite car maniaque, rien ne traine et est rangé au millimètre près.

Le bruit du papier froissé entre des doigts indélicats rompt le silence qui baigne la pièce. Accalmie passagère alors que rôdent les ombres de la nuit à l’extérieur. Deux yeux qui observent la photo jaunie par les années. Existence qui s’étire pour elle mais qui n’est pour ceux qu’elle vénère.

Bristol. Loin des verdoyants pâturages où ses ancêtres élurent domicile il y a presque une décennie. Ces forêts où les siens brillent et s’ancrent en clan ne sont que des images illusoires, pièces rapportées des dires de ses grands-parents. Fragments de souvenirs qui ne sont les siens mais qui tatouent sa tête de couleurs, sons et odeurs. Klaxons de voiture, pollution et foule en délire rythment son quotidien. Cacophonie sonore et visuelle dans laquelle elle vient au monde. Exil imposé par le clan Nathair duquel dépendait ses grands-parents. Chassés de leur foyer à cause de les idéaux, invoquant l’harmonie qu’ils jugeaient essentielle avec les humains, désireux de se mêler à ceux qu’ils ne dévisagent que de loin. Hérésie dont la sentence fut fatidique. Funeste destin lorsqu’on connait l’importance de la communion des Elfes avec la nature. Ils ont amputé les membres de sa famille d’une partie de leur essence qu’ils retrouvent en ville mais jamais complètement. L’épreuve fut rude pour sa grand-mère mais avec le soutien de son époux et ses enfants à charge, encore juvéniles, le courage triompha sur l’abnégation.

Princesse innocente, prunelle des Robinson. Choyée, encensée et aimée. Douce enfance que fut la sienne, loin des lions et requins de la vie. Elle ne sait rien des règles qui régissent la vie dans un clan mais connait par cœur les rues perpendiculaires de son quartier, peut nommer les grandes périodes historiques britanniques et réciter l’alphabet sans reprendre sa respiration. Les traces de ses ancêtres ne ternissent ses journées où leçons, jeux et nombreuses facéties occupent son quotidien. Seule différence dont elle ne prend que peu conscience encore, son appartenance aux elfes. Son grand-père, dont les mains transformaient en or tout ce qu’elles touchent s’est également très bien adapté à sa vie d’homme d’affaire. Doué dans le travail manuel et précis, il trouve rapidement du travail dans une entreprise spécialisée dans le bâtiment. Ayant soif d’indépendance, dix ans après, il fonde sa propre société ce qui permet de mettre à l’abri les siens assez facilement. Il achète une propriété dans la banlieue de Bristol. Demeure aux grandes fenêtres que la nature borde, parc de quelques hectares que sa femme se fait une joie d’entretenir. L'entreprise reste entre les mains familiales puisque son gendre, assure la comptabilité. Sa mère, femme de poigne pour qui la guérison est un secret jalousé officie en tant qu'infirmière. Rencontre hasardeuse au détour d'un café autour duquel elle croise celui qui deviendra le père de leur fille, humain lambda tant décrié par les anciens qu'elle vénère pourtant. Alliance muette entre leurs deux familles, l'elfe devient Robinson.

Hannah est assidue et ne veut décevoir les espoirs fondés par sa famille. Famille qui s’est battue pour parvenir à cette ascension sociale. Elle ne peut briser ce cercle et redouble d’efforts pour se montrer exemplaire durant toute son adolescence. Peu de sorties, peu de fréquentations, une course à l’excellence qu’elle regrette parfois aujourd’hui. Sa mère voit en elle et en ces rudiments transmis d’aînée à plus jeune comme une bénédiction. Rudiments transmis eux-mêmes par la grand-mère d’Hannah. Elle explique les bases de ses talents de guérisseuse à la brune et nourrit l’espoir qu’elle avance sur le chemin de la médecine. Trop de vies sont prises entre les coups qui pleuvent chaque jour. Trop d’hommes et femmes tombent sous le joug de maladies improbables et inopportunes. Si sa fille s’instruit à ses côtés, elle ne demeure convaincue par cette voie car même si leur situation fait naître l’envie chez certains, elle décrie ce que ces lâches elfes ont fait endurer à ses grands-parents. S’acclimater à un autre espace, trouver sa place dans un monde en pleine expansion n’a pas été aisée. Il n’y a pas aucune justice là-dedans, seulement un excès de zèle et une autarcie qu’elle déplore. Les humains ont tellement plus à offrir que les pensées archaïques de ceux qu’elle ne considère même pas comme siens. Elle rejette la proposition de sa mère et s’inscrit à l’école de police. Par vengeance. Par envie. Sentiment teinté de diverses notes qui éclaire son choix. Sentiment exacerbé par l’annonce du Grand Incendie. Les chasseurs se retrouvent chassés. La justice a encore une fois brillé. Elle n’exprime aucun regret quant à cet état de fait. Traits elfiques, sang à demi-elfique, vie totalement humaine et idéaux qui rejoignent la Couronne sans détour. Ironique n’est-ce pas de cracher sur l’essence de son être ? Contradiction qu’elle balaie avec brio.

Diplôme de police obtenu et qui trône fièrement au-dessus de la cheminée familiale, seul caprice auquel ont fini par céder ses parents. L’insigne et l’arme jalousement gardées des jours durant. Enfin, seulement l’insigne qui fait office d’ours en peluche pour égayer ses nuits. L’indépendance la gagne et elle s’émancipe en prenant un appartement, au plus près du commissariat. D’ailleurs, ses frasques ne remontent pas à aujourd’hui. Cet amour du sens de l’ordre brillait déjà lors de ses années collègues et lycées lorsqu’elle militait déjà pour défendre le gamin harcelé par une bande de malfrats au look tapageur. Elle a même pris quelques cours d’arts martiaux afin de pouvoir se défendre, au cas où.

Cette période bienheureuse où elle prend enfin ses fonctions coïncide avec le décès brutal de son grand-père. Coïncidence qui n’en est peut-être pas une mais sur deux années, elle les a veillés tant et plus. Une fois la journée de travail terminée, c’est au bord de leur lit qu’elle priait toutes les entités de cette terre pour les ramener. Son grand-père semblait en rémission mais, victime d’une crise cardiaque, elle ne put lui dire au revoir car de garde sur sa demande cette nuit-là. Chagrin qui hante encore ses songes. Et si elle n’avait pas changé son planning peut-être aurait-elle pu prévenir l’inévitable ? Sa grand-mère, n’ayant plus son époux auquel se raccrocher et troublée par des problèmes respiratoires s’est éteinte dans son sommeil un peu plus de six mois après. Ses parents décident de vendre l’entreprise familiale et, casaniers, demeurent dans la propriété des leurs. Malgré ses talents de guérisseuse, elle n’a réussi à sauver les siens ou ralentir le processus de décadence. Elle se sent coupable de n’être que trop humaine, la seule fois où son aversion pour les elfes s’effaça au profit de la rage qu’elle nourrit face à ce qu’elle est et ne peut être en même temps. Hannah ne prononce plus leur nom. Et s’ils fragmentent son esprit à chaque souffle, elle ne peut retenir cette culpabilité qui la ronge lorsqu’on les évoque et s’emporte facilement.

La douce se plonge dans le travail, troquant tout son temps libre pour être occupée. Exit les relations et la jeunesse humaine auxquelles aspirent beaucoup de donzelles de son âge. Solitaire, elle se prête à ces jeux sans y croire, préférant tout donner à la Couronne qui elle ne se meurt. Elle monte en grade et devient détective pour la police, cela lui permet de sortir des chemins battus dans lesquels elle s’est cantonnée jusqu’alors. Elle suit de loin la Révélation et voit d’un mauvais œil la recrudescence des elfes. Elle est outrée de l’arrivée d’Elfes avec ce Conseil du Renouveau et revendique son allégeance aux Imperium.

En parallèle des avancées politiques sous-jacentes, on lui attribue une affaire délicate. Le vil tente par plusieurs manœuvres d’accéder aux faveurs de la belle qui s’extirpe de ces filets douteux avec brio. Néanmoins, punition dont il l’acquitte. Punition qui se matérialise sous la forme d’une filature. Affaire qui suit un propriétaire d’une distillerie. Ne sachant quoi chercher ni ce qui peut se révéler tendancieux, il est accusé d’activités guère légales. Au moment où sa hargne est à son comble avec la montée du Conseil, cette cible devient une affaire qu’elle doit régler, coûte que coûte. Bien des facettes de la situation lui échappent, notamment ce lien qui régit cette mésalliance. Le présumé coupable ne présente d’apparence aucune hostilité et pourrait même être gracié sous ses airs impeccables. Pourtant, quelque chose tend à lui prouver le connaître. Elle ne sait encore quoi mais elle trouvera. Il occupe nombreuses de ses pensées à cause de l’affaire qu’elle désire ardemment mener à bien. Est-ce la réelle raison ?